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I

PROCLAMATION

DU

DOGME RÉPUBLICAIN.

La Révolution Française a résumé la politique dans ces trois mots sacramentels : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNité. Ce n'est pas seulement sur nos monuments, sur nos monnaies, sur nos drapeaux, que cette devise de nos pères fut écrite; elle était gravée dans leur cœur, elle était pour eux l'expression même de la Divinité.

Sainte devise de nos pères, non, tu n'es pas un de ces vains assemblages de lettres que l'on trace sur le sable et que le vent disperse. Triangle mystérieux qui présidas à notre émancipation, qui servis à sceller nos lois, et qui reluisais au soleil des combats sur le drapeau aux trois couleurs, tu fus inspiré par la Vérité même, comme le mystérieux triangle qui exprime le nom de Jéhovah, et dont tu es le reflet.

Triple réponse au triple besoin qui est en nous de connaître, d'aimer, et de pratiquer notre connaissance et notre amour; et en même temps résumé complet de ce que ce triple besoin, toujours vivant en l'homme, avait engendré pendant tant de siècles et de révolutions, savoir, l'énergique activité des anciennes républiques, ou la

Liberté, l'élévation sentimentale du moyen-âge, ou la Fraternité, et la réflexion des siècles plus modernes, ou l'Égalité, cette formule est une des expressions de la Vérité éternelle. On a pu l'effacer, on a pu s'en railler; elle ne fut jamais ni véritablement effacée, ni entamée par les outrages; car elle est vraie, elle est sainte ; elle est l'idéal à suivre, elle est l'avenir révélé, elle règne déjà en principe, elle régnera un jour en fait, elle est ineffaçable et immortelle.

Aujourd'hui donc, nous, les représentants du Peuple, nommés par lui pour rédiger la Constitution, en présence de l'Etre Suprême, nous professons comme vraie, certaine, indubitable, la formule une et triple à la fois qu'ont professée nos pères, et qui est inscrite de nouveau sur nos monuments, sur nos monnaies et sur nos drapeaux. Nous sommes prêts, comme nos pères, à souffrir et à mourir pour la défendre; nous espérons la comprendre, l'aimer et la pratiquer de plus en plus; et c'est sur elle que nous voulons fonder notre Constitution, afin qu'elle soit durable. Voilà pourquoi nous plaçons ce dogme au frontispice de cette Constitution.

DÉCLARATION

DES

DROITS ET DEVOIRS DES CITOYENS.

«La souveraineté du peuple existera, le peuple sera en effet le vrai souverain, le souverain légitime, quand la science humaine aura donné à cette souveraineté le souffle de l'existence jusque là ce n'est qu'un projet. »

(ROUSSEAU, Contrat Social, analyse des chapitres 6 et 7 du livre II.)

Nos pères, convaincus que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme sont les seules causes des malheurs du monde, résolurent d'exposer, dans une Déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin, disaient-ils, que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissassent jamais opprimer et avilir par la tyrannie, que le Peuple eût toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur, le magistrat la règle de ses devoirs, le législateur l'objet de sa mission.

Nous imiterons la sagesse de nos pères. Avant de constituer l'État, nous établirons les principes mêmes de la société humaine, et nous en déduirons la vraie souveraineté.

CHAPITRE 1.

Principes de la société.

ART. 1. Les principes de la Société résultent de la nature de l'homme.

ART. 2. L'homme, considéré comme individu, est fait à l'image de son Créateur; il est triple et un Sensation -Sentiment Connaissance.

ART. 3. L'homme manifeste son existence par rapport à la nature et à ses semblables par un triple besoin, sans la satisfaction duquel l'homme est dans la souffrance.

ART. 4. Ce triple besoin de l'homme s'exprime par ces trois mots Propriété, Famille, Patrie.

ART. 5. L'homme n'est pas un être isolé, existant absolument et par lui-même. La vie de chaque homme est attachée à une communication incessante avec ses semblables. De la cette loi : L'homme satisfait son triple besoin de Propriété, de Famille, de Patrie, avec le concours de ses semblables. Cette loi est l'image sur la terre de la solidarité qui unit les hommes dans la pensée divine.

ART. 6. L'homme a droit à la Propriété, à la Famille, à la Patrie; mais tout homme a le même droit, car le droit de chacun implique le droit de tous, et de plus le droit de chacun a besoin pour s'exercer du concours de

tous.

ART. 7. Dans une société bien organisée, la Propriété

est le droit d'user d'une chose déterminée de la façon que la loi, faite par tous et pour tous, détermine

ART. 8. Dans une société bien organisée, la Famille est toujours la manifestation d'une union constante révélée à la société par le mariage.

ART. 9. Dans une société bien organisée, la Patrie ou Cité est une république; elle comprend tous les êtres humains, sans distinction; elle a pour dogme et pour but la Liberté, la Fraternité, l'Égalité.

CHAPITRE II.

Définition de la Société.

Nous venons de définir la Propriété, la Famille, la Patrie, ces trois besoins et ces trois droits de l'homme, et par conséquent de chaque homme. Définissons maintenant la Société.

ART. 10. L'homme a droit, et il ne vit pas sans la satisfaction de son droit; de là, pour lui, le devoir de travailler à cette satisfaction. Mais tous les hommes ont droit ensemble, et ne peuvent exercer leur droit les uns sans les autres; de là le devoir pour chacun de veiller à la satisfaction du droit de son semblable.

ART. 11. Le droit de mon semblable, en effet, est mon droit. Je proclame le sien en exerçant le mien. En proclamant son droit, j'accomplis mon devoir, qui n'est réellement que le respect du droit d'autrui. Et de même,

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