l'union des affiégeans, l'incertitude, la divifion des afliégés. L'Etat-Major vouloit le rendre; les Suiffes l'exhortoient à réfilter. Les ponts, les portes, s'ouvroient & le bail foient alternativement, felon les ofcillations de leur volonté flottante. Le gouver neur defiroit de fauver la vie & fa réputation, & il courut à grands pas à la ruine de l'une & de l'autre. La Baftille fut prife vers les fept heures du foir, le 14 Juillet. Tout y fut pillé, ravagé, dévafté. On a cherché depuis à réunir tous les manufcrits; de ces lambeaux épars font forties des légions de volumes fur la Baftille, lefquels ont excite P'indignation publique, & fait bénir l'heureufe révolution qui délivroit la France de ce monument de fervitude. Cette Correspondance donne de trèsgrands éclairciffemens fur la politique, que l'anonyme approfondit en vrai connoiffeur, par les réflexions fenfées qu'il fait à ce sujet, LE PRISONNIER D'ETAT, ou Tableau hiftorique de la captivité de J.-C.-G. LE PRÉVOT DE BEAUMONT durant 22 ans & deux mois, écrit par luiméme, avec le portrait de l'auteur chargé de chaînes dans le donjon de Vincennes: In-80, A Paris, rue Jacob, No. 29.. $79* BS La pareille à celle que la horde miniftérielle a fi longtems exercée fur M. Le Prévôt. Les grands rois, les fultans d'Afie, ne connoiffent point l'art de tourmenter les hommes avec un fi monftrueux raffinement. Le cordon, le fabre, le pal, délivrent en peu d'inftans de la vie les malheureux qui leur déplaifent, coupables ou non. Quel crime avoit donc commis M. Le Prévôt? Les miniftres Laverdy, Sartine, Boutin, Amelot, Le Noir, Vergehnes &c., avoient formé une ligue, un pacte de famine pour accaparer tous les grains du royaume, & n'en verfer dans les marchés exactement que ce qu'il en falloit pour que le Peuple ne mourût pas de faim, mais payât toujours la denrée très-cher. Ces Meffieurs ne manquoient jamais d'affifter aux différens marchés par leurs agens, &, comme les chirurgiens dans les chambres de torture, ils tâtoient le pouls aux ache. teurs pour mefurer leurs privations fur le fouffle de vie qui les animoit encore. Tel eft le complot que notre auteur dénonça au Gouvernement; telle eft l'efpece de canjuration qui appelloit les difettes à fon gré, en dépit de l'abondance des récoltes, & dont M. Le Prévôt dévoila courageufement la trame homicide. Ce ne fut point par de fimples foupçons, d'après des conjures probables: il mit fous les yeux du Miniftere des copies authentiques & revêtues de toutes les fignatures des intéreffés, d'un nouveau traité qu'ils fe préparoient à renou veller pour 12 ans : nous difons renou-veller car c'étoit le cinquieme qui, depuis 1729, alloit fe former au moment de la Révolution. Voilà ce qui, fous un gouvernement jufte, auroit valú des récompenses à M. Le Prévôt, mais ce qui, fousle régime le plus corrompu, lui a canfé la perte de fa fortune', 'une détention de plus de 22 ans, pendant laquelle le génie tortionnaire à épuifé toutes les barbaries pour le faire fuccomber aux fouffrances. • J Que fe propofoient les auteurs de ce fa meux pacte? Ecoutons M. Le Prévôt. « 1o. C'étoit de vendre Louis XV dans lé tems préfent avec fon autorité, & Louis XVI pour l'avenir; 2°. de donner la France, à bail de douze années, à quatre millionnaires (*) défignés par noms, qualités & domiciles, lefquels prêtant leurs noms mafquoient toute la ligue, non pas? fictivement, car ils étoient véritablement preneurs de bail de la France pour 1 (*) Rai de Chaumont, receveur des domaines & bois du comté de Blois; Ronfleau auffi receveur des domaines & bois du duché d'Orléans ;; Perruchot, ancien entrepreneur d'hôpitaux d'armée, & Maliffet, nommé par la police l'Homme du roi, & par la ligue le Généraliffime Agent. Gelui-ci étoit un boulanger banqueroutier de Paris. la ravager, & ils la ravageoient effecti vement, au bénéfice de la ligue, collectivement avec elle 2. par une armée d'agens répandus. dans les provinces, & ces quatre preneurs dirigeoient l'armée fous la direction primaire de la ligue; 3°., d'établir méthodiquement les difettes, lacherié en tout tems, & dans les années. de médiocre récolte, les famines générales. dans tout le royaume, par l'exercice des. accaparemens & du plus grand monopole des bleds & des, farines ».. Ces: quatre agens avoient un grand nombre d'affociés ou de complices, ou plutôt tous les chefs du Gouvernement y avoient part. «La ligue étoit compofée ( dit M.. Le Prévôt) des contrôleurs-généraux des finances, des miniftres, de leurs premiers. commis, des lieutenans de police, des intendans des provinces, des intendans du commerce, des gouverneurs des pro vinces, des gouverneurs des geoles d'Etat,. auxquels étoit encore affociée une grande partie de la grand'chambre du parlement de Paris.. Leur intérêt étoit réglé fur le plus ou le moins de faveur & de travail:. qu'ils donnoient tous au fuccès de l'entreprife.. Nous ne nous fentons pas là force de fuivre l'auteur dans le récit. des tourmens que fes ennemis, fi intéreffés à étouffer la lumière qu'il leur avoit opposée, lui. ons: fait fouffrir; mais il n'eft point de lecteurs qui ne foient étonnés de la force d'ame avec laquelle il a déjoué, infulté les bour reaux & défié leur cruauté.. Nous croyons devoir citer les vers fuivans de M. Le P., non comme bien bons, mais parce qu'ils contiennent le précis de fa malheureuse affaire.. En proie à l'affreux defpotifme, ". Caufa nos pleurs dans tous les tems pri Après avoir décrit des affauts, des.com bats qu'il foutint dans le donjon de Vincennes, & les traitemens atroces qu'il effuya dans fes diverfes prifons, notamment Charenton, où il avoit lieu de s'attendre à moins de rigueur de la part des Freres de la Charité qui dirigent cette maison mais qui étoient vendus aux paflions des miniftres, comme les autres geoliers, M. La Prévôt réclame des dommages & intérêts |