Dans la brousse: sensations du Soudan

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A. Lemerre, 1895 - French - 260 pages
 

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Page 35 - Par-delà cette forge inattendue qui flamboie à l'autre horizon, il a dû regagner son antre. Il vient de s'endormir, là-bas, - très loin. Une seconde, le ciel, au-dessus de la brousse réveillée, roule, tel un fleuve jaune, ici des flots de cuivre pâle et de pourpre fumeuse, là des douceurs bleutées de lait mourant dans un lac lilas. Une étoile, comme rassurée, a surgi : l'hyène reprend son râle ; et, tout de suite, c'est la nuit, sans qu'on l'ait vu s'en aller, - le Monstre : - le Soleil...
Page 32 - Du bien naît, s'étale, se fonce, se creuse enfin, à l'Est, d'une brèche embrasée où pointe la crinière du vainqueur. Et, soudain, le voici sur la crête. — le Monstre. 11 monte, il monte encore, en sa gloire assoiffée et furieuse. Puis, las sans doute de retrouver aussi morne l'horizon morne de la veille, ou peut-être pour mieux jouir de sa dévastation d'hier et de toujours, il semble s'immobiliser, en arrêt. Mais à sa menace, rien ne répond que le silence et que la solitude. Sous...
Page 33 - ... cette nuit, chemina la caravane, des tourterelles sautillent, quêtant leur vie dans la fiente des bêtes. Ou bien, un charognard étire ses ailes au bout d'une branche. Et la bête est affreuse, et a faim. Et la branche se calcine, veuve de feuilles.
Page 34 - ... des espoirs de résurrection, des nuances. La couleur recule; l'ombre du baobab s'allonge, rétrécie ; les oxydes de fer étanchent leur sang sous une buée mauve et soufre. Et soudain, on ne l'aperçoit plus, le Monstre. Par delà cette forge inattendue qui flamboie à l'autre horizon, il a dû regagner son antre. Il vient de s'endormir, là-bas, très loin. Une seconde, le ciel, audessus de la brousse réveillée, roule, tel un fleuve jaune, ici des flots de cuivre pâle et de pourpre fumeuse,...
Page 33 - ... fini le jalonnement des oiseaux, la sente se confond avec la terre rouge, tandis que l'énorme baobab, parti le vautour, retombe, plus laid, plus noueux, à la tristesse de sa difformité, hippopotame et non plus arbre. Des heures continuent à passer; et l'opiniâtre guet de l'ennemi s'éternise. La chaleur s'exaspère ; le ciel arde plus fort ; l'air, plus atrocement bleu, vibre et brûle. Le Monstre enfin se meut, — lentement. D'abord, on ne sait s'il s'éloigne. Il agrandi.
Page 230 - Jaillissant des orbites, ses yeux à l'émail injccté, deux yeux blancs, énormes, comme cuits, essayaient de me voir, essayaient de comprendre. Leur tension angoissée vivait seule dans la hideur de la figure où l'agonie suait sur l'ivoire moisi du front, sur les joues cadavériques, vertes et bistrées, aux talures de fruit pourri. Car il ne criait pas, ne geignait même point. Et comment se tenait-il debout? Et comment, voulant me fuir, ma nationalité reconnue, put-il marcher encore?...
Page 231 - Annamites, porteurs de bagages, de vivres et de munitions, entraient à notre suite dans BacNinh. Leurs bandes se faufilaient par les jardins et, du fond des logis murés, des cris déjà montaient, des lamentations de vieilles femmes, des aboiements, des écroulements de meubles, des glapissements de porcs, des chutes lourdes. Plus loin, quelques-uns de ces coolies s'attablaient en plein air. Accroupis sur leurs talons, et faméliques, ils jetaient des débris de lits à des feux sur lesquels de...
Page 33 - Des blocs d'oxyde de fer saignent parmi les termitières. Les tourterelles se sont envolées ; le charognard a déserté la branche. Et, fini le jalonnement des oiseaux, la sente se confond avec la terre rouge, tandis que l'énorme baobab, parti le vautour, retombe, plus laid, plus noueux, à la tristesse de sa difformité, hippopotame et non plus arbre. Des heures continuent à passer; et l'opiniâtre guet de l'ennemi s'éternise. La chaleur s'exaspère ; le ciel arde plus fort ; l'air, plus atrocement...
Page 31 - II vient de s'éveiller, là-bas, - très loin. La dernière étoile, comme si elle avait peur, s'est enfuie ; l'hyène a tu son râle ; et, tout de suite, c'est le jour, - sans qu'on ait vu s'en aller l'ombre. Invisible encore derrière les rochers rosés, il approche. Un souffle le précède, qui balaie dans le ciel la tendresse de l'aube, mauve et soufre.

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