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63.

En ce qui concerne les grandes routes, ce droit est limité à certains égards par le droit de police de l'État.

Par grandes routes l'on entend les routes à charge de l'État ou des provinces et les routes concédées par ces pouvoirs(1). L'État est chargé de surveiller la construction de ces routes, de les élargir, de les améliorer, de les conserver. Il lui appartient aussi, en principe, de fixer la grande voirie, c'est-à-dire de déterminer les routes qui doivent être considérées comme faisant partie de cette voirie (2).

Par exception à cette règle, les conseils communaux, dans les villes et les parties agglomérées des communes. rurales, ont compétence pour fixer la grande voirie et pour arrêter des plans généraux d'alignement y relatifs; mais leurs délibérations sur ces objets doivent être soumises à l'avis de la députation permanente et à l'approbation du roi (art. 76, n° 7, de la loi comm.).

C'est le Roi qui représente l'État pour l'exécution des lois

(1) Décret des 6-7 sept. 1790, art. 6; décret du 16 déc. 1811; arr. royaux du 13 mars 1821; cass. 11 août 1851 (Pas. 1851-1-462); trib. corr. de Gand, 16 juillet 1858 (Belg. jud. 1858-1466).

(2) Loi des 6-7-11 sept. 1790, art. 6 : « L'administration, en matière de grande voirie, appartiendra aux corps administratifs, et la police de conservation, tant pour les grandes routes que pour les chemins vicinaux, aux juges administratifs.

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"Loi des 7-14 octobre 1790: « Sur les contestations survenues en plusieurs lieux et notamment entre le directoire du département de la Haute-Saône et la municipalité de Gray, l'assemblée nationale décrète : "Article I. L'administration, en matière de grande voirie, attribuée aux corps administratifs par l'article 6 du décret des 6-7 septembre sur l'organisation judiciaire, comprend, dans toute l'étendue du royaume, l'alignement des rues des villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes. »

"Décret du 22 décembre 1789- janvier 1790. Section III - art. 2: Les administrations de département seront encore chargées, sous l'autorité et l'inspection du roi, comme chef suprème de la nation et de l'administration générale du royaume, de toutes les parties de cette administration, notamment de celles qui sont relatives :

...

5o à

la conservation des propriétés publiques; 6° à celle des forêts, rivières, chemins et autres choses communes. »

concernant les grandes routes. Cette exécution implique la nécessité du pouvoir de réglementer et d'administrer.

Le pouvoir réglementaire du roi s'exerce par voie d'arrêtés. C'est de cette manière qu'il peut fixer le plan général d'alignement d'une route dans les cas non prévus par l'art. 76, no 7, de la loi communale.

Le roi exerce son pouvoir d'administration par l'intermédiaire du ministre des travaux publics, du corps des ponts et chaussées, et dans certains cas, de la députation permanente et du collège échevinal. Ces deux derniers corps ont seuls le droit de donner des alignements particuliers conformément aux plans généraux d'alignement. Mais ils ne jouissent d'aucun pouvoir réglementaire. L'article 90, no 7, de la loi communale et l'arrêté du 29 février 1836 leur attribuent simplement un pouvoir d'administration.

66. Le droit de veiller à la conservation des grandes routes emporte celui de prendre les mesures nécessaires, d'abord pour qu'il ne s'y commette ni anticipations, ni détériorations; ensuite pour que les travaux qui se font sur les terrains contigus aux grandes routes, ne puissent pas nuire à celles-ci.

Comment les règles que l'on vient de rappeler se concilient-elles avec celles qui fixent les attributions de police des conseils communaux? Il faut distinguer, selon qu'il s'agit de faits qui se produisent sur la route même, ou de faits qui s'accomplissent sur les propriétés riveraines.

§ 1. Faits qui se produisent sur les grandes routes et qui peuvent en compromettre la viabilité.

67.

Quelques-uns sont prévus par le Code pénal (art. 521 et 560, no 2), par les lois sur la police du roulage et par la loi du 29 floréal an X, relative aux contraventions en matière de grande voirie.

L'art. 1 de cette dernière loi range parmi ces contraventions les anticipations, les dépôts de fumier ou d'autres objets, et toutes espèces de détériorations commises sur les grandes routes, sur les arbres qui les bordent, sur les fossés, ouvrages d'art...

Les art. 521 et 560, n° 2, du Code pénal s'occupent de quelques-unes de ces contraventions; ils sont ainsi conçus :

« Art. 521. Quiconque aura détruit ou renversé par quelque moyen que ce soit, en tout ou en partie, des... ponts, chaussées... appartenant à autrui sera puni de la reclusion. >>

« Art. 560-2°. Seront aussi punis d'une amende de dix francs à vingt francs ceux qui, dans les lieux appartenant au domaine public de l'État, des provinces ou des communes, auront enlevé des gazons, terres, pierres ou matériaux, sans y être dûment autorisés. »

Il appartient au roi de faire les règlements de police nécessaires pour assurer la viabilité des grandes routes et, spécialement, de comminer les peines établies par la loi du 6 mars 1818 (art. 1) contre ceux qui commettent les contraventions de grande voirie mentionnées dans la loi du 29 floréal an X, et non réprimées soit par le Code pénal, soit par d'autres lois spéciales.

Mais lorsque les faits prévus par l'arrêté d'administration générale tendent non-seulement à nuire à la route, mais encore à y compromettre la sûreté ou la commodité du passage, les conseils communaux ont également le droit de les réglementer. Toutefois leurs ordonnances ne peuvent être contraires aux actes du pouvoir royal. Ainsi, le roi et les communes (1) sont, l'un et l'autre, compétents

(1) Cass. 30 mars 1868 (Pas. 1868-1-293). Rapp. M. Bonjean.

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pour ordonner la suppression des bornes faisant saillie sur la voie publique, mais l'ordonnance communale relative à cet objet ne peut pas, par exemple, accorder pour l'enlèvement un délai plus long que l'arrêté royal.

Les anticipations, dont parle l'article I de la loi du 29 floréal an X, bien que portant directement atteinte au domaine de la route, sont commises ordinairement à l'occasion d'ouvrages faits le long des routes. C'est pourquoi nous nous en occuperons spécialement dans le paragraphe suivant.

§ 2.

68.

-

Fails qui se produisent sur les terrains contigus aux grandes routes.

Ces faits sont dommageables pour la route, soit lorsqu'ils constituent une anticipation sur ses limites actuelles ou sur celles qui sont tracées par un plan général d'alignement, soit lorsqu'ils en compromettent la solidité ou la viabilité. Dans cette dernière catégorie rentrent les excavations ou autres travaux qui pourraient causer des éboulements, les constructions dont la chute donnerait lieu à des dégradations, les plantations trop rapprochées qui, par l'humidité qu'elles produisent ou qu'elles entretiennent, nuisent au bon état d'entretien de la route. Nous nous occuperons d'abord des faits qui concernent l'alignement, ensuite de ceux qui intéressent la viabilité des routes.

69. Alignement. La sécurité et la commodité de la circulation exigent, sans doute, que l'on empêche les particuliers d'anticiper sur la largeur des routes, ou, dans certains cas, que l'on pourvoie à l'élargissement de celles-ci en formant des plans généraux d'alignement. Il semblerait donc que ces objets dussent rentrer dans les attributions des conseils communaux aux termes de l'art. 3, no 1, du décret des 16-24 août 1790. Cependant l'on n'a jamais donné une pareille portée à cette disposition. De tout temps les ques

tions d'alignement ont été réglées par des lois spéciales. La législation contemporaine du décret de 1790, comme celle qui l'a suivi, n'ont cessé de considérer l'alignement comme une matière intéressant la conservation et l'amélioration des voies publiques, plutôt que la sécurité et la commodité du passage. C'est pourquoi, tout ce qui tient à l'alignement de la grande voirie a toujours été confié, non pas aux conseils communaux, mais à l'Etat, représenté par le Roi ou par d'autres corps ou fonctionnaires (1).

Toutefois, l'article 76, n° 7, de la loi communale permet aux conseils communaux de prendre l'initiative de la confection des plans généraux d'alignement de la grande voirie dans les villes et dans les parties agglomérées des communes rurales. Cette disposition est exceptionnelle, parce qu'elle fait intervenir les communes dans l'administration de la grande voirie. Elle est donc de stricte interprétation.

Il résulte de là que les communes ne peuvent pas, par des règlements de police, déterminer les cas dans lesquels l'alignement doit être réclamé. Cette matière a fait du reste l'objet de l'arrêté royal du 29 février 1836 et de l'article 90, n° 7, de la loi communale, qui sont ainsi conçus :

Arrêté royal du 29 février 1836: Art. 1. « Quiconque voudra construire, reconstruire, réparer ou améliorer des édifices, maisons, bâtiments, murs, ponts, ponceaux, aqueducs, faire des plantations ou autres travaux quelconques, le long des grandes routes, soit dans les traverses des villes, bourgs ou villages, soit ailleurs, devra préalablement y être autorisé par la députation des états de la province, se conformer aux conditions et suivre les alignements qui lui seront prescrits par ce collége, sauf les droits à une juste et

(1) Voir notamment l'art. I de la loi des 7-14 octobre 1790, à la page 73, note 2, ci-dessus.

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