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de la propriété riveraine, mais aussi en vue de la sûreté des habitants et de la commodité de la circulation, il entre dans les attributions du conseil communal de veiller à leur entretien et de mettre cet entretien à la charge du propriétaire riverain de la rue. »

Cet argument tiré de la généralité des termes de l'article 78 de la loi communale et de l'article 3, no 1, titre XI, du décret des 16-24 août 1790, confond une question de police avec une question d'administration et de travaux publics. L'entretien des trottoirs d'une voie publique et leur construction, de même que l'entretien et l'amélioration ou la reconstruction de la voie elle-même, bien qu'intéressant la commodité et la sûreté du passage, n'ont jamais été considérés comme des objets de police, mais comme des objets d'administration rentrant dans la catégorie des travaux publics. De tout temps, ils ont été réglés par des dispositions législatives spéciales. Certes, la police comprend le droit d'imposer, dans l'intérêt général, les restrictions les plus étendues à la liberté de la propriété et du travail, mais son empire ne va pas jusqu'à autoriser la substitution des particuliers aux corps administratifs pour l'exécution des travaux déclarés publics par la loi (1).

Si la doctrine de la cour de cassation était exacte, la commune pourrait imposer aux riverains, non-seulement l'entretien, mais encore la construction des trottoirs et même toute espèce de travaux de réparation et d'amélioration de la petite voirie et de la grande. De la grande, disons-nous, car la police communale agit sur toutes les voies publiques sans exception. Qu'est-ce qui empêcherait,

et d'un emprisonnement d'un à cinq jours, séparativement ou cumulativement, selon l'exigence du cas. "

(1) Comp. cass. fr. 12 octob. 1850 (DALLOZ, Rec. pér. 1850-V-420).

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dès lors, la commune, sous prétexte de pourvoir à la sûreté et à la commodité du passage sur une route de l'Etat ou de la province, d'imposer aux riverains l'obligation de paver cette route ou de réparer le pavage existant? Rien ne s'y opposerait dans le système de la cour de cassation, et cette conséquence même prouve que ce système est inadmissible. 36. Comme nous l'avons fait remarquer, la question examinée ci-dessus n'a rien de commun avec le point de savoir s'il est permis à la commune qui a exécuté ou qui veut exécuter à ses frais certains travaux de voirie, de se faire rembourser la dépense par les riverains de la voie qui a profité des travaux. Cette obligation est imposée, non pas à titre de mesure de police, mais à titre d'impôt, et la légalité de cet impôt est incontestable.

La Constitution ne défend pas à la commune, lorsqu'une dépense a été faite par elle ou lui incombe en vertu de la loi, de la faire supporter à titre d'impôt par une catégorie de ses habitants. Il n'y a là aucun privilége; car l'impôt frappe toutes les personnes qui, dans une commune déterminée, se trouvent dans les mêmes conditions. C'est avec raison que, partant de ce principe (1), la cour de cassation a décidé qu'il n'y avait pas de contravention à l'article 112 de la Constitution dans la délibération d'un conseil communal statuant que « les autorisations de bâtir dans les rues qui auront été ouvertes, prolongées ou élargies, seront délivrées aux propriétaires riverains sous la condition de verser dans la caisse communale, pour pourvoir tant aux déboursés faits par la commune qu'aux frais de construction et l'entretien des trottoirs, les sommes qui sont reprises aux tarifs. »

(1) Cass. 11 décembre 1869. (Pas., 1870-1-39). Rapp. M. De Longé.

M. Montigny (1) combat cette doctrine au moyen de deux arguments. Le premier, c'est que les frais de construction et d'entretien des trottoirs sont, d'après la loi, à la charge de la commune et qu'on ne peut, dès lors, les imposer à quelques membres de la communauté. Le second, c'est que, dans la pratique, les impôts dont il s'agit ici sont proportionnés, en règle générale, à la largeur des façades : cette base, dit M. Montigny, est inique, puisqu'elle ne tient compte ni de l'étendue, ni de la valeur des propriétés riveraines de la voie publique, ni de la largeur des rues et des trottoirs, et que, dès lors, elle est contraire au principe qu'il ne peut être établi de privilége en matière d'impôts.

Au second argument on peut répondre que si le tarif de l'impôt donne lieu à des inégalités de fait, l'autorité administrative supérieure est seule compétente pour les constater et pour y obvier. Quant aux tribunaux, ils ont simplement à examiner si le tarif n'établit pas des priviléges, c'est-àdire des inégalités de droit. Or, lorsque le montant de l'impôt doit se déterminer, dans chaque cas particulier, d'après un tarif uniforme, et que celui-ci n'admet point d'exceptions, on ne peut reprocher à ce tarif de créer des priviléges, quelles que soient les inégalités de fait auxquelles il conduit.

Le premier argument de M. Montigny n'est pas plus admissible. La commune qui décrète des travaux de voirie devant profiter spécialement à certains contribuables, et qui,

(1) MONTIGNY. De l'illégalité des règlements communaux qui imposent aux propriétaires riverains des rues l'obligation de contribuer dans les frais d'établissement du pavé, des trottoirs et des égouts. Gand, Hoste, 1863. La doctrine de M. Montigny a été accueillie par un jugement du tribunal correctionnel de Bruges du 2 août 1873; mais ce jugement a été cassé le 3 octobre 1873. (Pas. 1873-1-332).

pour faire face aux frais d'exécution, frappe ces contribuables d'un impôt, ne contrevient nullement aux lois qui mettent ces frais à sa charge. C'est elle-même, dans ce cas, qui pourvoit à la dépense, au moyen de deniers pris dans sa caisse. Elle jouit du reste, comme on vient de le voir, de la liberté la plus complète dans le choix de l'impôt destiné à lui procurer ces deniers. Libre à elle d'établir un impôt général, ou un impôt spécial n'atteignant qu'une catégorie déterminée de personnes. De ce que certaines dépenses sont à sa charge, il ne suit point qu'elle doit se procurer les fonds destinés à y pourvoir au moyen d'un impôt exigé de la généralité de ses habitants.

57. Les considérations qui précèdent sont étrangères au cas prévu par l'article 1 de la loi du 1er février 1844. Cette disposition statue que « Les rues, ruelles, passages et impasses établis à travers les propriétés particulières, et aboutissant à la voie publique, dans les villes ou dans les portions agglomérées de communes rurales de deux mille habitants et au-dessus, sont considérés comme faisant partie de la voirie urbaine... >>

Rien n'empêche la commune d'obliger les propriétaires de ces chemins à les entretenir et à les réparer: la disposition de l'article 3, no I, tit. XI, de la loi des 16-24 août 1790 est applicable ici dans toute sa généralité, attendu que l'article 131, no 19, de la loi communale ne concerne que les travaux faits en vue de la viabilité des voies publiques appartenant à la commune.

58.

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La commune ne peut, sous prétexte de garantir la sûreté et la commodité du passage, interdire l'usage auquel les voies publiques sont affectées d'après leur destination. Un arrêté royal du 8 avril 1853 (1) a annulé avec

(1) Voir cet arrêté dans la Revue de l'administration, II, p. 402.

raison, comme entravant la circulation sur une partie de la grande voirie, un règlement communal statuant que tous chariots et voitures de minerai de fer provenant de certaines localités ne pourraient entrer en ville que par une seule porte, et traçant l'intinéraire à suivre par ces voitures.

La cour de cassation (1) a formulé en ces termes le principe qui régit cette matière : « Les chemins publics sont, par leur destination naturelle, affectés, dans toute leur largeur, à la circulation des hommes, des animaux et des voitures, sans distinction entre la partie des dits chemins qui forme l'accotement et celle qui est pavée et empierrée. »

D'autre part, cette même cour (2) a reconnu la légalité d'une ordonnance de police communale défendant de circuler avec chevaux et bestiaux sur les trottoirs qui bordent la grande route dans la traverse d'une commune.

Cette décision n'est point inconciliable avec le principe que l'on vient de rappeler; car les trottoirs sont destinés seulement à la circulation des piétons.

Mais la construction de trottoirs a pour effet de restreindre la circulation sur la voie où on les établit, de modifier la destination de celle-ci sur une partie de sa largeur; elle est donc un acte d'administration, et non point de police, et, dès lors, l'autorité chargée de l'administration de la voie est seule compétente pour y faire établir des trottoirs. Le règlement communal défendant de circuler avec chevaux et bestiaux sur les trottoirs bordant une route de l'État dans la traverse d'une commune, ne serait donc obligatoire que si les trottoirs avaient été construits par ordre ou avec l'autorisation du gouvernement.

(1) Cass. 16 novembre 1869. (Pas. 1870-1-262). Rapp. M. Hynderick. (2) Cass. 30 août 1833. (Pas. 1833-1-148). Rapp. M. Des werte. Comp., dans le même sens (décision virtuelle), cass. 31 janvier 1876. (Pas. 1876-1-89). Rapp. M. Bonjean.

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