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21 Juillet. Dans le temps de la tenue des états de la province de Bretagne il a été

question d'un mémoire de la Nobleffe de cette province au Roi, qu'elle s'eft trouvée obligée de faire feule, les commiffaires ayant eu le fecret d'intimider par menaces ou de féduire par promeffes les députés des deux autres ordres, pour qu'ils s'abftinffent d'y prendre aucune part; & c'est ce qui a fervi enfuite de prétexte à la cour pour ne pas vouloir recevoir le mémoire en queftion, dont on auroit voulu anéantir jusqu'à l'existence c'eft ce qui en a retardé la publicité jufqu'à préfent. Il eft imprimé aujourd'hui. Il eft d'une clarté, d'une précifion, d'une force, qui le font lire avec la plus grande avidité. C'est d'ailleurs un tableau auffi fidele qu'effrayant des coups d'autorité multipliés, par lefquels le miniftere fappe fans relâche la liberté de cette province, dont on lui envie jufqu'à l'ombre qui lui en refte. On admire l'éloquence avec laquelle l'orateur, après avoir tracé du pinceau le plus mâle & le plus rapide les ravages du defpotifine, les fuites funeftes, les malheurs fans nombre qu'il entraîne, ramaffe toute l'onction du fentiment pour attendrir le cœur du monarque & émouvoir fes entrailles paternelles. Quelque bien fait que foit celui de la noblesse de Normandie fur le même fujet, on trouve le mémoire en quefiion bien fupérieur pour l'enchaînement, la marche, le ftyle.

22 Juillet. Le fieur le Carpentier, architecte, membre de l'académie royale d'architecture, vient de mourir. Il avoit beaucoup de célébrité. Le pavillon du fieur Bouret, connu fous le

nom de Pavillon du Roi, & qu'en effet ce financier avoit fait ériger dans l'espoir que S. M. l'acheteroit, eft un morceau très-propre à lui faire honneur, par fa nobleffe, fon élégance & fa belle diftribution.

23 Juillet. Outre les quatre volumes qu'on a annoncés fous le titre général des Efforts du patriotisme, &c. on a imprimé dans le même format un recueil de réclamations, remontrances, lettres, arrêts, arrêtés, proteftations des parle ments, cours des aides, chambres des comptes, bauliages, préfidiaux, élections, au sujet de l'edit de décembre 1770, l'érection des confeils [upérieurs, La fuppreffion des parlements, &c. avec un abrégé hiftorique des principaux faits relatifs à la fup-" preffion du parlement de Paris, & de tous les parlements du royaume. Ces deux volumes, grand in-80. ont pour épigraphe : Majora legum quam hominum imperia. Ils font imprimés auffi à Londres. Ils font précédés d'une préface très-bier écrite, & d'une éloquence digne de la matiere importante, traitée dans le contenu de l'ouvrage.

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24 Juillet. Letttre du pere Cauffin, jésuite confeffeur de Louis XIII, à monseigneur le cardio. nal de Richelieu.

On ne peut mieux faire connoître cet ouvrage, que par l'avertiffement de l'éditeur, que voici :

« Le manufcrit que nous préfentons ici aur public pour la premiere fois, échappe à la jaloufie d'une bibliotheque privée. Beaucoup de traits qu'il renferme intéreffent la curiofité du leur dans les circonftances où on le public mais écrit d'ailleurs d'un tyle peu imitable &

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qui fait peinture par la faillie & fes images; i auroit intéreffé dans tous les temps; on auroit pu y fupprimer quelque préjugé perfonnel, comme une longue déclamation fur les traités entre un prince chrétien & des infideles, que!que comparaison tirée de la fcholaftique, &c.; mais on a préféré à tout la plus exacte confor mité avec le macufcrit. Quelques lecteurs demanderont quelle vraisemblance il y a que le pere Cauffin, exilé & fans appui de fes fupérieurs, ait ofé prendre un ton fi véhément avec le redoutable cardinal? On y trouve la réponse dans l'écrit même. Mais ce trait de chaleur & de zele n'eût-il pas été porté jufques fous les yeux du ministre (ce que le manufcrit ne décide pas), il ne demeure pas moins intéreffant de placer parmi les monuments de l'hiftoire ce qu'un homme d'efprit penfa dans le temps même d'une fi illuftre adminiftration politique. »

Il eft certain qu'il eft peu à préfumer qu'un Ample religieux & un jéfuite ait ofé écrire au cardinal du ton fur lequel cette lettre eft montée. En tout cas le fauffsire a merveilleufement bien contrefait le ftyle figuré de ce temps - là, & y a répandu l'éloquence du fiecle, où il y de trèsbelles chofes. Mais il eft à craindre que le but de l'ouvrage ne foit abfolument manqué, & ne faffe un effet tout contraire, puifqu'il ne doit infpirer que plus de confiance au chancelier, par l'exemple qu'il lui fournit d'une adminiftration fi blâmée, fi injuriée par les contemporains & fi exaltée par les hiftoriens poftérieurs, fi ad mirée aujourd'hui. Le parallele des tableaux effrayants qu'on y trace de l'état malheureux de

la France, affinilé à ceux des écrivains actuels à prouveroit que tout ce qu'on en dit aujourd'hui n'eft que pure déclamation, comme la lettre du re ligieux.

25 Juillet. Le fieur Morand, membre de l'académie des fciences, & chirurgien-major des invalides, vient de mourir.

28 Juillet. On parle beaucoup d'une oraifon funebre du roi de Sardaigne, où l'auteur, fous prétexte de louer ce monarque, fait une fatire trèsvive de tous les potentats de l'Europe. Cette piece eft très-rare & l'on n'en parle encore que par oui-dire.

29 Juillet. M. de Porte-lance, autrefois connu dans la littérature par quelques ouvrages, & fur-tout par une tragédie qui, fans avoir réuffi, lui fit un certain nom, à raifon de la jeuneffe vient de fortir de l'obfcurité où il étoit refté depuis quelques temps, & a plaidé avec éclat tout récemment dans fa propre caufe. Il s'eft acquis d'autant plus de gioire, qu'il n'a pas craint de lutter contre Me. Linguet, & qu'il a eu l'avantage.

Celui-ci vient de faire imprimer fon mémoire, qui ne gagne point à la lecture. Il défend un nommé Tranel, que le premier accufe d'avoir enlevé, par féduction, captation, obfeffion, hypocrifie, la fucceffion de fon beau-frere.

L'orateur paroît avoir eu moins en vue de coinpofer un mémoire dans cette affaire, que d'y mentir, à fon ordinaire, impudemment à la fice de tout le palais, relativement aux querelles journalieres qu'il fe fait avec fon ordre & avec fes confreres les plus en réputation.

I

Août 1773. Jeudi dernier, vers les neuf heures du foir, s'est manifefté dans la partie du fud un phénomene à peu près femblable à celui dont on a parlé il y a deux ans. Il étoit moins, confidérable: c'est un rayon de feu, qui a paru fortir des nuages, & n'a duré que plufieurs fecondes. Il a renouvellé dans plufieurs têtes foibles les terreurs encore récentes qui y avoit occafionnées l'annonce prétendue de la comete.

2 Août. Le Regulus, tragédie nouvelle de M. Dorat, imprimé depuis long-temps, mais changé de beaucoup, a été joué avant-hier

pour la premiere fois. Cet auteur, malheureux jufqu'à préfent à chauffer le cothurne, a reçu des applaudiffements très-grands & trop prématurés au premier acte. Ils n'ont pas été également foutenus au fecond & au troifieme : & les connoiffeurs conviennent généraleinent que ce n'étoit pas la peine de traiter un pareil fujet après Pradon, pour le refaire plus mal. Il ne s'eft pas apperçu que Regulus étoit un de ces caracteres roides, difficiles à ployer au théâtre; un de ces êtres impaffibles, qu'on ne peut par cette raison mettre en fcene; que de la vertu extraordinaire & farouche de ce Romain, il ne devoit résulter qu'une admiration très-grande d'abord, mais ftérile & froide ; que les fentiments généreux de l'amitié, l'amour conjugal, l'amour filial, ne pourroient produire quelque effet, qu'autant qu'ils occafionneroient des combats, des flux & reflux dans le cœut du héros, & que fon genre de patriotifme étoit tel, qu'il ne pouvoit les lui laiffer éprouver qu'enfin le trait héroïque de Regulus, Propre à éblouir d'abord les jeunes gens, ne

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