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tage du commerce; & ces meffieurs prétendent, en fe chargeant de ce travail, avoir pour con dition qu'ils ne recevroient point d'appointe ments; ce qui ne s'accorde pas avec les 6000 livres qu'on leur attribuoit dans le public.

8 Mars. Le fieur de Belloy vient de mourir enfin, & laiffe une nouvelle place vacante à l'académie. Cet auteur, dont le Siege de Calais doir faire à jamais époque au théâtre, a joui d'une réputation prématurée que la poftérité ne lui confervera pas. Tout fon mérite eft d'avoir donné T'exemple de mettre fur la fcene des fujets pris dans notre hiftoire, quoiqu'il n'ait pas même, à le bien prendre, cet honneur auffi entiérement qu'il l'a prétendu. Mais la barbarie de fon Ayle eft un obstacle invincible pour que fa piece puiffe jamais être lue, ainfi que toutes les autres qu'il a compofées depuis. On affure que le fieut Beaujon, s'érigeant depuis quelque temps en Mécene des gens de lettres, inftruit de la dé treffe de celui-ci, lui ayant offert des fecours en a reçu une épître où il lui demande pour toute grace de vouloir bien faire faire fon buste, pour être placé à la comédie françoise entre ceux de Corneille & de Racine, lorfque la nouvelle falle fera finie. On doit croire qu'il étoit abfolument en délire quand il a écrit cette lettre.

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9 Mars. Mémoire adressé au Roi par les protef tants de Guyenne le 3 du mois dernier, pour fupplier fa majesté de leur accorder la liberté de confcience. Tel eft le titre d'un imprimé, où ces fujets infortunés emploient tous les moyens que l'humanité leur fuggere pour toucher notre augufte monarque, afin d'obtenir cette grace, que

la nature follicite pour eux, & que la po litique fuggere, pour contenir dans le fein du royaume des fujets fideles, & en rappeller ceux que l'erreur des temps a fi cruellement profcrits. Ils y apportent des certificats des lieux où ils habitent, par lefquels la nobleffe du pays rend justice à leurs vertus patriotiques, & les regarde comme dignes des bontés du Roi. Ils ont envoyé copie de ce mémoire à tous les princes, & les fupplient de leur accorder leur protection auprès de fa majesté.

10 Mars. Il y a eu hier une course de chedivers vaux exécutée à la pleine des Sablons, par feigneurs de la cour, où la Reine & la famille soyale ont affifté.

10 Mars. On parle beaucoup de la complai fance de M. le duc d'Orléans pour Mad. de Montellon; il la pouffe au point de jouer la comédie chez elle à Paris, ce qu'on critique fort il rempliffoit derniérement un rôle dans le Défertear.

exécutée

11 Mars. La courfe de chevaux avant-hier à la plaine des Sablons, confiftoit en un certain efpace de terrein à parcourir plus ou moins promptement. Plufieurs feigneurs de la cour avoient fourni des courfiers, fur lefquels ils avoient affis des paris confidérables. Ils étoient montés par des palfreniers accoutumés à ces fortes d'exercices. Outre la famille royale, on comptoit du nombre des princes du fang, M. le duc de Chartres & M. le duc de Bourbon. Il y avoit une eftrade élevée pour placer fa majefté & la cour. Le cheval de M. le duc de Lauzun a eu l'avantage.

11 Mars. Malgré tous les foins pris dans le Béarn, dans la Baffe Navarre & autres provin ces adjacentes, pour arrêter la contagion de la maladie des bêtes à cornes, les plus habiles gens de l'école vétérinaire y ont échoué. Elle n'a fini que par la dévaftation générale des beftiaux. On y eft dans le plus grand embarras pour travailler la terre & faire le labourage.

12 Mars. La théorie du libelle n'eft pas faite pour réjouir les économistes. Ils fe font fortement remués à l'occafion de cet ouvrage, & ont profité du crédit où ils font actuellement pour le faire arrêter. Malgré le peu de temps qu'il a été mis en vente, on affure qu'il s'en eft débité plus de 4000 exemplaires : tant le Parifien a une merveilleuse avidité pour la méchanceté.

13 Mars. On doit donner, pour la capitation des acteurs, l'opéra d'orpheé d'Euridice, du chevalier Gluck.

13 Mars. On reçoit d'Allemagne de petites feuilles imprimées, ayant pour titre : Corref pondance littéraire fecrete. Elles font par numé ros. Il paroît qu'il s'en diftribue ainfi une chaque femaine. On peut juger de-là combien les étrangers font avides de tout ce qui vient de Paris, car elles font datées de cette capitale, & ne portent pas, à beaucoup près, avec elles l'intérêt & le piquant dont elles feroient fufceptibles. On voit que l'auteur n'apporte ni diligence ni choix dans la collection de fes matériaux; que fes jugements font fort hafardés, fes anecdotes peu fûres, & fon ftyle peu noble, traînant & diffus. On juge que c'eft une invention de cette année qui pourra fe perfectionner entre les mains d'un correfpondant de goût & répandu.

14 Mars. M. Greffet vient d'obtenir des lettres de nobleffe. En voici le préambule.

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... Les avantages que les fciences, » les belles-lettres & les arts procurent à notre royaume, nous invitent à ne négliger aucun » des moyens qui peuvent contribuer à leur maintien & à leurs progrès. Les titres d'honneurs répandus avec difcernement fur ceux qui les cultivent, nous paroiffent l'encoura "gement le plus flatteur que nous puiffions leur » donner. Parmi ceux de nos fujets qui fe font » livrés à l'étude des belles-lettres, notre cher 5 & bien-aimé, Jean Baptifte-Louis Greffet, s'y eft diftingué par des ouvrages qui lui » ont acquis une célebrité d'autant mieux mé» ritée, que la religion & la décence, toujours « refpectées dans fes écrits, n'y ont jamais » reçu la moindre atteinte. Sa réputation a depuis long-temps engagé l'académie françoife » à le recevoir au nombre de fes membres » & nous l'avons vu, avec fatisfaction, nous offrir, en qualité de directeur, les hommages de cette académie, la premiere fois que >> nous avons bien voulu l'admettre à nous les préfenter, à l'occafion de notre avénement » à la couronne. Nous favons d'ailleurs qu'il eft iffu d'une famille honnête, de notre ville d'Amiens; que fon aïeul & fon pere y ont rem pli différentes charges municipales, & qu'ils » y ont toujours, ainfi que le fieur Greffet lui» même, vécu de maniere honorable, qui, en rapprochant de la nobleffe, eft un degré pour

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y monter.... ».

14 Mars. Les comédiens françois se propo foient de faire l'anniverfaire de Moliere

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donnant le 17 du mois dernier une repréfentation de la Centenaire; mais des confidérations particulieres qui influent beaucoup fur les délibérations du tripot, & en arrêtent les meilleurs effets, ont empêché que la cérémonie n'ait eu lieu.

15 Mars. Les comédiens françois avoient affiché pour aujourd'hui, Tancrede, par ordre; cette tragédie a été donnée pour M. le comte d'Artois, qui eft venu à ce spectacle, in fiocchi.

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16 Mars. L'acte dont le fieur le Gros a refait la mufique avec le fieur Deformeri, est abfolument réprouvé du public. Il faut fe rappeller qu'il eft intitulé: Hylas Eglé, qu'il est tirẻ d'un ballet de M. le Franc de Pompignan intitulé le Triomphe de l'harmonie. Cette mufique eft maigre, froide & fans caractere. Une demoiselle Mollet, éleve du fieur le Gros, y joue pour la premiere fois avec une forte de tafent. Elle a la voix agréable quoique foible; &fa figure mutine a de l'expreffion & peut convenir à certains rôles qui n'exigeront pas une forte de nobleffe.

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17 Mars. Quoique le cheval du duc de Lauzun triomphant à la derniere course de chevaux, foit mort des fuites de fa victoire, les amateurs & concurrents ne font point décou ragés il doit y avoir inceffamment de nouveaux paris.

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18 Mars. Le Geur le Kain, quitte de fa cau choife, c'eft-à-dire, de la maladie honteufe qui 4'avoit fait s'absenter de la scene, a reparu, il y

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