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plaudi les premiers à la tirade ; & cette marque de fenfibilité de leur part a été reçue avec des transports nouveaux de tendresse & de reconnoil. sance du public.

Le reste du spectacle s'est passé dans le cérémonial d'usage, & les comédiens n'ont fait aucuns frais , aucun divertissemeni , rien qui caractérisât ce jour mémorable pour eux & pût fervir d'époque. L'entr'acte même encre la grande & la petite piece a été fort long.

24 Juin. On cite beaucoup le compliment de M. le maréchal de Briflac à Mad. la Dauphine, le premier jour où cette princelle entra dans Paris, tandis que le prévôt des marchands débitoit la lourde & plate harangue : Madame, lui dit ce preux chevalier , vous avez-sous vos yeux deux bent mille amoureux de vous, Propos digne d'un antique chevalier , qui affecte de ne rien faire , de ne rien dire comme nos modernes petitsmaîtres,

25 Juin. Comme le mariage de M. le comte d'Artois doit se faire dans l'arriere.faison & aux approches de l'hiver , faison plus favorable pour les bals & les plaisirs, on travaille à force pour donner des fêtes en ce genre. On parle de cing opéra , dont les auteurs le flattent d'être joués : le reste à proportion. Les menus sont fort occupés, & l'on fait d'ailleurs que le maréchal de Richelieu qui se trouve d'année a beaucoup de goût.

26 Juin. Lé fieur Chasse est un gentilhomme Breton , qui par libertinage, par indigence ou par une passion effrénée pour le théâtre, s'étoie fait acteur & chanteur de l'opéra. Sa belle figure , la noblesse de son jeu & la beauté de la voix

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qui étoit une basse-taille, l'avoient rendu un des coryphées de ce spectacle. Il y a brillé long-temps. Depuis plusieurs années il en est retiré : il a aujourd'hui soixante-leize ans. Cependant on ne fait trop comment madame la comtesse Dubarri à voulu l'entendre. Il s'est refusé aux instances de ceux qui te sollicitoient pour cette dame, & a déclaré qu il ne chanteroit que pour le Roi ; d'abord

par l'obéissance qu'il devoit à son niaître, & ensuite par reconcoillance de les boniés & des pensions dont i' l'honoroit. On lui a dooc parlé

nom du Roi , & 'il a chanté à un petit fouper devant fa majesté & la favorite. Ils en ont été émerveillés. "Le prince lui a dit qu'il le retedoit pour les fêtes du mariage ; qu'il étoit question de remettre Roland; opera dans lequel it excellot; & qu'il vouloit que Chasse en fît le rôle. Sa majesté s'est expliquée ainsi vis-a-vis du maréchal de Richelieu & des intendants des menus ; & l'acteur est forcé de céder aux voeur

Mais comme il est bien différent de chanter en chambre ou sur le théâtre, les amis de l'acteur tremblent pour lui. Au surplus, le lendemain il a reçu une boîte d'or de la valeur de so louis ; & pour ménager sa délicatesse, Mad. Dubarri a bien voulu lui faire dire que c'étoit de la part du Roi.

27 Juin. Depuis long-temps on parle beaucoup d'une tragédie nouvelle du lieur de la Harpe, intitulée , les Barmécides. Suivant son usage il capte les fuffrages des sociétés , en la Jisant lui-même dans diverses maisons. Il a eu l'honneur d'être admis chez madame la comielle Dubarri , qui a bien voulu l'entendre. Cependaot cette dame fatiguée dès le premier acte, en

du monarque

#vogant que c'étoit très-beau , bâilloit beaucoup. Elle a demandé le cabier de l'auteur ; elle l'a parcouru des yeux , elle lui a dit de lui lire les dernieres scenes, & a fini

par

s'exrafier en bâillant toujours. L'amour propre du petit bon homme a été très-humilié, d'autant qu'il n'ose faire d'épigrammes contre le mauvais goût de la comteffe.

28 Juin. On a parlé du jardin de M. Boutin , appellé Trivoli, qui depuis qu'on l'a annoncé est devenu encore plus varié & plus magnifique. On a infpité au duc de Chartres le goût d'en créer un femblable, c'eft-à-dire uo plus magnifique & plus digne de son altesse. C'est un séjour en chanté, qui contribue à rendre plus délicieuses les orgies du prince. C'est le ficur Carmontel, amateur éclairé des arts , & qui les cultive luiç même , très-connu par un recueil de proverbes & par fon talent pour la caricature & pour

des

poro traits de fociété très-refemblants, qui dirige les travaux de cette perițe maison, où , cour'autres curiofités , on a fait usage de la pompe à feu pour l'élévasion de l'eau & pour produire une riviere avec un puits.

29 Juin. Extiait d'une lettre de Barrege, du 20 juin 1773.... Nous avons ici Mlle. Luzzi, de la comédie françoise , qui est venue pour remédier aux fuites d'une débauche trop effrénée. . Cette actrice revenue des vains plaisirs de ce monde , eft l'édification du public. On admire fa piété, sa résignation dans les fouffrances, & elle se joue pas moins bien le rôle de dévote que celui de Coubretre qu'elle faifoit. On dit qu'elle a quitté le théâtre ; mais on ne pourra vraiment bien juger de la vérité de cette cono,

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verhon, gue lorsqu'elle fera rétablie ; car ces téres: foibles & romanesques paffent aisément d'une pation à l'autre.

29 Juin. Le mémoire de Me. Linguee noncé depuis long-temps , fe diftribue ; il a pour titre : Supplément aux Observations pour le comte de Morangiés. Cet orateur,

d'une fécondité laos exemple , ne donne son nouvel ouvrage que comme une premiere partie du travail qu'il se propose. Dans celui-ci il discute la sentence du batiliage du 28 mai , & la présence sous vingro trois chefs différents , qu'il commence , qu'il contredit , & qu'il réfure , & dont il prétend enfin démontrer l'injustice & l'absurdité en totalité. Il annonce qu'il parlera inceffamment de Ja procédure , en trairant de la prise à partie qui fera demandée certainement , & que l'équité de le cour ne lui permettra surement pas de refuser.

Quelque aride que parût devoir être cette di cullion, le brillant orateur a su y répandre les figures de son art. Les morceaux les plus ingéreflants font l'exorde , quelques nouveany dérails fur la police, une differtation sur les libe'!es & la juftification des fins ; erfin la péroraisop vi goureufe contre les conclufions du procureur du Roi , d'après tefquelles le comte de Morangiés a été mis lur ta sellette. On ne pene nier qu'il n'y ait beaucoup de chaleur dans la plupart de ces endroits , qu'on ne les life avec plaisir. On n'en peut pas dire autant de la logique de l'écrivain , qui n'est pas fa partie dominante. D'ailteors l'impudence avec laquelle il est cor vaincu d'avancer les faits les plus palpablement faux, discrédite tous ceux qu'il pourroir articuler en faveur de son client. C'est ce qui õre beaucoup

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de force à une piece qu'il cite comme vitorieuse, c'est une espece d'apologie du comte de Morangiés ,, faite par la nobielle du diocese où les terres sont situées, en date du 29 avril de cette année, & qui à la rigueur ne conclueroic rien. Elle est foulcrite de dix-neuf signatures. D'ailleurs, est-ce le plus grand nombre ? Comment ont-elles été données ? Existent-elles même ? Le peu de bonne foi du sieur Lí"guce excite de femblables doutes.

30 Juin. Hier , quoique ce fùt jour de fête , M. le Dauphin & Mai, la Dauphine sont venus aux Italiens, qui ont eu le bonheur de jouer sur leur théâtre devant eux ,, & de furmonter les obstacles qu'on proposoit contre. La circulation a été un peu gênante pour le public. , & pour les voisins du spectacle , qui ont eu peine à rentrer chez eux comme ils vouloient. Au demeurant, il n'est arrivé aucun accident. Ces comédiens se sont diftingués d'abord par une décoration dans le pourtour de la salle", qui donne un air de fête à cette représentation mémorable. Au moyen de girandoles en luftres qu'ils avoient appliquées contre les loges, il en a résulté un ton plus brillant dans l'enceinte du public : les diamants des femmes jouoient mieux & cellesci pouvoient se distinguer avec plus de facilité , & déveloprer tout l'étalage de leur parute.

Mad. la Dauphine ayoit demandé pour piece italienne , Arlequin ign Scapin rivaux & pour feconde piece

le Déserteur. Cette derniere , donné lieu à des applications heureuses, que le public a faisies avec avidité. Dans un récit il est question des acclamations de l'armée en faveur du monarque , & de vive le Roi , qu'on répere.

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