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faux noble. Le brave Arthus, dit-il,

fi fier de fa nobleffe; Qu'un roturier, par fa préfence, bleffe Qui fe fit comte, à ce rang parvenu Par un brevet de fa grace obtenu, Et fans qu'auffi l'on ne lui connût guere D'autres dieux que feu Monfieur fon pere, Bourgeois honnête, & qui, de fon vivant, De les grands airs fe moqua fi fouvent, Ayant pêtri cet orgueilleux atome

Sans fe douter qu'il fit un gentilhomme, &c.

Ce premier coup porté par l'auteur à la Nobleffe eût été trop foible, puifqu'en ne frappant que fur les fauffaires, il laiffoit intacts ceux qui, parés de vieux titres, fembloient du moins en regle; mais, l'édit de l'abolition de toute nobleffe à la main, voici comme il frappe l'Ordre entier.

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Tous nos Solon d'accord ont fait main baffe
Sur la Nobleffe, & profcrit cette claffe
De mortels vains, petits dieux prétendus
Et qui d'Adam fe niant defcendus
Du feul rayon de la divine effence
Penfent tenir leur fplendide naiffance,
Et de leur haut, bardés de parchemins
Vont regardant le refte des humains.

Et les voilà tous redevenus hommes
Egaux en tout à tous tant que nous fommes;
Orgueil en gronde, amour-propre en gémit
Même on prétend que ta femme frémit
De n'être plus Madame la comteffe e;
Mais quand leur code abaiffe auffi l'Alteffe
Sied-il au comte au marquis, aux barons
De regretter leurs fignaux fanfarons,

Quand, d'une voix, l'Affemblée en décrete;
Et que furtout la motion eft faite
Par les grands noms délibérant ici,
Par un Noaille & par Montmorenci ?
Ils ont fenti combien eft ridicule
De transférer à des enfans d'Hercule
Faits tout au plus pour tourner son fuseau,
Et fa maffue, & fa terrible peau.

Nobleffe crenfe, & dont on fut avide,
N'eft plus qu'un mot de fens tout-à-fait vuide,
Et ce décies du régime nouveau
Qui l'abolit, & met tout de niveau,
A réparé la trop ftupide injure
Qu'un for orgueil faifoit à la nature.

On conçoit la foule d'ennemis que cette abolition d'un vieux préjugé qui, depuis longtems, s'ébranloit fur fa bale idéale & chimérique, a dû faire à nos légiflateurs conftituans. Ils ont, avec fermeté, avec courage, bravé leur courroux. Ils alloient s'expofer à bien d'autres fureurs, à celles qui, dans tous les tems, ont épouvanté les empires, à celles de l'aveugle fanatifme, à l'orgueil & à l'infatiable cupidité du Sacerdoce égaré des voies facrées de l'Evangile, que, chaque jour, il rendoit méconnoiffable & moins digne de nos respects & de nos foumiffions.

Nos légiflateurs, dit le poëte,

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Mieux qu'un concile, ont réformé l'Eglife.
Quand par le ciel à Solyme envoyé,
Pour rappeller le mortel fourvoyé,
Le fils de Dieu, forti du fein du pere,

Eut publié le falut qu'il opere

En répandant les dons de fon efprit
Sur le Fidele en fes décrets infcrit,
Ce ne fut pas au fanhédrin fuperbe,
Aux fiers docteurs, que s'adreffa le Verbe
Pour faire un choix, & de leur fein tirer
Ceux que pour nous il devoit infpirer,
Et qui bientôt le partageant le monde
Y femeroient fa doctrine féconde.
Des ignorans, fimples, de bas alloi,
Furent choifis pour annoncer fa loi,
Er promulguer l'étonnante nouvelle
Que de la Croix le myftere révele.
L'Eglife alors, dans fa fécondité,
Formoit des chefs brûlans de charité,
Qui dans la fuite en enfanterent d'autres
Tous modelés fur les premiers apôtres.
Mais dans ce tems ils ne poffédoient rien;
La fainteté fut leur unique bien;

Leurs champs étoient ceux de la pénitence
Les cieux futurs, leur feule jouiffance.
Mais comme tout dégénere ici-bas,
Leurs fucceffeurs à mitres, à rabats.
En dépouillant l'efprit de l'Evangile,
Changerent bien & de ton & de ftyle.
L'efprit divin ne foufflant plus fur eux,
On fafcina nos crédules aïeux.

Leurs confeffeurs, Dom Bernard à leur tête
De nos guérets tenterent la conquête,
Et s'emparant de leur foible cerveau,
Leur champ devint le prix d'un abfolvo.
En furprenant la bonne foi gauloife,
On leur vendit le ciel à tant la toile,
Et deux arpens fur la terre accordés
En valoient milie au firmament cédés, &c:

M. R. paffe aux moyens dont, fe fervoient les cénobites pour attirer à eux le patrimoine des chrétiens idiots.

Faux teftament, aux morts même dicté;
D'affaut aux fils l'héritage emporté;
Fondation où l'imbécille prince

Se défaifoit des fruits d'une province
Pour en nourrir un fcandaleux prélat,
Vivant en roi dans la pompe & l'éclat,

Saints tribunaux devenus des marchés,

Châteaux conquis, dévorant chartrier
Qu'enrichiffoit un pere titrier

Bref, tous ces tours que, felon Cerutti
Moines jouoient au pécheur abruti.

En bonne foi, doit-on être surpris
Si les décrets de nos peres confcrits,
En confquant les biens de ces apôtres
Nous ont rendu fi juftement les nôtres ?
Quel avantage il en va réfalter !
Plus ne verrons nos prélats infulter
Par luxe & fafte aux miferes publiques.
Des gras abbés les maîtreffes lubriques,
Qu'entretenoient ces fortunés mortels,
Ne vivront plus aux dépens des autels, &c.,&c.

La deftruction des financiers & des magiftrats font les derniers tableaux du premier chant ; &, comme nos lecteurs viennent de le voir, on trouve encore dans la maniere du poëte & l'abondance, & le farcalme, & la gaieté du bon chanoine de Tours, auquel il a fuccédé dans l'art des

Contes

Le morceau brillant du fecond chant eft celui où la Nation jure par les représen

taris,

Que de l'empire où nous régnons contens Jamais armé d'un injufte tonnerre, Le Peuple Franc ne portera la guerre Chez les voisins; que leurs champs respectés Ne feront plus de leur fang humectés. C'est dans ce chant que l'auteur, en dé→ taillant la gradation de notre ruine depuis les miniftres de Louis XIV jufqu'à nos der niers tems, met fur la fcene

l'Artéfien miniftre • Que harce foit le hardi créancier,

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Homme fans frein, & dont le cœur d'acier
De Chalotais auroit fait fa victime,

Si Choifeul 'eût fait avorter fon crime.
Mis pour veiller fur le royal trésor,
Sur tout venant il éparpilla l'or;

Des grands par lui forcés de nourriture,
De notre chair il eut fait la pâture,
Bien entendu qu'en ces affreux dégâts.
De la finance; il ne s'oublia pas;

Que fur les fonds de la bourfe commune,
Héleva l'infolente fortune

Qu'on eût bien dû lui faire regorger, &c. L'heureufe & noble réfiftance de M. Bail-ly & celle du Tiers-Etat, les terribles dangers dont Paris eft menacé dans la nuit du 14 au 15 Juillet 1789, conduifent le poëte à la prife de la Baftille, & voici comment il débute à cette entreprise hardie prefqu'aufli tôt terminée que conçue.

Près de la forge où nos rois, par Vulcain, Font exgaver leurs longs tubes d'airain

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