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nas a un air balourd, une tournure matérielle B ronde, qui en impofe encore davantage & le fait paroître plus merveilleux.

30 Janvier. Le différend du fieur Dauberval avec meffieurs de l'académie royale de mufique, étant accommodé, il a reparu dans les fragments donnés depuis peu, & a été extraordinairement fêté par le public, enchanté de le revoir.

31 Janvier. M. Diderot eft attendu dans ce pays-ci pour le printemps prochain. Ce grand homme écrit qu'il s'ennuie à Pétersbourg; qu'il n'y trouve d'intéreffant que les converfations qu'il a avec l'augufte fouveraine, fa protectrice. Sans doute qu'elle ne fe plaît pas moins dans fes tête-à-tête avec lui; mais les foins du gouver nement la diftraient, & l'empêchent d'entretenir auffi fouvent qu'elle le voudroit ce fameux philofophe.

1 Février 1774. On a fait de mauvais vers fur le Sr. Mirlavaud, tréforier des grains au compte du Roi, annoncé dans l'almanach royal 1774. Les curieux les recueillent toujours comme faifant grande fenfation en ce moment & anecdote pour l'avenir. Les voici:

Ce qu'on difoit tout bas, eft aujourd'hui public :
Des préfents de Cérès le maître fait trafic,

Et le bon roi, loin qu'il s'en cache,

Pour que tout le monde le fache

Par fon grand almanach fans façon nous apprend
Et l'adreffe & le nom de fon heureux agent.

2 Février. Il paroît un mémoire de Me. Linguer pour le marquis de Soyecourt; on

Tome VII.

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trouve le fpectacle infructif & philofophique d'un feigneur puiffamment riche, qui par une cupidité bafle & fordide voulant accroître fa fortune en entrant comme un vil financier dans des entreprifes d'affaires lucratives, eft la dupe d'intrigants & d'efcrocs, qui abusent de fa crédulité au point de le faire fe déranger confidérablement & de le conduire fur le penchant de fa ruine. C'eft la fuite du procès contre le marquis du Hautey, où la baronne de la Garde, maî treffe du contrôleur général, jouoit un rôle infame qu'il a été obligé de la renvoyer.

4 Février. Il court une épître à Margot, qui fait grand bruit dans cette capitale, à raison des allufions qu'on croit y trouver relativement à madame la comteffe Dubarri, quoiqu'elles ne roulent en général que fur mille exemples qu'on voit tous les jours de couttifannes parvenues; mais la malignité du public s'exerce, & donne beaucoup de vogue à cet ouvrage, bien fait d'ailleurs, mais dont l'auteur eft obligé par la raifon ci deffus de garder l'incognito.

5 Février. Le fieur Bellanger, un de ces officiers aventuriers rifquant tout parce qu'ils n'ont rien à perdre, connu dans les tripots pour tenir la banque au pharaon, a voulu tenter fortune d'une autre maniere. On affure qu'il avoit accepté une miffion fecrete pour aller en Angleterre, dont on veut que l'objet fût l'enlèvement de l'auteur du gazetier cuiraffé: il avoit pour affocié à fon expédition des fuppôts de police, tels que Receveur, Cambert, Finet, &c. Malheureu

fement pour eux, ils n'ont pas réuffi: on a même eu vert dɩ leur deffein; ils ont été dékignés

dans les papiers publics. Le bruit avoit court qu'ils avoiont été attrapés & pendus comme efpions. Il eft fâcheux que cela ne foit pas exac tement vrai. Ils font revenus ici; mais l'exempt Receveur en a eu une telle frayeur, qu'il eft encore, fou.

7 Février. L'almanach royal de cette année devient extrêmement recherché à cause de l'annonce nouvelle dont on a parlé, & qui n'existera plus à l'avenir. Le fieur le Breton, l'imprimeur, en a reçu une févere réprimande, & fon im primerie eft fermée pour trois mois,

7 Février. Une Arthémife nouvelle donne à Paris le fpectacle rare d'une douleur conjugaleque le temps ne peut affoiblir. C'eft madame la comteffe d'Harcourt. Son mari mort il y a près de cinq ans, fit beaucoup de bruit dans le temps à l'occafion du démêlé qu'il excita entre fon confeffeur, l'archidiacre Tando, & l'archevêque de cetté capitale. On va voir aujourd'hui chez le fieur le Moine le maufolće que fon épouse doit faire élever à Notre-Dame à la mémoire du comte. Elle va fouvent chez le fculpteur pour preffer le monument ; elle y paroît les cheveux épars, & dans l'appareil douloureux & lugubre où elle doit figurer dans le cénotaphe. Elle ne s'occupe pas moins du défunt dans fon inté rieur. Elle lui à toujours confervé fon appartement: on y trouve encore fa figure en cire, qu'elle a fait fondre en pied, à la mort de fon mari. Il y eft habillé dans fa robe de chambre; il est assis dans fon fauteuil à côté de son lit, préparé comme s'il devoit s'y coucher; & cette femme, dont la tête vapoteufe & mélancolique la fait pafler aux yeux des profanes pour tires F &

un peu à la folie, s'enferme fouvent en ce lieu, comme pour s'y entretenir avec cette image muette, & la careffer à fon aife.

7 Février. L'abbé Rouffeau, qui doit prêchér lê carême devant le Roi, a ouvert, fuivant l'ufage, fa ftation le jour de la chandeleur, Merveilleufement encouragé par l'exemple de l'abbé de Bauvais, dont le zele vigoureux & amer a été récompenfé par un évêché, celui-ci a fuivi les mêmes errements; il a encore enchéri, & a tonné avec une hardieffe fainte aux yeux des dévôts, cynique aux yeux des courtilans. Ce premier fermon fait déja grand bruit.

8 Février. L'épître à Margot eft tellement dans le ftyle, à la maniere & le genre de monfieur Dorat, qu'on la lui attribuoit affez générale. ment. Le fcandale que cette bagatelle a occafionné, lui a paru mériter un défaveu, pour le mettre. à l'abri du reffentiment de la femme puiffante. dont les ennemis de celle-ci ont voulu reconnoître le portrait dans Margot. Mais il a cru en même temps n'y devoir mettre aucune impor, tance, & il s'eft contenté de faire une autre épître, où il fe défend, de l'imputation, en décriant beaucoup la premiere piece, qui vaut pourtant mieux que la fienne.

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-8 Février. Il paroît un mémoire furlune réclamation contre des væax faits malgré l'autorité eccléfiaftique: il eft de Me. la Croix, & fe fait lire avec le plus grand intérêt. Il s'agit d'un fieur de Poilly, fait cordelier malgré lui,. il y a près de 35 ans, & qui réclame conftamment depuis lors contre cette tyrannie. On ne peut fe difpenfer de la reconnoître pour telle,

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puifqu'il n'a paru confentir à entrer dans cet ordre que pour se fouftraire aux mauvais traite ments de fes parents; que ceux-ci ont d'ailleurs rendu fa profeffion irréguliere, faute de fe conformer aux ordonnances, en affiftant à la prife d'habit, & en fignant fon acte de profeffion; qu'elle l'eft encore, parce qu'il n'a point fait le noviciat convenable, qu'il n'a jamais été admís volontairement parmi fes confreres; qu'enfin la puiffance eccléfiaftique s'y eft oppofée par une fentence de l'officialité de Meaux. Le détail des vexations éprouvées par ce malheureux eft incroyable, & l'on ne peut concevoir qu'il fe trouve une mere affez barbare pour fe porter à une perfécution auffi conftante. On a depuis employé la calomnie contre ce même homme, qu'on a d'abord accufé de pédéraftie, & qu'on a voulu faire paffer enfuite aux yeux du gouvernement pour auteur d'un livre, dont on ne donne que les lettres initiales: La F. de P. L. D. répandu dans Paris par fragments, & l'écrivain réfugié chez l'étranger a été depuis connu.

8 Février. M. de Roffet, préfident de la chame bre des comptes de Montpellier, travaille de puis 25 ans à un poëme fur l'agriculture. Il compte l'avoir enfin mis au point de perfection dont il le croit fufceptible, & il s'imprime actuellement au Louvre aux frais du Roi, in-4°. avec des gravures, & tous les ornements typographiques. C'eft monfieur Bertin, le miniftre, qui ayant eu autrefois connoiffance de l'ou vrage, s'en eft rappellé le fouvenir avec plaisir, & a procuré à l'auteur cet honneur. Tous les économistes font dans l'attente de ce poëme qui vraisemblablement n'y répondra pas. Le poëte

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