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mandé pour elle aux différentes comédies : les pieces qu'elle defiroit, & elle a été annoncée fur les affiches comme une perfonne de la plus grande confidération. Ce prince, comme tous ceux qui voyagent, eft ami des arts. Il a vifité les beaux monuments de Paris. La Magdelaine des carmélites, par le Brun, l'a fur-tout vivement affecté, & il a chargé un artiste de lui en tirer copie. On fait que c'eft madame de la Valiere dont la tête a fervi de modele au peintre.

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8 Décembre. On admire ici une figure de Henri IV, extrêmement curieuse, par la vérité de la reffemblance. Elle eft en pied, dans les mêmes proportions qu'avoit la perfonne de ce grand Roi. La matiere dont elle est combinée, a permis d'en conferver le coloris & toutes les formes. Les cils, les fourcils, les cheveux, la barbe font naturels & enracinés. On a eu foin: d'habiller ce prince de vêtements pareils à ceux dont on fe fervoit alors. Les étoffes ont été faites dans la plus exacte recherche, relativement au coftume. En un mot, à l'ame près, c'eft Henri IV, tel qu'on le voyoit de fon vivant. L'artiste prétend que cette compofition eft fi bien faite, qu'on n'a rien à redouter des injures du temps pour les différentes fubftances qui

y entrent.

10 Décembre. Les partifans de monfieur de Voltaire fe réjouiffent d'une fottife énorme que vient de faire le fieur Clément, le redoutable adverfaire de ce philofophe poëte, qu'il épluche depuis quelque temps dans des lettres critiques très-bien faites. Ce dernier vient d'époufer une vieille coquette, ou plutôt une femme publique,

fur

fur le compte de laquelle on calcule cent & tant d'amants. On attend avec impatience les plaifanteries du vieillard de Ferney.

12 Décembre. Ernelinde a été jouée hier à Ver failles, & a eu le plus grand fuccès par la pompe du fpectacle extrêmement impofante. Il y avoit dans une action 400 grenadiers à cheval fur le théâtre. Ou fent quel effet a dû produire une pareille nouveauté.

M. le maréchal de Richelieu, voulant fignaler jufqu'au bout fon année de fervice, a fait ajouter d'autres fpectacles à ceux qui étoient annoncés. Il y a entr'autres Céphale & Procris, opéra de M. de Marmontel, mufique de Gretry, qui aura lieu après é.

13 Décembre. On fait que Ganganelli, le pape actuel, eft d'une extraction ignoble. On prétend même que fon pere étoit vendeur d'ore viétan, & en cette qualité fort lié avec le pere de Carlin, l'arlequin d'aujourd'hui de la comédie italienne. Le faint pere le connoît & l'aime particuliérement. Il vient de lui en donner une preuve, en conférant un bénéfice à fon fils.

13 Décembre. M. le marquis de Chauvelin n'eft point un de ces grands dont le nom périt tout entier avec eux. Il avoit un mérite perfonnel, & des qualités du cœur qui le rendoient recommandable aux lettres & à fes amis. C'est à ce double titre que M. Léonard, jeune poëte d'un talent diftingué, a répandu des Hleurs fur la tombe de cet illuftre Mécene. II y célebre fur-tout fon attachement folide au prince de Conti, attachement qui a redoublé chez lui depuis la difgrace de ce prince, &

Tome VII.

E

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qu'il favoit allier avec fon dévouement au Roi, Il n'avoit point auffi ceffé de voir M. de Choi feul, & il alloit fouvent à Chanteloup. Marques d'amitié toutes fimples, toutes naturelles dans un particulier, mais effort fublime dans un Courtifan!

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17 Décembre. Addition au mémoire de Mad. de Goezman, pour fervir de réponse au supplément du fieur Caron. Cette addition eft auffi plate que le premier mémoire. Elle tend à prouver que le fieur Caron eft atroce; & la dame Gocz‐, man déduit en conféquence premiere atrocité feconde atrocité, troifieme atrocité. Dans la feconde, l'héroïne infinue que cet impudent a voulu faire le galant auprès d'elle; qu'il lui a tenu fur cette matiere des propos avantageux. On y lit cette phrafe remarquable..... Vous, avez ofé ajouter que vous finiriez par vous faire écouter; que vos foins ne me déplairoient pas un jour; que je n'ofe achever, je n'ose vous qualifier,

...

Elle finit par déclarer que le fieur Caron la chargera peut-être de quelques nouvelles imputa tions mais qu'elle ne répondra point à leur fauffeté.

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20 Décembre. Une rixe furvenue entre M. de Buffi d'Agoneau, & le marquis de Villette, deux mauvais fujets, mais hommes d'efprits fait rire le public aux dépens du premier. M. de Buffi, qui ayant quitté le fervice de France, étoit paffé en pays étranger pour chercher fortune, eft revenu à Paris depuis peu. Paflant fous les fenêtres du marquis, il a remarqué beaucoup de lumiere, & tout l'appareil d'une fête il y eft entré, M. de Villette, furpris, l'a

accueilli avec réserve, en l'avertiffant qu'il y avoit des femmes honnêtes; qu'il l'exhortoit à fe conduire en conféquence, ou plutôt à s'en aller, comme n'étant pas trop fait pour une telle fociété. Son camarade de débauche, excellent pour la ripofte, a plaifanté, eft resté quelque temps, puis eft forti, eft entré dans le premier café, où il a barbouillé des vers affez plaifants fur la circonftance, & qui finiffoient ainfi:

Au refte, foyez fans alarmes,
Faites ferrailler votre efprit;

Je ne me fers que de vos armes.

Il a envoyé cet impromptu au marquis. Celui-ci s'eft trouvé piqué, n'a pu diffimuler à l'affemblée ce qui fe paffoit, a été obligé de montrer les vers. On l'a raffuré, en lui faifant comprendre que ce n'étoit qu'un cartel d'efprit, & l'on a beaucoup ri à fes dépens, & l'on en rit encore.

21 Décembre. Vers à M. le marquis de Villette, par M. de Buffi, ancien mousquetaire.

Monfieur le nouveau converti,
Vous avez manqué de prudence:
Tenez-vous pour bien averti

Que la valeur & la naiffance
Forment un mérite afforti

Que l'on fait diftinguer en France,
Ripoftez donc à cet écrit ;

Ne vous livrez pas aux alarmes:
Faites ferrailler votre esprit,

Je veux me battre avec vos armes.

On a vu précédemment l'anecdote qui a donné lieu à cette courte épître. M. de Villette y a, diton, répondu, mais mal.

22 Décembre. On a des nouvelles de mek fieurs Diderot & Grimm, qui font en Ruffie, & ont reçu le plus grand accueil de l'impératrice. On fait de quelles bontés particulieres cette majefté a honoré le premier.

23 Décembre. Ernelinde, jouée à Versailles le 11 décembre, eft actuellement en cinq actes. L'auteur, qui a retouché le poëme de feu Poinfinet en trois, ne fe nomme pas. On fait cependant que c'est le fieur Sédaine. Quant au mufificien, c'eft Philidor toujours exiftant.

26 Décembre. Iffé, opéra exécuté à Versailles le 18 décembre, n'avoit pas été joué depuis environ 30 ans, ce qui à force de vetufté, l'a rendu neuf pour beaucoup de monde. Quant aux paroles, elles font faites pour plaire en tout temps, & la mufique, de Deftouches, a éprouvé des changements dans les fêtes. C'eft le fieur Bermaître de la mufique du Roi, directeur de l'académie royale de mufique, qui les a faits.

ton,

28 Décembre. Deux particuliers s'étant rendus le jour de noël à Saint-Denis, à une auberge appellée l'Epée Royale, y ont foupé, ont paffé la nuit à écrire. Sur le matin on a entendu un bruit d'armes à feu; on eft monté dans leur chambre, on les a trouvés morts d'un coup de piftolet que chacun s'étoit donné. Il avoit fur Y la table un teftament de mort. On y a appris que l'on étoit foldat du régiment de Belzunce dragons, fe nommant Bordeaux; qu'il n'avoit que 20 ans ; qu'il avoit fait déja plufieurs mé

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