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Etat moral, phyfique & politique de la
maifon de Savoie. On y a joint une
efquiffe des portraits de la maifon re-
gnante. In-8°. A Paris, chez Buiffon.
1791. Prix, 2 liv. broché, & 2 liv
8. franc de port par la pofte.

D

ÉVOILER les intrigues, les ma-
noeuvres des prétendus grands
dans les Cours, c'eft décou-

vrir les fources des abus qu'ils
ne ceffent de favorifer ou d'introduire
pour fatisfaire leur orgueil, ou s'engraiffer
des fueurs du Peuple; c'eft ameuter contre
foi la cohue des miniftres ineptes, woracze
A 2

Ingraham fur

qui ne pouvant rien oppofer à la vérité Penfeveliffent dans des cachots.

Notre auteur, qui écrit (dit-il ) pour corriger le mal, & non pour avoir le plaifir d'en parler, s'attend à leurs perfécutions à tous les efforts qu'ils feront pour rendre fon ouvrage fufpect, même pour en empêcher la publication. « Cet injufte acharnement que le defpotifme met à tenir les efclaves dans l'ignorance ( continue-t-il ) prouve qu'il écoute rarement la loi; mais cette politique atroce doit engager une nation à franchir les bornes qu'on lui oppose. Il faut avoir le courage de s'inftruire. Epier & juger les valets d'un roi, ce n'eft manquer de refpect au monarque.... Après avoir pourfuivi l'écrit, on ne manquera pas d'en chercher l'auteur; mais c'eft un homme libre. Sa demeure champêtre eft à l'abri des plus rufes inquifiteurs; placée fur la cime d'un rocher inacceffible, les ordres d'un miniftre cruel font fans effet fur lui ».

pas

L'anonyme a divifé cet ouvrage en deux parties, & celles-ci en chapitres & paragraphes. Dans la premiere, il dévoile les abus du gouvernement & des diverfes branches -de l'adminiftration, & propofe des moyens d'y ramener, l'ordre. La feconde eft un compte rendu, ou l'inventaire des avoir tant pécuniaires que moraux. On y trouve le tableau de l'état militaire, des finances du miniftere, des tribunaux de juftice,

n'a pas

&c. De tels détails, (dit l'auteur) en mettant le cabinet de Turin à découvert, prouveront que la premiere partie du livre été écrite pour le plaifir de critiquer. La nation comprife dans les Etats du roi de Sardaigne eft divifée en quatre branches : les Sardes, les habitans de Nice, les Piémontois & les Savoifiens ou Savoyards, qui ont tous leurs caracteres différens. On; ne parle pas des fujets de Chypre & de Jérufalem car ( obferve l'anonyme) leur existence, leurs finances, leur dépendance même, font encore un fecret pour le cabinet de Turin.

Le Savoisien eft le plus maltraité, parce qu'il a les meilleurs foldats & qu'on les craint. Il ne paroît point avoir de bras dans sa patrie, & c'eft le plus industrieux que l'on connoiffe dès qu'il fe trouve hors de chez lui. «< Avili depuis longtems fous le joug piémontois, il n'eft plus ce qu'il fut autre fois. Il femble qu'une longue fréquentation avec les Ultramontains lui ait fait perdre un peu de fa franchife & de fon courage; mais ce qui eft à remarquer, c'eft que ce peu-. ple n'a rien perdu de fa douceur, ni de fa bonté: car, voifin des Suiffes & des François, il a toujours le gouvernement de ces nations fous les yeux, & fe laiffe, malgré cela, dégrader par des châtimens humilians par des eftrapades, des feps & des coups de bâton ».

Le roi de Sardaigne eft maître abfolu ou fes miniftres, qui le font plus que lui, le lui font accroire. Il nomme à tous les emplois civils, militaires & religieux. On eft tout par fon bon plaifir; on n'eft plus rien dès que ce bon plaifir ceffe. Mais les honneurs du defpotifme abfolu ne lui font réfervés qu'autant que les feigneurs piémontois y trouvent leur intérêt. L'anonyme n'hélite pas à dire que les jours d'un fouverain integre ne feroient pas de longue durée fur ce trône. Le roi fe contente de figner, de payer une foule de fecrétaires, de choisir les premiers valets & crée quelquefois dans une femaine vingt gentils hommes de la chambre.

Le prince regnant, Victor-Amédée III, auroit de bonnes qualités pour un pere de famille. Il a été abandonné fort jeune à d'imbécilles qui s'étoient mis dans la têted'en faire un militaire. Une femme elpagnole en a fait un orgueilleux & un prodigue. Charles Emmanuel lui avoit laiffé des coffres pleins, & il doit aujourd'hui de l'argent à toutes les républiques & à la Nation. Son déficit eft énorme, quoiqu'il ait toujours été en paix. Il facrifie tout au militaire. Sur 20 millions qu'il a de revenu tout au plus, fon état de guerre lui en coûte 14, & il n'a pas plus de foldats que n'en avoit fon pere. Il paie un nombre de généraux & d'officiers fuffifant pour faire manoeuvrer une

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armée de 100 mille hommes, & la fienne n'eft que de 20 mille; il a des régimens où il n'exifte que les officiers. La légion à cheval eft compofée de 150 officiers, & il ne manqué plus pour la compléter, que les foldats & les chevaux.

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Malgré le monftrueux déficit de la Cour de Turin, ajoute l'auteur) on y fait des traitemens aux officiers dès qu'ils ont 40 ans, ou dès qu'ils gênent quelques jeunes pages qu'on veut mener rapidement à la place de colonel. On donne de bonnes pen hions, pour ne pas révolter la Nation contre une telle manoeuvre; on diftribue des croix on invente des uniformes brillans; on triple les places de commandans, & l'on jette les honneurs & les penfions comme fi l'un ne coûtoit pas plus que l'autre ».

Le bureau de la guerre emportant 14 millions, il n'en refte plus que fix pour ceux des affaires étrangeres, des affaires in ternes & la dépenfe de la Cour : ils ne peu vent y fuffire; on emprunte, & le déficit s'accroît chaque jour dans un pays où, comme l'obferve l'anonyme, une politique & une administration vicieufes exigent qu'on falarie une immenfe quantité d'efpions.

En parlant des nombreux tribunaux éta blis dans le Piémont, &c., il dit qu'ils font toujours d'accord pour faire le mal, mais fourds aux cris des opprimés. Il eft défendu de par le roi, au fénat, à la maison-de

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