être dans fa vie privée en a-t-il été plus d'une fois le fpectateur impuiffant. Il devoit à fon Roi & à fa pattie de frapper des coupables. Il s'eft trompé dans fon choix, & fa juftice » me répond qu'il deviendra l'ami de ceux qui » fouffrent en fon nom. Qu'on ne croie pas que » ce foit ici la terreur de la fervitude qui caresse

le pouvoir. J'efpere qu'il verra par la vigneur » de ma défenfe que je l'honore affez pour ne » pas le craindre. »

On trouve celui-ci de M. de Saint-Auban, lieutenant général d'artillerie, l'ennemi personnel de M. de Bellegarde, l'accufateur & l'inftigateur du jugement:

« Mais il eft un autre homme que je dénonce » à nos juges & à la fociété entiere comme l'oppreffeur, le délateur & le calomniateur » de mon mari. Ennemi des noms fameux, &

d'une gloire qui l'accable, il a voulu punir » dans mon mari fon attachement pour eux & > celui dont ils l'honorent. Protecteur d'une » manufacture juftement décréditée, il a voulu couvrir fa honte, & arrêter fa chûte, en rendant fufpects ceux qui en ont juridiquement conftaté les défordres. Une diverfion hardie lui a paru pouvoir fervir tout à la fois, fon » affection, fa jaioufie & fa vengeance, » 17 Octobre. Le fieur Gondouin jeune architecte, qui conftruit les nouvelles écoles de chirurgie, annonce un grand talent par cet édifice que les curieux s'empreffent de vifiter, quoiqu'il ne foit encore que commencé, L'amphi théâtre fur-tout, déja achevé, eft d'une beauté finguliere, par la belle forme, fa clarté, sa diftribution, & l'admirable coupe des pierres. Comme

les cordeliers, dont le couvent eft de l'autre côté de la rue, mafqueroient cet édifice moderne, qui exigera un point de vue, le fiear de la Martiniere a profité de fon crédit pout propofer de faire paffer ces moines au couvent des céleftins. On abattra ainfi celui-ci, & il en réfultera une place excellente, tant pour la décoration de l'établiffement en question, que pour Ja commodité de la nouvelle falle de comédie françoife à conftruire à l'hôtel de Condé, ou un palais pour le clergé, &c.

18 Octobre. L'auteur du livre des Recherches Jur les Américains, fort couru pour les affertions hardies vient d'en répandre un autre qui ne fera pas moins de bruit. Ce font des Recherches philofophiques fur les Egyptiens & les Chinois, en deux volumes, où il renverfe toutes les opinions reçues fur ces deux peuples. Ce qu'il dit principalement des Chinois eft frappant. Il repréfente cette nation, que les voyageurs & les économistes depuis peu, nous donnoient comme le modele parfait d'un peuple fage, agricole, politique, humain, civilifé, religieux, comme brute, pareffeux, barbare, inepte, idolâtre. Il faut voir dans l'ouvrage même tout ce que l'écrivain avance à cet égard avec une confiance d'autant plus décidée, qu'il pofe les affertions comme autant d'oracles infaillibles, & ne cite aucane autorité le plus fouvent. Au furplus, ce philofophe rempli de la plus vafte & de la plus profonde érudition, eft un M. de Paw chanoine de Santen. Le ftyle eft lâche, diffus & incorrect.

19 Octobre. Les Graces les Amours & les Mufes pleurent également la mort de madame

Mad. la comteffe d'Egmont, fille du maréchal duc de Richelieu, & qui à ce titre avoit droit de prétendre à figurer parmi toutes ces divinités. Il paroît qu'un attrait invincible pour le plaifir a abrégé les jours de cette femme trèsvoluptueufe.

20 Octobre. M. Bacculard d'Arnaud, connu dans la république des lettres par des ouvrages de différentes efpeces, s'eft trouvé compromis dans l'affaire de M. Caron de Beaumarchais avec le confeiller. Goezman, à raifon d'une lettre furprise à la bonhommie de cet auteur. Celui-ci publie enfin un mémoire de 15 pages d'impref fion, dans lequel il prétend être en droit, & réclame réparation, dommages & intérêts, applicables de fon confentement à des œuvres pies & la fuppreffion du libelle de Caron en ce qui le concerne. Ce mémoire eft figné Mille.

On parle d'un autre, que M. Marin, le rédac teur de la gazette de France, impliqué dans la même affaire, publie auffi pour fa juftification.

20 Octobre. M. de Voltaire, dans fa feuille contre l'abbé Sabbathier, lai reproche d'avoir compofé & fait imprimer à Amfterdam l'Analyse de spinofa, où il finit ainfi cet ouvrage : point de religion, & j'en ferai plus honnête komme= la loi ne fait que des esclaves; elle n'arrête que la main, & figné Adieu, Baptifabit. Il parle auffi de la prifon de cet abbé à Strasbourg, & prétend avoir des vers infames & libertins écrits de sa main lorfqu'il y étoit. Puis il le peint comme un nouveau Tartufe, qui, accueilli, nourri, habillé, &c. chez M. Helvétius, a fini par diffamer fon bienfaiteur après la mort.

22 Oftobre. Ón favoit bien qu'on trouvoit

Tome VII.

D

mauvais, à la cour que MM. de Bellegarde & de Monthieu euffent trouvé des défenfeurs en état de mettre leur caufe dans un jour lumineux & d'en rendre le public juge par des mémoires imprimés; mais on ne croyoit pas que le miniftere poufferoit le defpotifme au point de faire exiler les avocats qui ont pris généreufement leur défenfe. Me. Mille & les deux que ce dernier a afsociés à sa confultation, ont reçu avant-hier leur lettre de cachet. Me. Mille eft envoyé: foixante-quinze lieues, en Bourgogne, fa patrie il eft vrai, dont il a fait l'histoire.

23 Octobre. Un janfénifte charitable n'a pas manqué de faire l'épitaphe des jéfuites. On préfume du moins à l'énergie de cette piece, qu'elle part d'une main très-ennemie de la fociété. Voici comme celle ci eft définie.

Epitaphe des Jefuites.

Pour la tranquillité publique,
Et pour l'intégrité des loix,
Ci gît le corps Jéfuitique,
L'opprobre de l'églife & l'affaffin des Rois,
Pélagien dès fa naiffance,

Pharifien dans tous les temps,
Perfécuteur de l'innocence,

Il ne dut qu'aux forfaits des fuccès étonnants.
Si fon exécrable mémoire

Va jufq. 'à la poftérité ;

C'eft qu l'horreur comme la gloie,
Conduit à l'immortalité.

13 Octobre. La Dlle. Arnoux, de l'opéra, ayant écrit une lettre à M. le duc d'Orléans pour lui demander la permiflion de tirer un feu d'artifice fur le Palais-Royal, où elle demeure, en l'hon neur de la naiffance du duc de Valois, a reçu une réponse très favorable de fon alteffe. En conféquence, vendredi, après l'opéra, exécuté par tous les bons acteurs, ce qui avoit attiré un monde immenfe, on s'est rendu dans le jardin, & l'actrice a donné sa fête extrêmement applaudie de tous les fpectateurs. On fe doute bien de la quantité de filles qu'il y avoit, ce qui réjouiffoit merveilleufement les amateurs.

24 Octobre. On chante dans Paris le couplet suivant, fort à la mode : il a été fait en l'honneur de la jeune vicomteffe Dubarri, & a passé de la cour à la ville.

Sur l'air Lifon dormoit &c. Tiré de Julie.

Voyez fur fa gorge jolie,

Ce bouton-ci, ce bouton-là;

Et plus bas, plus bas. . . . Alte-là !

On n'voit pas ça, on n'touch' pas-là g
C'eft la cachette du myftere.

L'amour jaloux défend ce lieu;

Un mortel y feroit un Dieu!

Dz