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ville, aux juges-mages, aux avocats, &c. de relever une injuftice d'un commandant militaire, ou d'un juge de police, quelqu'apparente qu'elle foit. Quand un officier a fait une fottife, il court avertir fon maître qu'il l'a faite en fon nom; & comme le roi ne veut point de remontrances 2 on confirme d'abord la fottife. Ainfi le roi fe crcit maître; ainfi vont & doivent aller les chofes fous un prince foible..

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Le roi de Sardaigne ne vend aucun emploi; mais il fouffre que fes officiers, fes. miniftres, fe les vendent entr'eux, pourvu que les acheteurs foient dévoués à fervir les miniftres regnans. « Cela fe démontre par la bizarrerie des déplacemens qui ont lieu tous les jours. Il n'eft pas rare de voir un intendant-devenir préfident, un fénateur devenir maître-d'hôtel du roi, un commis de bureau, prendre l'habit d'avocat-général, & un fcribe des archives paffer aux honneurs du miniftere de la guerre. L'échelle qui conduit aux grandeurs eft la même les militaires, les abbés, les avocats, tous courent les uns après les autres pour arriver au grade de chancelier. On admer la roture au concours ou plutôt à l'aven-ture de toutes les places, parce que dans cette claffe, le fouverain & fes premiers: agens font plus fürs de trouver des créatures faciles à mouler à leur caprice...

Le Piémont n'y trouve point à redire,

parce que

c'eft lui qui fournit les vifirs en Savoie, à Nice & en Sardaigne. C'eft une politique reçue à la Cour de Turin, que les intendans, les fénateurs, les juges-ma-ges, les gouverneurs & même les sbirres partent tous du Piémont pour aller régir le Sarde & le Savoifien ».

Le roi donne des audiences publiques à fes peuples; mais ces audiences, fimple fi mulacre de juftice, font inutiles à l'opprimé. Quand le roi dit oui, les miniftres difent & foutiennent non. «J'ai vu ( ajoute l'auteur) un miniftre recevoir chez lui un homme qui avoit la parole du roi pour une place qui lui étoit due, j'ai vu, dis-je, ce miniftre renvoyer durement le prétendant, & luidire ironiquement que le roi étoit une excellente protection, & qu'il le félicitoit de l'avoir obtenue, mais qu'il pouvoit étre affuré qu'il n'auroit jamais la place... O rois, ôfultans! que faites-vous de votre sceptre? Frappez-en ces vils agens qui vous déshonorent, & venez vivre avec votre peu-ple ».

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La Cour de Turin étale un luxe pompeux fort au deffus de fes modiques revenus. Elle dépenfe beaucoup en muficiens en chanteurs, en danfeurs, &c. C'est un grand mérite dans ce pays d'être baladin faltimbanque ou hiftrion. « Le roi eft à la tête de fon théatre & de fa chapelle.... C'est toujours de par le roi qu'un poëte fait

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de méchans vers à un opéra; c'est de par Le roi qu'on le met en mufique; c'eft encore de par le roi qu'on en régale le public, qui, quoiqu'il ait payé à la porte du théatre, n'a la permiffion ni de fiffler, ni d'applaudir. Les princes du fang n'ont pas la liberté d'aller au théatre lorfqu'ils en ont envie. Il leur faut un ordre de Sa Maj. ou de fes agens. Les valets de Cour ont un privilege contraire; ils y vont tous les jours & fans payer ».

Ce que nous venons de rapporter du Gouvernement Sarde prouve affez qu'il s'en faut beaucoup qu'il ait en vue la justice l'économie & le bonheur public, auxquels. les Conflitutions royales, fi vantées fous le regne précédent, fembloient avoir été confacrées. Pourquoi ont-elles manqué fi complettement leur but? C'eft que ce beau code eft nul. Pourquoi eft-ik nul? C'est que le roi s'eft réservé le droit d'y déroger, & y déroge tous les jours en faveur de fes créatures. Une loi n'eft plus loi dès qu'elle change, s'annulle & s'interprete à la volonté d'un homme.

Nous nous fommes trompés: carce code, qui vaut à peine 5 livres, s'en vend 12, bureau ouvert, de par le roi & au proft du roi. Citons d'après l'anonyme quel ques cas, entre plufieurs autres, où ces ConBitutions royales font annullées par l'au torité royale

Le roi caffe ou donne force à un acte de notaire, fuivant fa volonté un tefta-. ment, une vente, un bail, ne font bons & folides qu'aurant qu'un des contractans ne recourt pas en Cour, ou n'a pas affez de protection pour tromper fon adverfaire

ou fon affocié ».

« Pour mieux encore fe jouer de la juf tice & des tribunaux, la Cour a trouvé un moyen non moins odieux de faire juger les procès fuivant fon caprice. Lorfque l'un des plaideurs craint que la juftice n'éclaire fa caufe, il recourt au roi, demande une délégation & l'obtient. Par cette voie, le fénat ne fe mêle plus de cette affaire en Corps, le roi nomme un juge pour en connoître & la déterminer. Je n'ai pas be foin de démontrer les maux qui peuvent réfulter d'un moyen auffi inique. Voilà où conduifent la bonté des peuples & l'orgueil des- fouverains »..

Ly a cependant à Turin des inftitutions vraiment fages & utiles, parce que dans le nombre des princes qui y ont regné, on en voit quelques-uns qui ont aimé & fait le bien ; mais le defpotifme a changé le but de ces établiffemens, & a donné même à quelques-uns une forme abfurde: telle eft celle de l'académie des fciences, fur laquelle notre auteur s'exprime ainfi ; « Je n'ai rien trouvé d'auffi ridiculement royal dans ce pays-là que l'académie des fciences.

Les brevets des membres de ce Corps font: conçus comme ceux des délégués d'une pro-vince. On y lit qu'ils ont du mérite, que le fauteuil académique en eft le prix. Cela. va bien. jufques-là; mais ce qui furprend, c'eft que la patente d'un fçavant foit aufli fixée, quant à la durée, au bon plaifir du roi, & qu'elle finiffe par ces mots auguftes,, tant que durera notre bon plaifir. Peut-. on donner à des gens d'efprit des brevets qui en contiennent fi

A

pen» ?

Les. brevets académiques, au refte, ne font pas les feuls qui méritent la cenfure de la, raifon à Turin. « Il femble ( ajoute l'a-nonyme) qu'on prenne à tâche dans ce pays-. là de rendre ridicules toutes les patentes; des bureaux. Fai vu un Piémontois. qui avoit paffé fa vie à la tête des finances royales, recevoir fa retraite eh bien! le fouverain crut devoir ne pas laiffer ignorer à la postérité qu'il avoit connu cet hom-me; il lui donna, avec fix mille livres de penfion, une patente où il déclaroit qu'il l'avoit toujours regardé comme un imbé-cille & un frippon. Comment un fouverain. ofe-t-il avouer à la Nation qu'il s'eft fervis pendant quarante ans d'un frippon pour agent? Comment ofe-t-il le penfionner, & comment a-t-il affez peu de majesté pour en faire une plaifanterie »?

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Nous lifons dans une note que cette pa rente a été fignée & délivrée il y a deux ans Perintendant. Vata,

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