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lorsqu'on a été instruit que le roi allait le lendemain à Paris, et qu'il invitait l'Assemblée de faire connaître cette résolution à sa bonne ville de Paris. On a nommé sur-le-champ une députation de douze membres pour Paris (1). Il a été arrêté, de plus, que le roi serait prié de permettre qu'une nombreuse députation l'accompagnât lors de son entrée à Paris. On eut le double motif et de faire honneur au roi, et de l'entourer des représentans de la nation, dans un moment où il serait sans autre garde. Cette précaution n'est pas offensante pour la ville de Paris. La fidélité de ses habitans était bien connue; mais elle pouvait n'être pas inutile dans des temps de trouble, où l'on ne pouvait se dissimuler que des brigands ne fussent mêlés aux bons citoyens. On a député au roi qui a accepté la députation nommée pour l'accompagner. C'est à ce moment que le roi a remis à M. de Vienne la lettre pour M. Necker, en priant l'Assemblée de se charger de l'envoyer à Bruxelles où il devait être encore; et c'est M. Dufrêne de SaintLéon qui en a été le porteur. C'est ici que doit être rapporté ce que j'ai dit plus haut à cet égard. Cent membres ont été nommés pour accompagner le roi.

(1) Cette députation n'arriva à Paris qu'à une heure ou deux après minuit à trois heures, les ordres furent donnés à tous les districts, et avant sept heures du matin, plus de cent mille citoyens, s'il faut en croire quelques historiens, étaient sous les (Note des nouv. édit.)

armes.

nerre,

Je vais dire ici ce qui s'était passé à Paris dans la journée. L'objet le plus important occupa, dès le matin, le comité permanent; MM. Target, Duport, de La Rochefoucauld, de Clermont-Tonde La Coste, de La Tour-Maubourg et M. de La Fayette. Il s'agissait d'ordonner la démolition de la Bastille, commencée dès la veille par le peuple, par conséquent d'une manière très-illégale. Il s'agissait de sanctionner cet acte populaire, ou plutôt de le faire émaner de l'autorité, afin qu'une multitude aveugle ne s'accoutumât pas à usurper et à exercer cette autorité. En conséquence le comité a pris l'arrêté suivant : « Le comité perma» nent établi à l'Hôtel-de-Ville, provisoirement >> autorisé jusqu'à l'établissement d'une munici» palité régulière, et librement formée par l'élec» tion des citoyens,

» A arrêté que la Bastille sera démolie sans » perte de temps, après une visite par deux archi»tectes chargés de diriger l'opération de la dé>>molition, sous le commandement de M. le >> marquis de La Salle, chargé des mesures néces»saires pour prévenir les accidens.

» Et pour la notification de la présente or>> donnance , quatre électeurs, auxquels deux >> députés de la ville de Paris à l'Assemblée natio» nale, actuellement présens à l'Hôtel-de-Ville, >> seront invités à se joindre, se transporteront >> sur-le-champ à la Bastille.

» Et sera, la présente ordonnance, lue, publiée

» et affichée. Signé Vergue, Rouen, Sageret, » échevins; Ethys de Corny, procureur du roi; Bou» cher, Fauchet, Tassin, du Veyrier, Nyon, » Bancal des Issarts, de Leutre, Legrand de Saint» Réné, Jeannin, électeurs; Veytard, greffier, »

On a mis en question si les députés à l'Assemblée nationale signeraient, et déjà même les signatures étaient apposées; mais on a pensé que n'ayant aucune espèce d'autorité dans Paris, ils ne pouvaient concourir à l'ordre donné de démolir la Bastille. Le comité était, joint au bureau de la ville , corps ordonnant dans Paris; il était composé des électeurs auxquels les districts avaient donné pouvoir d'administrer; c'en était assez pour ordonner, au nom de la loi, ce que la force du peuple avait commencé.

A l'égard de M. de La Fayette, on observa qu'étant subordonné à la puissance civile, il ne pouvait qu'exécuter les ordres mais ce qu'il y eut de bizarre, c'est que, par le procès-verbal, tome II, page 5, on le chargea de faire démolir, en conséquence de l'ordre donné à cet égard par le comité; comme si un commandant de troupes deyait diriger les ouvriers qu'il doit seulement protéger ; et ce qu'il y eut de plus bizarre encore, c'est que, voulant donner à cette destruction une grande solennité et une publicité qui pussent satisfaire tout à la fois et sur-le-champ tout le peuple, l'ordre de la démolition a été sur-le-champ proclamé par les trompettes de la ville dans la cour

de l'Hôtel, au nom de M. le marquis de La Fayette, commandant-général.

Je n'avais eu aucune part à cet ordre, mais il devait être publié, ou au nom du comité en corps, ou au mien, comme président du comité et chef de tout le pouvoir civil.

M. Legrand de Saint-Réné a dit que tous les préposés à l'administration des subsistances, intimidés, avaient disparu; que cette fuite interrompt toutes les opérations, et peut exposer la ville de Paris à la famine; que, dans cet abandon des choses, il devient indispensable d'envoyer sur-lechamp au Havre, à Rouen, aux moulins des environs, partout où il y a des dépôts de grains et de farines, achetés par le gouvernement, pour s'assurer de leur quantité et du temps de leur arrivée à Paris. Il a proposé l'établissement d'un comité des subsistances spécialement chargé de surveiller le départ, la marche, la distribution des blés dans les moulins, et l'arrivée des farines à la Halle. Ce comité a été à l'instant arrêté et composé de MM. Legrand de Saint-Réné, de Leutre, Boucher Gibert, Bancal des Issarts, Tassin, Buffault et Veytard ; on lui a donné pour local l'appartement de M. Veytard offert par lui-même. On a fait inviter M. de Montaran, intendant du commerce, et M. Doumer, chargé des achats du gouvernement en blés et en farines, de se rendre au comité et de l'aider de leurs lumières.

Sur la demande de M. de La Fayette, il a été

autorisé par le comité à écrire à tous les districts pour les inviter à envoyer, à l'Hôtel-de-Ville chacun un député destiné à former un comité militaire, qui, conjointement avec M. de La Fayette, rédigerait un plan d'organisation de la garde bourgeoise.

que

L'assemblée générale des électeurs s'étant formée, M. de Corny y a porté l'arrêté du comité sur la démolition de la Bastille, et en a demandé l'approbation par l'assemblée; et, après une discussion, l'assemblée a ordonné la Bastille serait démolie jusque dans ses fondemens: mais elle a voulu en même temps pourvoir à la sûreté des papiers qui y sont renfermés, et elle a nommé MM. Dusaulx, de Chamseru, Gorneau et Cailleau pour réunir ces papiers, les mettre dans un dépôt sûr; et elle a invité tous ceux qui pouvaient en avoir recueilli au moment de la prise de la Bastille, à les rapporter.

On a reçu une note venant de Versailles et de Оп l'Assemblée nationale, conçue en ces termes :

« L'Assemblée nationale jouit de la plus grande » liberté elle s'occupera sans relâche de la cons»titution du royaume. Mais pour qu'elle puisse y >> travailler sans interruption, et faire jouir plus tôt » ses commettans de la liberté publique, il est ab>> solument nécessaire que le calme soit maintenu » dans la ville de Paris. Signé MOUNIER, Secré»taire de l'Assemblée nationale. >>

Il avait été proposé précédemment dans l'assem

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