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révolution datait du 13 juillet; nous sommes au 18. Il faut avouer que c'était faire beaucoup de chemin en peu de temps.

Les gardes-françaises, dans un mémoire, se sont plaints de leurs officiers. Ils les ont accusés d'être les ennemis les plus perfides de la nation. L'assemblée a répondu qu'elle se concerterait avec M. de La Fayette, pour leur prouver l'estime que la commune faisait de leurs services et le prix qu'elle attachait à leur conservation. Il s'agissait de savoir comment la garde du roi, à Versailles, serait relevée le lendemain; cet objet fut encore renvoyé à M. de La Fayette. Mais un objet extrêmement important, parce qu'il intéressait le corps entier, à qui la ville de Paris avait tant d'obligations, ce furent des maladies graves dont plusieurs gardes-françaises furent atteints, et le soupçon répandu qu'ils avaient été empoisonnés. On nomma sur-le-champ des médecins et des chirurgiens pris dans l'assemblée, chargés de vérifier les faits et de constater le genre des maladies. Les commissaires revenus ont rendu compte qu'ils n'avaient trouvé qu'un seul garde-française malade, et que sa maladie, examinée attentivement dans tous ses symptômes, ne présentait aucun indice de poison. Voilà comme on cherchait à remuer le peuple, surtout à indisposer les gardes-françaises, et à soulever contre lui ses défenseurs. En voici un autre exemple. On arrêta au Palais-Royal un particulier

monté sur une chaise, environné d'une grande foule à laquelle il disait à haute voix : «< Qu'il venait de se présenter à l'Hôtel-de-Ville; qu'il l'avait trouvé fermé, entouré de voitures de nobles; qu'on avait, en sa présence, refusé l'entrée aux électeurs eux-mêmes; que cette conduite était suspecte, et qu'il fallait marcher à l'Hôtelde-Ville. » Que voulait-on par-là? agiter le peuple, l'enflammer, le faire se porter furieux à l'Hôtel-de-Ville, et, dans son erreur, y commettre des désordres qui devaient être utiles à des vues particulières. Cet homme fut envoyé au comité de police.

M. de La Fayette a rendu compte à l'assemblée de ce qu'il convenait de faire relativement à plusieurs objets qui lui avaient été renvoyés. Les soldats qui avaient quitté leurs régimens pour se rendre à Paris sous les drapeaux de la liberté, ont été autorisés à y rester, en leur donnant l'espérance de les incorporer dans la garde nationale. Les bagages arrêtés et saisis doivent être distingués en bagages généraux et en bagages particuliers. Les bagages généraux, comme canons, tentes, etc., doivent être conservés comme bonne prise; les bagages particuliers doivent être rendus à leurs propriétaires. Quant à la garde du roi, à Versailles, les gardes-françaises présens ayant affirmé que leurs camarades, au lieu de descendre demain la garde, consentiraient à la continuer encore toute l'autre semaine, l'assemblée arrêta que M. de La Fayette

enverrait, par un de ses aides-de-camp, l'ordre aux quatre compagnies actuellement de garde, de continuer le service toute la semaine suivante. On peut voir quelle était l'étendue du pouvoir que les circonstances avaient placé dans l'Hôtel-de-Ville de Paris. A la vérité, il n'y avait plus de colonel des gardes-françaises; mais il s'agissait de la garde du roi, et l'Hôtel-de-Ville donnait l'ordre, et lui seul pouvait le donner; et, dans ce moment de désorganisation générale, où tous les pouvoirs étaient suspendus, il était de l'intérêt public qu'il le donnât. Sans cet ordre, les gardes-françaises eussent quitté le château et le roi, comme ils ont fait depuis. Ces ordres dont on ne se reconnaît pas le pouvoir, n'en sont pas moins embarrassans à donner. Voilà une utilité des assemblées : un homme hésite, parce qu'il a une responsabilité et qu'il ne sait pas ce que l'avenir lui réserve pour le bien qu'il fait dans le présent; au lieu qu'une assemblée prend conseil du moment, fait le bien nécessaire, et ne craint point l'avenir, parce qu'elle n'a point de responsabilité.

Les soldats qui arrivaient successivement à Paris, pour devenir les défenseurs de la liberté, on les appelait déserteurs. On attribue cette réponse à M. de La Fayette : « Déserteurs ! les seuls déserteurs sont ceux qui n'ont point abandonné leurs drapeaux (1). »

(1) Cette réponse de M. de La Fayette est consignée dans les Révolutions de Paris, journal de Prudhomme. Suivant cette

Aujourd'hui même, le matin, M. Bessin, procureur au Châtelet, se rendit à l'Assemblée nationale; il y peignit la situation déplorable des ouvriers du faubourg St.-Antoine, et réclama des secours en leur faveur. Il offrit de l'or. La députation de Paris fut aussitôt assemblée par M. l'archevêque ; elle fit sur-le-champ, dans son sein, 45,000 liv., dont M. l'archevêque en donna 20,000 (1).

M. Bessin, revenu à Paris, m'apporta 25 louis que je remis sur-le-champ à la caisse de la ville. Ce M. Bessin, que je n'ai pas revu depuis, me parut une tête un peu vive; mais il fit une belle action. Il détermina des secours pour de braves gens qui avaient mérité et qui étaient dans le besoin.

Quatre de nos députés, M. le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, MM. Duport, Guillotin et Démeuniers, vinrent nous faire part de cet acte de bienfaisance de la députation. Elle désirait que cette somme fût employée au soulagement des pauvres de la capitale, et notamment de ceux du faubourg Saint-Antoine. J'y joignis dix louis; je n'étais pas en état de faire plus; ma fortune était aisée mais médiocre : j'en parlerai ailleurs. Le hasard a fait qu'au moment de la révolution j'avais huit à

feuille, elle fut faite le 19 juillet, à l'occasion de l'arrivée d'un régiment qui était à Meaux, et qui demandait des vivres. (Note des nouv. édit.)

(1) Suivant les Révolutions de Paris, cette somme de 45,000 fr. aurait été fournie, non par la seule députation de Paris, mais par toute l'Assemblée. (Note des nouv. édit.)

neuf mille francs, et cela, parce que j'avais à achever de liquider une succession, et divers paiemens à faire. Cet argent me servit à faire les dépenses de bienvenue qui sont assez considérables dans une place telle que la mienne. Mon principe a été : Faire du bien, et faire honneur à la place. J'ai dépensé conformément à ce principe, et j'ai alors fort exposé ma fortune.

L'exemple des députés de Paris fut suivi par les districts, par toutes les classes de citoyens. On donna des sommes assez fortes; les spectacles ouvrirent au profit des malheureux, et un comité a été chargé de dispenser ces secours.

M. C. D. V. (1) vint me dire que la veille, étant à Franconville, route de Pontoise, il avait vu passer une troupe de cavaliers, galopant à toutes jambes, et composée de plusieurs de nos princes et gens de la cour, les plus notés dans ce moment. Il me dit que, s'il avait eu du monde sous sa main, il les aurait fait arrêter. Je ne lui dis rien, mais je trouvai très heureux qu'il n'eût pas eu le moyen de le faire. J'aimais bien mieux que ces messieurs prissent la fuite, que d'être amenés à Paris. J'aime que justice soit faite, mais c'est justice éclairée et revêtue de toutes les formes qui la font reconnaître. Les délits envers la nation, de ceux des fu

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(1) Probablement M. Cadet de Vaux, propriétaire d'un bien à Franconville, et connu par une foule d'écrits utiles.

(Note des nouv. édit.)

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