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vraie croyance? La fainteté confifte-t-elle à détruire?.... Le dieu qui anime la nature entiere eft-il donc un dieu de ruines & de tombeaux? Demande-t-il la dévaftation pour hommage, & pour facrifice l'incendie ? Veutil pour hymnes des gémiffemens, des homicides pour adorateurs, & pour temple un monde défert & ravagé ? Voilà cependant, races faintes & fideles, quels font vos ou vrages; voilà les fruits de votre piété.

C'eft par des raisonnemens auffi irréfifti bles que,, dans cet ouvrage, fait pour fubjuguer tous les efprits, la Providence eft touJours entierement juftifiée de ce qu'on appelle vulgairement les malheurs de l'homme, & qui n'eft que les fuites néceffaires de fes fautes, de fes erreurs, de fon ignorance & de fa perverfité. On a beaucoup écrit fur T'hiftoire de l'homme; mais on croit la voir ici pour la premiere fois, avec un ordre & une férie de preuves & de démonftrations, toutes nouvelles. Revenons aux leçons puiffantes de notre fantômes, leçons dont Tunivers a fi grand befoin encore.

Le jeune voyageur l'intéreffe à les lui continter, par cet amour pour la vérité qui l'a entraîné fi loin de fa patrie, afin de la rechercher, & l'être invifible y confent;

lui touche les organes de la vue, & fes yeux, deviennent plus perçans que ceux de l'aigle, il lui pole la main fur fa tête & lui dit Mortel, éleve-toi, & foudain les

liens qui le fixoient ici-bas lui femblent fe diffoudre, &, tel qu'une vapeur légere, enlevé par le vol du génie, il fe fent tranfporté dans la région fupérieure, d'où il apperçoit une scene nouvelle. Homme qui cherches la vérité, lui dit le génie, reconnois-tu ce spectacle ? C'eft l'hémisphere que tu habitois... Cet efpace brumeux, qui occupe irrégulierement une grande portion du difque & l'enceint prefque de tous côtés c'eft-là ce que vous appellez le vafte Océan, qui, des poles du fud, s'avançant vers l'équateur, forme d'abord le grand golfe de l'Inde & de l'Afrique, puis fe prolonge à l'orient, vers les Ifles Malaifes jufqu'aux confins de la Tartarie, tandis qu'à l'oueft il enveloppe les continens de l'Afrique & de l'Europe, jufques dans le nord de l'Afie. Sous nos pieds, ajoute-t-il, cette prefqu'ifle, de forme prefque quarrée, eft l'aride contrée des Arabes. A fa gauche, eft le fol qu'habitent les hommes noirs. Au nord pardelà une mer irréguliere & longuement étroite, font les campagnes cultivées de la fertile Europe.

Le génie, après avoir indiqué du doigt & expliqué au jeune voyageur toute la géographie de l'hémifphere qui eft fous leurs yeux, s'adreffe à ces mêmes lieux, témoins de la vie de l'homme en tant d'âges di& les charge de lui dévoiler les caufes de les maux, de le redreffer par la vue

vers,

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de fes erreurs, & d'être pour lui un tableau d'inftruction & un germe de bonheur. ~Ici, commencent les grandes leçons mo rales que fait le génie à fon éleve. O ami de la vérité, lui dit-il au chapitre V! l'homme reporte envain fes malheurs à des agens obfcurs & imaginaires Dans l'ordre général de l'univers, fans doute fa condition eft affujettie à des inconvéniens; fans doute fon existence eft dominée par des puiffances fupérieures; mais ces puiffances ne font ni les décrets d'un deftin aveugle, ni les caprices d'êtres fantaftiques & bizarres. L'homme eft régi par des foix naturelles, régulieres dans leur cours, conféquentes dans leurs effets, immuables dans leur effence, & ces loix, fource commune & des biens & des maux, ne font pas écrites au loin dans les aftres, ou cachées dans des codes mystérieux. Iphérentes à la nature des êtres terreftres, identifiées à leur existence, en tout tems, en tout lieu, elles font préfentes à l'homme; elles agiffent fur fes fens; elles avertiffent fon intelligence, & portent à chacune de les actions ou fa peige ou fa récompenfe. Que l'homme connoiffe ces loix, qu'il comprenne la nature des étres qui l'environnent, & Ja propre nature, & il connoîtra les moteurs de fa deftinée, il fçaura quelles font les vrajes caufes de fes maux, & que's peuvent en être les remedes.

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L'homme reçut de la puiffance fecrete qui No. XXX. Tom. VIII. 30 Od. 1791. K

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anime l'univers, ainfi que les autres êtres qui le compofent, des propriétés effentielles qui devinrent la regle de leurs mouvemens individuels, le lien de leurs rapports réciproques, la caufe de l'harmonie de l'enfemble... Elle attribua au feu le mouvement & l'activité, à l'air l'élafticité, la pefanteur & la denfité à la matiere. Elle fit l'air plus léger que l'eau, le métal plus lourd que la terre, le bois moins tenace que l'acier. Elle ordonna à la flamme de monter, à la pierre de defcendre, à la plante de végéter, à l'homme, voulant l'expofer au choc de tant d'êtres divers, & cependant préserver sa vie fragile, elle donna la faculté de fentir. Par cette faculté, toute action nuifible à fon exiftence lui porte une fenfation de mal & de douleur, & toute action favorable une fenfation de plaifir & de bien-être. Par ces fenfations, 'homme, tantôt détourné de ce qui bleffe fes fens, & tantôt entraîné vers ce qui les flatte, a été néceffité d'aimer & de conferver fa vie. Ainfi l'amour de foi, le defir du bien-être, l'averfion de la douleur, voilà les loix effentielles & primordiales impofées à l'homme par la nature même. Ce font ces loix qui, femblables à celles du mouvement dans le monde phyfique, font devenues le principe fimple & fécond de tout ce qui s'eft paflé dans le monde moral... L'homme eft devenu l'artifan de fa deftinée; lui-même a créé tour-à-tour les

revers ou les fuccès de fa fortune; & fi a la vue de tant de douleurs dont il a tourmenté la vie, il a lieu de gémir de fa foibleffe ou de fon imprudence, en confidérant de quels principes il eft parti, & à quelle hauteur il a fçu s'élever, peut-être a-t-il plus de droit encore de préfumer de fa force & de s'énorgueillir de fon génie. Dans fon état originel, l'homme, nu de corps & d'efprit, femblable aux autres animaux fans expérience du paffé, fans prévoyance de l'avenir, erra au fein des forêts. Guidé feulement & gouverné par les affections de fa nature, par la ftimulation de la faim, il fut conduit à la recherche des alimens; par les intempéries de l'air, il defira de couvrir fon corps, & il le fit des vêtemens; par l'attrait d'un plaifir puiffant, il s'approcha d'un être fem blable à lui, & il perpétua fon elpece.

Les impreffions qu'il reçut de chaque objet, éveillerent fes facultés, développerent fon entendement; fes befoins fufciterent fon industrie; fes dangers animerent fon_courage. Il devient par degrés moins ignorant; il apprend à diftinguer les plantes utiles des nuifibles, à combattre les élémens, à faifir fa proie, à défendre fa vie, & fa mifere eft allégée. Ainfi l'amour de foi, l'averfion pour la douleur, le defir du bien-être, font les mobiles fimples & puiffans qui retirent l'homme de fon pre

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