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8 Janvier. La fecte des Economistes trouvant les circonftances favorables pour la propagation fous un miniftre qui fait gloire d'en être membre, vient de recommencer fon journal, fous le titre de Nouvelles éphémérides économiques, ou Bibliotheque raisonnée de l'Hiftoire, de la Morale

de la Politique. On annonce que M. l'abbé Beaudau en fera le rédacteur, & que M. de Saint Leu, colonel au fervice du Roi & de la république de Pologne, fe charge de traduire. ou analyfer les écrits en langue érangere.

On donne pour effai un petit volume extraor dinaire gratuitement. Il ne contient rien de bien neuf, de bien piquant. Il revient même fur des chofes rebattues, telles que les Maximes géné rales du gouvernement économique d'un royaume agricole, de M. Quefnay, publiées en 1768. On y lit, au furplus, avec plaifir, le Difcours écoHomique au roi de Suede & à fon académie des fciences, fur le bonheur des peuples des loix fondamentales des états, par M. le comte de Scheffer, Senateur chancelier des ordres. Cet

Ouvrage traduit par M. Baër, fecrétaire & aumônier de l'ambaflade Suédoife à Paris, eft merveilleufement bien écrit, & porte, quant au fond, un grand intérêt avec lui.

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9 Janvier. Les comédiens françois ont joué de 6 de ce mois M. Petau, ou le Roi de la feve, fous le titre nouveau de Gâteau des Rois. Le prologue, compofé des acteurs ne jouant pas dans la piece, & fe félicitant de n'y pas jouer, affez gai, affez bien écrit, & contenant d'avance une critique de l'ouvrage plus jufte que l'auteur ne la préfumoit faire, lui avoit concilié le public. Mais il n'y a pas eu moyen de refter dans ces mêmes fentiments. Qu'on s'imagine un fouper de la rue Saint-Denis, non chez quelque gros marchand trop civilité aujourd'hui, mais chez quelque ouvrier renforcé: fouper dont on feroit bien fâché d'être, & qu'on trouveroit fort ennuyeux, même en chambre. Qu'on le tranfporte fur le théâtre, & l'on aura toute l'idée de la piece, qui, dans ce temps d'indulgence, n'a pourtant pu aller ju qu'à deux représentations. Quelques louanges pour le Roi, tant bien que mal amenées, foit dans le courant du dialogue, foit dans des couplets, auront fait illufion au poëte & aux comédiens fur la nullité du drame, ainfi qu'à la police, fur une critique affez indécente de la vieillefe du feu Roi, & l'on eft furpris qu'elle ait paffé ces endroits.

10 Janvier. On parle beaucoup de l'aventute finguliere arrivée à un bal de la Reine. Deux feigneurs ont trouvé à terre une lettre qu'ils 'ont ouverte. Ils ont lu une déclaration très-amou-seule & très-emportée qu'une dame faifoit à

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un cavalier: elle finiffoit par dire que fes fentiments étoient fi vrais qu'elle ne craignoit point de les figner de fon fang. Et en effet la fignature étoit tracée en caracteres de cette liqueur. Ces étourdis ont lu la lettre tout haut en fe réfervant cependant la fignature. Toutes les femmes du bal ont été furieules, parce qu'un tel foupçon peut tomber fur chacune d'elle,

11 Janvier. On a remis hier à l'opéra l'Iphi génie du chevalier Gluck. Le principal changement confifte dans le dénouement, plus analo gue à ce genre de fpectacle, par l'intervention mêine de Diane. Cette décoration eft belle, produit un très-bon effet, & l'action se termine à merveille par l'embarquement des Grecs pour l'expédition qu'ils ont projetée,

Dans le fecond acte, il y a des danfes caractérifées, où font figurés, les jeux divers de la Grece ce qui donce un appareil plus militaire à la fête, & plus d'expreffion à cette choréographie.

En général, l'Iphigénie applaudie avec transport à quelques endroits fublimes, n'a pas produit cet excès d'enthousiasme continu, que les fpectateurs avoient témoigné la premiere fois.

12 Janvier. Le fieur de Belloy, réchappé d'un premier état de langueur où il étoit tombé, il y a quelques années, fe trouve aujourd'hui plus gravement attaqué : il eft réduit à un point de phthifie qui ne lui permet pas d'aller loin.

13 Janvier. L'aventure du bal de Verfailles,

arrivée lundi 2 janvier, fait toujours beaucoup de bruit, fans qu'on puiffe la tirer au clair. On affure que M. d'Houbtot, officier aux gardes, le fils de la célebre Mad. d'Houbtot, la Minerve de M. de Saint-Lambert, & tenant bureau de bel efprit, eft l'auteur de l'indifcrétion, & eft rayé de la lifte des feigneurs admis aux bals de fa majesté.

14 Janvier. Hier la Reine eft venue à l'opéra, comme on l'avoit annoncé. Sa majesté n'y étoit que dans une espece d'incognito, puif qu'il n'y a point eu tout l'appareil qu'auroit exigé fa préfence en grande loge. Elle s'eft mile dans la loge des bâtiments, en face du théâtre, aux fecondes. On lui a cependant rendu les honneurs indifpenfables, c'est-à-dire, que monfieur le maréchal duc de Briffac, comme gouverneur de Paris, & monfieur le maréchal duc de Biron, comme commandant la garde du fpectacle, fe font trouvé à la portiere du carroffe de fa majefté, ainfi que les directeurs. Ceux-ci avoient des flambeaux, & ont précédé & éclairé la Reine jufqu'à fa loge. Sa majesté étoit accompagnée de Madame, de Monfieur & de M. le comte d'Artois. En arrivant, S. M. a été reçue avec les plus vives & les plus finceres acclamations de la part du public. Sa majefté y a répondu par trois révérences. Madame l'a imitée les deux princeffes fe font ouvertes: alors Monfieur eft venu au milieu d'elles, a fait les trois fiennes, & monfieur le comte d'Artois ayant fucceffivement pris fa place, a rempli le même cérémonial. On ne peut peindre à l'imagination la beauté d'un pareil coup d'œil, L'opéra s'eft exécuté avec la plus grande per

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fection. A la feene troifieme du fecond acte, il y a un chœur où le fieur le Gros, faifant le rôle d'Achille, dit: chantez, célébrez votre Reine, &c. Par une préfence d'efprit qui lui fait honneur, il a envisagé fa majefté en ce moment, & a dit chantons, célébrons notre Reine, &c. Tous yeux à l'inftant fe font fixés fur fa majesté, & le cœur fini, on a répété, bis. La Reine émue de fenfibilité à la vue de pareils transports, que Monfieur & monfieur le comte d'Artois excitoient encore par leurs applaudiffements, n'a pu contenir fa reconnoiffance, & l'on a vu des lar mes de joie couler de fes yeux. Quand fa majefté eft fortie, l'alegreffe du peuple n'a pas moins éclaté, & la foule a fuivi la princeffe autant quelle a pu avec les acclamations ordinaires de vive la Reine, &c.

15 Janvier. Il paroît une. Epitre en vers à M. Turgot, où l'on décrit d'avance le bien que doit opérer ce miniftre. Les talents y font exaltés au plus haut degré. Il y a de très-beaux vers, & les louanges, quoique fortes, n'y paroiffent point baffes & ferviles. L'ouvrage fembleroit d'un vieillard. Il part de la plume de quelque partiían de la fecte des économistes.

17 Janvier. Les prêtres & les dévots cabalent fans relâche contre monfieur de Maurepas, contre monfieur de Miroménil, contre monfieur Turgot qu'ils accufent d'irréligion. Le dernier fur-tout eft le plus expofé à leur rage, fur fes liaifons connues avec les coryphées du matérialisme & de l'athéisme. C'est ce qui a donné lieu à la facétie fuivante.

Tome VII.

M

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