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de tabac à la France, & c'eft fans contefta tion que François Drack, fameux capitaine anglois, qui conquit la Virginie, en enrichit fon pays. Jean Liebault, dans fa Maifon Ruftique, a avancé que le tabac étoit originaire d'Europe, & qu'avant la découverte du Nouveau Monde, on en trouva diverfes plantes dans les Ardennes; mais Magnenus le rend à l'Amérique; & pour réfoudre la difficulté de Liebault il ofe dire que les vents en avoient pu apporter la femence des Indes dans l'Europe.

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-Cette plante exige peu de foin pour fa culture. Voici le procédé que l'on emploie ordinairement. On fait un petit trou en terre de la largeur du doigt; on y jette 10 ou 12 graines de tabac; on rebouche le trou. Lorfque la graine eft levée, on arrofe le plant pendant le tems fec, & on le couvre de paillaffons pendant le grand froid, afin que chaque tige fe fortifie davantage. Lorfque cette plante eft parvenue à la hauteur de 3 pieds, on en coupe le fommet avant qu'elle fleuriffe, on arrache celles qui font piquées de vers', ou qui veulent fe pourrir. On connoît que les feuilles de tabac font propres à être récoltées, lorfqu'elles fe détachent vers la fin du mois d'Août; on les enfile par la tête, & on en fait des paquets qu'on laiffe fécher dans un grenier, Comme toutes ces feuilles ne font pas mûres à la fois, on laiffe la tige en terre pour donner le tems aux autres feuil. les de mûrir, & on ne pince pas, c'est-àdire qu'on ne coupe pas le fommet des ti ges dont on veut avoir la femence. Les Etats où cette culture eft permife fe procurent un revenu confidérable par l'exportation qu'ils en font dans ceux où elle eft prohibée. Les habitans de la Guienne & de plufieurs autres

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provinces de France cultivoient autrefois le tabac; & quoiqu'ils ne puffent le vendre qu'aux fermiers-généraux & à très-bas prix, ils en retiroient un produit confidérable, & l'argent qui en provenoit reftoit dans le royaume. On a eftimé en 1750 que le Maryland & la Virginie produifoient chaque année, à l'Angleterre plus de too mille boucauts de tabac, qu'il en reftoit à peu près la moitié pour la confommation de l'Angleterre, & que l'autre partie étoit exportée; ce qui enrichiffoit annuellement certe nation d'une fomme de 400 mille liv. fterlings, ou 9 millions 200 mille liv. de France.

Comme le tabac vient beaucoup plus beau dans les terres nouvellement défrichées, celles du Maryland & de la Virginie ont prefque toutes été miles en valeur par cette culture, furtout depuis que la liberté du commerce d'Afrique as dongé aux habitans de ces colonies les moyens de fe fournir d'un grand nombre de Negres. Le produis du tabac est donc encore plus confidérable aujourd'hui pour P'Ang eterre qu'il ne l'étoit autrefois.

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En Amérique, un feul Negre peut en cultiver chaque année environ deux mule livies, indépendamment des légumes & autres choles néceffaires à fa nourriture; il fuffit feulement d'avoir l'attention de châtrer les tiges, cleft-à-dire, de retrancher les têtes, afin que les feuilles, qu'on laide au nombre de 10 ou 12 au plus, prennent plus de nourriture de farcler & de remuer fouvent la terre autour des pieds, & d'arracher les tiges dès qu'elles font à leur degré de maturité, que l'on connoitslor que les feuilles degiennent pointues, d'un vert foncé mêlé de taches jaunâtres,& qu'elles commencent à fe rider. C'est alors qu'on les arrache & qu'on

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les fufpend pour les faire fécher fous des hangards qu'on appelle Suéries. Lorfque les feuilles font feches on les fépare des tiges; enfuite on les affemble par le pédicule au nombré de 1o ou 12 & on les ferie au moyen d'une feuille dont on les entoure. Ces efpeces de petites bottes s'appellent Mannoques; on les difpofe dans des tonneaux qu'on nomme Boucauts; ces s boucauts ont 4 pieds de haut fur 32 pouces de diametre à la faveur d'une preffe, on y fait entrer jufqu'à 1100 livres de ce tabac en feuilles. C'eft ainfi que ce tabac eft envoyé en Angleterre & en France.

Lorfque ces boucauts de tabac font arrivés dans nos manufactures, on les ouvre & l'on défait les mannoques, en ayant l'attention. de féparer les feuilles moifies d'avec celles qui font faines. Le tabac de Virginie eft plus expofé à la moififfure que celui que les. fermiers tirent de la Hollande; cela dépend fans doute de ce qu'il n'eft pas affez defféché lorfqu'on le met dans les boucauts. On fépare de même dans le tabac de Hollande les feuilles viciées de celles qui font en bon état. Les bonnes feuilles de l'une & de l'autre espece font faucées, c'est-à-dire qu'elles font afpergées légerement avec de l'eau dans laquelle on a fait diffoudre du fel marin. On ajoutoit autrefois à ces eaux un peu de fyrop de fucre; mais actuellement on ne s'en fert plus. Les mauvaifes feuilles font brûlées, & les cendres qui en proviennent font vendues pour être employées, foit dans les verreries, foit dans les buanderies.

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3. Lorfque les feuilles de tabac font préparées comme on vient de le dire, on les met en tas pendant plufieurs jours d'eft à la faveur de l'eau dont elles ont été arrofées qu'el

tes s'amolliffent & commencent à fermenter. Au bout de 3 ou 4 jours, on porte ce ta❤ bac dans un attelier où l'on ôte les côtes des feuilles. Les petites côtes fervent à faire le tabac des troupes, & les feuilles font portées auffi-tôt dans l'attelier des fileurs, qu'on appelle auffi Torqueurs la fonction de ces ouvriers eft de fier le tabac en maniere de groffes cordes.

Leur attelier eft garni de deux rangées de tables d'environ trois pieds & demi de long fur deux & demi de large; elles ont chacu

à une de leurs extrêmités, une espece de rouet garni d'une bobine; des enfans & des femmes fort auprès de ces tables; leur Occupation eft de féparer les feuilles les plus larges d'avec celles qui font étroites. Ces dernieres font difpofés par petites poignées telles que la groffeur de la corde que le torqueur file l'exige, & pour cet effet elles font plas cées à la portée. Les feuilles les plus larges font étendues & placées auffi dans le voiffmage du torqueur, qui les prend pour en for mer le delfus de la corde à mesure qu'elle fe fabrique lorsque le torqueur commence fa corde un enfant eft occupé à tourner le rouet, & à l'arrêter lorsqu'il eft néceffaire d'entortiller la corde autour de la bobine. Cesĵ cordes font plus ou moins groffes, felon l'u fage auquel on deftine le tabac. L'habileté du torqueur confifte à faire la corde d'une égale groffeur, & à l'entortilfer bien ferrée & bien également autour de la bobine à mesure qu'elle elt filée.

Lorfque les bobines font fuffifamment remplies, on les ôte du rouet pour y en fubfuer d'autres, & on les porte dans un auare atelier, où elles font dévidées pour formor de gros rouleaux que l'on a foin de

ferrer fortement. Ces rouleaux font envelop pés de papier, & enfuite dépofés pendant fix mois & quelquefois plus dans de grands magafins.

C'est au bout de ce tems que l'on donne au tabac fa derniere préparation pour cela, on coupe ces cordes en plufieurs parties d'égale longueur; puis on en met quatre, fix ou huit enfemble, les ayant préalablement frottées avec un peu d'huile à la furface; alors on les arrange dans les moules, qui font des pieces de bois demi cylindriques, creufées en gouttieres, dont les côtés font garnis de feuillures profondes; ces feuillures fervent à recevoir les bords d'une autre gouttiere aufsi demi cylindrique, que l'on enfonce à coups de maillet dans les feuillures de la premiere. Les bouts de tabac fe trouvent par-là très fortement comprimés; leur enfemble prend une forme cylindrique, telle qu'eft celle de l'intérieur des moules, Ces moules ainfi garnis de tabac font enfuite mis à la preffe pendant 48 heures.

Ces preffes font très belles & très-fortes; Ja vis eft en fer & l'écrou en cuivre. Quoiqu'elles foient grandes, elles font fi bien exécutées, qu'un feul homme, au moyen de l'extrêmité d'un levier de fer qu'il introduit dans des trous pratiqués à la tête de la vis, comprime à la fois 72 moules de tabac à fix bours, ou 66 à huit bouts. Voici comment ils font difpofés. On en met 12 fur une table fixe qui fait partie de la preffe, & pardeffus on place une table mobile, fur laquelle on met le même nombre de bouts de tabac, mais dans un fens contraire à celui des premiers, On place une troifieme table fur cette feconde rangée, & on y forme un troisieme it de bouts de tabac difpofés dans le même fens que ceux

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