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tems une fcience théorique. Il avoit obfervé la nature par un inftin& fublime; il fe plaifoit à la décrire, comme elle s'étoit plu à le former. Elle s'eft prefque toujours préfentée fans voiles à fes regards, & la richeffe des defcriptions répond à la pompe du fpectacle. Tous les regnes lui fourniffent les fujets de fes tableaux & de fes comparaifons. En les approfondiffant, on y trouve le plus fouvent une exactitude qui étonne autant l'imagination que la magie du ftyle la tranfporte. C'étoit donc Homere feul qu'il falloit évoquer pour s'inftruire avec quelque certitude de l'état de ces belles

connoiffances dans les fiecles qu'il a chantés. Lui feul peut nous donner des détails vrais fur l'hiftoire de ces fiecles, fur leurs mœurs, leurs ufages & leurs arts ».

Aucun des foffiles & des minéraux connus de fon tems ne lui fut étranger. On fçavoit alors peu de chofes fur les terres & fur les pierres. On connoiffoit mieux les métaux que les autres fubftances de la dynaftie des mines; cependant les demi-métaux étoient encore ignorés.

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M. Millin a adopté l'ordre fyftématique établi par Wallerius. En conféquence, il traite d'abord des terres, enfuite des fables des pierres, des fels, enfin des bitumes & des métaux. Il entre dans tous les détails néceffaires pour éclaircir cette partie de l'hiftoire des fecles héroïques; mais il ne

livre à aucune digreffion conjecturale. Il tâche de commenter Homere par luimême ; & s'il hazarde quelqu'apperçu pour expliquer des chofes que le tems a couvertes d'un nuage prefque impénétrable, c'eft toujours en s'appuyant de fon autorité & de celle des écrivains les plus eftimés.

Aux dénominations de Wallerius, il ajou te celles de MM. Bomare & Daubenton.

Les deux articles que nous allons citer fuffiront pour donner une idée de fon travail.

<< Homere ( observe-t-il ) divife les pierres en deux claffes, les pierres brutes & les pierres polies. Cette divifion prouve qu'on connoiffoit alors la taille de la pierre, dont Pline attribue l'invention à Cadmus, mais qui étoit fûrement pratiquée en Egypte depuis un tems incommenfurable. Ces deux fortes de pierres étoient également employées dans les bâtimens ».

«

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Ajax, fils de Télamon, tue Epiclės avec une pierre brute. Il y avoit dans le palais de Priam, pour les princes, fes fils ou fes gendres, cinquante appartemens conftruits avec des pierres polies »>.

« Avant d'avoir trouvé la maniere de tirer les pierres des entrailles de la terre, de les tailler & de les affembler, on fe creufoit des retraites dans les rochers, ou bien on profitoit de celles qu'y avoit formées la nature, en tâchant de fe les rendre le

plus commodes qu'il étoit poffible. Telle étoit Phabitation de Polyphême, dont Homere fait ainfi la defcription: Son antre étoit creufe dans le roc, & couronné de lauriers ; autour étoit une enceinte formée de pierres tirées du fein de la terre, de pins éle

vés & de chênes chevelus. On voit clairement que l'habitation de Polyphême eft à moitié creusée dans le roc, & à moitié formée de pierres transportées, qui, unies avec les pieux des chênes, font une enceinte où les troupeaux peuvent demeurer à l'air fans s'éloigner. Je parlerai de cette efpece d'enceinte ou de cour en traitant de la Zoologie Homérique ».

«Ileft probable, que du tems d'Homere les pierres brutes fervoient à faire les fondemens des bâtimens. C'étoit pour cela qu'on les nommoit aufli Pierres fondamentales: é'eft le fentiment de Pollux. On bâtiffoit avec cette pierre tout ce qui étoit fous terre; le refte des bâtimens des gens riches étoit de pierres polies, c'eft-à-dire, taillées ».

Les pierres fervoient alors, comme aujourd'hui, à fixer les prétentions des pro priétaires, & à marquer le terme de leurs poffeflions refpectives. Diomede lance fur Mars une pierre noire, rude, immense, que les hommes avoient mife autrefois dans e champ pour fervir de limite ».

«Les pierres étoient une des armes of fenfives dont les guerriers faifoient le plus

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d'ufage. Ajax & Diomede, qui font repréfentés comme les plus vigoureux des Grecs, en lançoient fouvent à leurs ennemis. Outre les différens noms qu'Homere donne généralement aux pierres, il fe fert le plus fouvent dans cette occasion, d'un terme qui fignifie pierre qu'on peut tenir & enlever avec la main. Cette expreflion, qu'Homere emploie pour défigner la pierre que Diomede lance à Enée, est bien faite pour donner une idée du héros grec, puifqu'il ajoute que deux hommes tels qu'ils fon aujourd'hui pourroient à peine la porter mais que Diomede la foulevoit & l'agitoin feul »>.

« Homere parle fouvent de pierres pro pres à faire des meules. Ces pierres devoient être des grès, des quartz, des pierres que nous appellons meulieres, ou da genre des roches compofées, des granits qui fervent dans beaucoup d'endroits à cet ufage. Ajax lance à Hector une pierre femblable à une meule, c'est-à-dire, felon Didyme, pleine de longues afpérités ».

« Homere ne parle en aucun endroit d'une maniere précife de l'art de fculpter la pierre: ainfi nous ne pouvons pas affurer qu'il fût connu. Un paffage de Paufanias pourroit pourtant le faire conjecturer. Vulcain, dit Homere, repréfente fur le bouclier d'Achille un chœur de danfeurs femblable à celui que Dédale avoit fait

dans Cnoffe pour Ariane. Paufanias dit avoir vu cet ouvrage de Dédale, & qu'il étoit de pierre blanche. Les prétentions des Cnoffiens étoient-elles bien fondées, & n'abufoient-ils point de la crédulité des étrangers »?

« SEL MARIN. Acidum muriaticum. WALL., cl. 3, ord. I, gen. 32, fp. 227. Sel marin, fel commun. BOM., DAUB, Les connoiffances- d'Homere fe bornoient à une feule efpece, le fel commun. La chymie n'étoit pas affez avancée alors poup qu'on cût reconnu cette belle fuite de fels acides, alkalis ou neutres, dont elle nous a enrichis depuis. D'ailleurs Homere en aurcit eu connoiffance qu'il auroit pu difficilement en parler dans fes poëmes, excepté en traitant de quelques procédés des arts pour lefquels ils font néceffaires ».

:

«Dans les tems héroïques, on faifoit un grand ufage du fel. Homere en parle trèsfréquemment, & le nomme divin. On en mettoit ordinairement fur les viandes bouillies ou rôties, avant de les fervir car c'éroit à quoi le bornoit la fcience de les préparer. Patrocle, après avoir mis les viandes en broche, les fale pour les fervir aux députés de l'armée, envoyés vers Achille pour le fléchir ».

« Il eft probable que les Grecs ne fe fervoient pas de fel gemme, mais de celui. que les eaux de la mer laiffoient dans les lieux

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