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le ciel a été beau, & que le thermometre de Réaumur exprimoit une température de dix de huis & fix degrés au deffus de la congélation; de cinq à quatre, cette matiere a eu moins de bauteur & fa couleur moins d'intenfité; à. un, deux & trois degrés au deffus de la congélation, elle eft restée au fond du yafe, d'un vert foncé qui paroiffoit très-fouvent furmonté d'un vert clair de plufieurs lignes d'épaiffeur. Ses mouvemens d'élévation ont été toujours en diminuant, comme la chaleur de Pathmofphere. On les a vus, il eft vrai, se manifefter par intervattes, mais irrégulierement, depuis les premiers jours de Janvier jufqu'aux derniers; depuis lors ils ont été encore plus irréguliers & plus rares jufqu'au 12 Février, où cette matiere n'en a plus offert aucun. eft arrivé, & peut-être bien plus fouvent que je ne m'en fuis apperçu, qu'à une température moyenne, la durée de fon élévation n'a pas été toujours égale à celle du foleil fur notre horizon.

Le 22 Novembre, le thermometre à fe degrés au deffus de la congélation, je fus témoin d'un phénomene qui m'étonna d'autant plus, que je ne fçavois à quoi l'attribuer. Après avoir vu à dix heures & quelques minutes du matin cette matiere verte élevée, comme les jours précédens, je la trouvai à onze heures cinquante-trois minutes defcendue, prefque toute fixée dans le fond du vafe, & cependant le thermometre n'exprimoit aucun changement de température. Quelques heu es après, fon élévation fut la même qu'à dix heures & quelques minutes. Je ne regardai pas cet événe ment comme un effet du hazard, mais comme tenant à quelque caufe qu'on ne parvient à découvrir qu'en fuivant la marche de la nature. Si, difois-je pour lors, cette matiere verte

étoit régie dans fes mouvemens par le foleil, comme j'ai lieu de le préfumer, la durée de fon élévation devroit être égale à celle de l'aftre fur l'horizon. J'ai vu néanmoins, au moment où il étoit très-élevé, cette matiere parvenue à la hauteur ordinaire en descendre & y reparoître quelques heures après. Un effet auffi fingulier auroit-il une caufe différente de l'action folaire? Seroit-il dû à quelque changement fubit de température dans l'air, trop peu confidérable pour opérer le moindre effet. fur le thermometre le plus mobile? On sçait que l'air eft un des fluides connus le plus fenfible à l'action de la chaleur & du froid. En fuppofant notre matiere verte diffoute en une multitude de molécules d'une extrême petitefie qui, combinées d'une telle maniere avec des portions d'air infiniment petites, fuffent, fuivant l'état de l'athmosphere, fufceptibles de divers degrés de raréfaction, elles auroient plus ou moins de gravité fpécifique que l'eau où elles exercent leurs mouvemens: on les verroit, felon les circonftances, fe porter toutes ensemble au deffus ou au deffous de cette même eau; mais cette maniere d'être & d'agir n'eft point celle des molécules de notre matiere verte: elles ne font dans aucun tems réunies toutes enfemble au deffus de l'eau. Quand, après le lever du foleil, elles commencent à s'élever du fond du vafe, ce font d'abord les parties inférieures de l'eau & succeffivement les intermédiaires & celles au deffus que nos molécules colorent uniformément, Toute la maffe de l'eau du vase reste ainsi colorée pendant la préfencé de l'aftre fur l'horizon. Ce n'eft qu'à fon déclin que la décoloration a lieu & avec elle la defcente de nos molécules par degrés infenfibles.

L

Ne fcachant à quelle autre cause rapporter

:

ce nouveau phénomene, borné à de fimples conjectures, convaincu d'ailleurs que nos fpéculations n'embraffent que difficilement les vraies loix de la nature, je crus devoir attendre de nouvelles lumieres des recherches ultérieures que je me propofois de faire fur cet objet. Le 11 Décembre, entre neuf & dix heures du matin, j'avois vu la matiere verte trèsélevée elle coloroit l'eau du vafe comme les jours précédens. A onze heures trente minutes, je m'apperçus qu'elle n'étoit plus à la même élévation près des trois quarts de l'eau étoient fans couleurs quelques minutes, après, la plus grande quantité de cette matiere étoit def cendue ; elle coloroit d'un vert foncé le fond du vafe, & d'un vert clair quelques parties au deffus. Le thermomete étox à dix degrés au deffus de la congélation Des affaires d'un genre different ne me permirent pas d'attenLendre jufqu'au tems où elle remonteroit à fon 辣 évation ordinaire, comme l'obfervation du 22 Novembre me donnoit lieu de l'efpérer. Je fortis de chez moi, l'efprit préoccupé de cette variation dans les mouvemens de cette matiere que je voyois pour la feconde fois, & dont je cherchois à pénétrer la caufe, Venant par hazard à jetter les yeux fur l'athmosphere, voir le foleil obfcurci par des nuages, à réfléchir à leurs effets dans les expériences de dioptrique & de catoptrique, à comparer ces mêmes effets à celui d'un fimple voile qui, dès qu'il vient à être interpofé entre le foleil, les verres ardens ou miroirs concaves en expérience, empêche la réunion de fes rayons à leurs foyers, je ne doutai pas qu'à l'égard de cette matiere verte leur effet ne fût le même. Je me crus d'autant mieux fondé dans cette opinion, que de retour chez moi, à deux heures trente minutes, l'aftre exempt de nuages, je la trous

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vai à fa hauteur ordinaire. J'en conclus pour lors que, puifqu'un nuage placé devant l'aftre de la lumiere privoit cette matiere verte de l'influence néceffaire à fon élévation, il étoit probable qu'en la lui dérobant de quelqu'autre maniere on produiroit le même effet. L'événement juftifia ma conjecture: de même qu'un nuage de☛ vant le foleil, un voile placé entre lui & notre matiere verte occafionna fa defcente.

De tels effets ne font pas néanmoins particuliers à la lumiere comme matiere venant directement du foleil; ils font également pro⚫ duits par la fumiere, comme matiere que l'inflammation développe.

Vers la fin de Novembre quelque tems après le lever du foleil, le ciel étant ferein, la température de huit degrés au deffus de la congélation, je fermai mon cabinet de tous côtés à la lumiere du jour. Après m'être affuré de la defcente de cette matiere, j'en approchai deux chandelles allumées : leurs rayons lumineux l'affecterent à peu près de même que ceux du foleil : elle s'éleva infenfiblement & colora une partie de l'eau du vase.

Les expériences rapportées jufqu'ici me pa roiffent prouver d'une maniere évidence que la la lumiere eft la principale caufe du mouvement d'élévation de notre matiere verte. Je l'ai déjà dit: lorfque, pour la premiere fois, je fus témoin de ce phénomene, je l'admirai; j'ai encore cherché le moyen que la nature emploie pour le produire. S'il m'eft permis de conjecturer, je crois l'entrevoir dans l'influence générale & conftante du foleil', néceffaire à la production des êtres. Cette matiere finguliere, que je foupçonne compofée d'une multitude d'individus d'une extrême petiteffe, peut devoir fon exiftence à des germes qui, portés dans nos yafes, je ne fçais par quel agent, y DS

font développés par l'aftre bienfaisant qui anime la nature; imprégnés d'une abondante quantité de lumiere, ils font plus fenfibles à fes douces influences que toute autre matiere connue jufqu'à ce jour; ils ont une tendance naturelle qui les porte à fe réunir aux corpufcules lumineux qui leur arrivent de tous les points, du foleil, dès qu'il paroît fur l'horizon..

A défaut de ce mécanifne, on pourroit fuppofer celui de la dilatation & de la contraction d'un organe quelconque, d'une espece de: veffie, dans chacun des individus qui compofent notre matiere verte. Autrement, il feroit difficile de concevoir comment d'une pesanteur Spécifique plus grande que celle de l'eau, puifqu'elle s'y précipite, elle pourroit enfuite devenir affez légere pour s'élever dans ce fluide, & avoir toutes les, parties en équilibre avec les fiennes. Les phénomenes qu'offre notre matiere verte dans fes rapports avec la lumiere deviendroient fans doute de plus en plus. intéreffans, s'ils pouvoient fervir, au moins à nous éclairer jufqu'à un certain point fur fa nature, à établir le fyftême de fes affinités. & des loix auxquelles elle eft plus particulie.. rement affujettie (2) dans les regnes animal.,. végétal & minéral..

(2) Dans la fuppofition que la lumiere nous vient du foleil par un mouvement de transport,. qu'elle eft une émanation réelle de cet aftre & des autres corps que nous regardous comme lumineux par eux-mêmes, ou dans celle qu'elle exifte indé- pendamment de ces corps, qui ne font destinés qu'à la mettre en mouvement, & à lui donner de l'ac tion, qu'il me foit permis d'obferver que, felon la premiere hypothefe, dans quelque circonftance qu'on confidere, notre matiere vente, foit qu'après l'élévation du faleil fur notre horizon, elle s'éleve dans. l'eau de fon vale, que pendant fa préfence, elle y efte fufpendue, ou qu'à fon déclin elle vienne ens occuper la partie la pius bafle, de tets mouvemens

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