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mais il infifta. Le moine eut ordre de payer. Cette anecdote ne le fit pourtant point chaffer de la Cour. Le tartufe s'excufa fur les faintes Pâques qui le trouvoient à cette époque; il dit que les affaires de confcience Jui faifoient oublier les chofes mondaines & garda le foin du trésor de la princeffe. Il cft probable que ce frippon eft maintenant dévoilé, & que Turin fe connoîtra mieux en faints qu'autrefois ».

Sans garantir dans tous les points la véracité de l'anonyme, qui fe montre cependant fort inftruit, il nous femble que la Cour de Turin, dans fa fituation actuelle, ne sçauroit être une Puiffance bien redoutable pour la France.

Correfpondance d'un habitant de Paris
avec fes amis de Suiffe & d'Angleterre,
fur les événemens de 2789-1790,&
jufqu'au 4 Avril 1791. A Paris, chez
Defenne, & chez Gattey. 1791. Prix,
4 liv. 4
f.

(*) A

PRÈS avoir écrit fur l'ouverture des Etats-Généraux, l'anonyme offre un tableau affez fidele en raccourci, de la révolution du 14 Juillet 1789, des faits & des événemens qui la précéderent,

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( * ) Cet article nous a été envoyé de Paris.”

tels que la rentrée de M. Necker dans le Miniftere, le pil'age de la maison de Réveillon, au fauxbourg St. Antoine, les factions réunies du Clergé, de la Noblesse des parlemens & de la finance, foutenues par la Cour; les réunions des citoyens & des oififs au Palais Royal, le café de Foy devenu le principal foyer des confédérations patriotiques: plufieurs députés de Versailles viennent de tems en tems y consulter l'opinion publique, toujours favorable à tous les actes de fermeté.

Les réunions fe renforcent & groffiffent tous les jours. Bientôt, elles deviennent des Communes plus nombreuses que celles de Verfailles; elles ont leurs orateurs, leurs fecrétaires; elles font des motions, des arrêtés & des adreffes.

On attire quelques Gardes Françoises au Palais Royal; on les entoure, on les careffe, on les fête, on les régale. Ceux-ci en attirent d'autres qui font traités avec la même cordialité.

On apprend qu'une douzaine de leurs camarades font prisonniers à l'abbaye SaintGermain ; on court les delivrer; on les ramene triomphans au Palais Royal. Là, dans un hôtel garrni, des comeftibles, du vin & des filles leur font fournis en abondance.

La Cour prend occafion des troubles de Paris pout faire avancer des régimens. On

attire les foldats au Palais Royal, & on les fête comme les Gardes Françoises : ils s'écrient tous Vive le Tiers-Etat, vive la Nation! Les Communes Parifiennes s'enhardiffent; leurs arrêtés s'exécutent; tout les favorife; les brochures politiques fe multiplient; elles font difcutées; la lumiere s'étend, l'efprit public se forme & circule avec rapidité.

La Nobleffe perfifte à s'isoler; la minorité du Clergé s'obftine à l'imiter; l'opinion publique fait entendre fa voix formidable; les deux premiers Ordres n'en paroilfent point découragés, une lettre du roi in◄ vite celui de la Nobleffe à fe rendre dans la falle nationale, & à fe réunir aux Communes; on se regarde fans proférer une parole, &, de concert, d'un pas pénible & lent,' on s'achemine vers cette falle. Bientôt les proteftations & les réserves éclatent de toute part. De nouveaux régimens arrivent des frontieres; on remarque avec inquiétude qu'ils font, pour la plupart, Suiffes, Allemands & Irlandois.

Tout eft calme en apparence du 25 Juin au 10 Juillet. L'Affemblée Nationale dans ce court intervalle flottant entre l'inquiétude & la fécurité, ne conçoit que de légers ombrages & des demi-foupçons. Elle fent que le pouvoir exécutif doit s'occuper de la fûreté publique; elle s'emNo. XXIX. Tom. VIII. 20 Od. 2792. B

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preffe de le reconnoître tout entier entre les mains du roi.

Il étoit difficile de prévoir toutes les fautes de la Cour; il étoit fort ailé d'en prédire l'effet. M. Necker reçoit fa démission le 11 Juillet au foir, & part auffi-tôt secretement pour Geneve. Le lendemain, tout le monde ne confidere qu'en frémitfant la poffibilité de fon renvoi; fa difgrace ou la démiflion en ce moment eft regardée comme le fignal des trois épouvantables fléaux de la famine, de la banqueroute & de la guerre civile.

Il ne falloit pas une vue bien perçante pour voir qu'en tout état de caufe on étoit à la veille d'un bouleversement total, & d'une conflagration générale. Des brigands mettent Je feu aux barrieres, aux barraques des commis. La nouvelle fatale vole de bouche,en bouche dans Paris : on apprend au même inftant la nomination d'un miniftre principal odieux à la France. Le Palais Royal eft le rendez-vous général; les cafés fe rémpliffent, les orateurs montent fur des chaies, des tables, & élevent leurs voix. Le foleil lui-même (*) fufpendu fur ce palais donne du plus haut de fa courfe le fignal de la révolution.!

*

( ) Tout le monde connoît la mécanique ingénieufe du méridien du Palais Royal, qui annonce foujours l'heure de midi par un coup de canon auque le foleil lui-même met le feu au travers d'un miroir ardent

C'est à cette heure de midi que, fans projets, par la feule force des circonftances, commence à s'opérer la plus incroyable, la plus étonnante révolution dont jamais les annales du monde aient confervé la mémoire. Toutes les cloches en mouvement fonnoient & répandoient l'alarme. On n'entendoit de tous côtés que le bruit lugubre du tocfin; & dans les intervalles. des milliers de voix confufes mugiffoient à la fois dans les airs. Durant ces heures deftinées au repos, toute la ville étoit fur pied. Paris enveloppé de tenebres étoit menacé du pillage, & placé entre les feux deftructeurs du dedars & les áttaques du dehors. La famine, une armée à ses portes! Que l'on le représente, s'il eft poffible, tout ce que ces momens avoient d'impofant & de terrible, une incertitude effrayante fur l'avenir, un million d'hommes fans frein, fans protection, les loix muettes, l'autorité partout & nulle part, tous les droits anéantis, excepté ceux de la force.

Les diftricts avoient donné l'ordre de viLiter toutes les voitures, pour en faifir les armes & la poudre qu'elles pourroient recéler, & de n'en laiffer fortir aucune de la ville. Des gardes furent placés, en conféquence, à toutes les avenues. Les armuriers & les particuliers n'ayant pu fournir qu'un petit nombre de fufils, le Peuple fe portoit avec impétuofité dans tous les lieux où il

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