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eût dû être exprimée d'une manière d'autant plus formelle qu'elle aurait pour résultat de rendre inapplicables, à une ou plusieurs rues d'une ville, les mesures de police jugées indispensables dans l'intérêt de la circulation, ce qui serait contraire à la bonne administration locale que le législateur a toujours cherché à favoriser.

La jurisprudence française a adopté la même doctrine en ce qui concerne les routes départementales et la grande voirie en général (1), ainsi que les quais des rivières (2).

39. Un arrêt de la cour de cassation de France (3) décide qu'on ne saurait voir dans la loi du 29 floréal an X, relative aux contraventions en matière de grande voirie, aucune dérogation aux lois sur la police intérieure des villes, et que ces lois, loin d'être inconciliables, ont pour objet de faire cesser des encombrements nuisibles au bon état des routes et à la libre circulation dans les rues, les quais et les places des villes. L'arrêt conclut de là que les dépôts faits sur un quai existant dans une commune, et prolongeant un chemin de halage, peuvent constituer une double contravention, et donner lieu, soit à une poursuite devant le tribunal de simple police, s'ils sont qualifiés de contravention aux lois sur la police urbaine, soit à une poursuite devant le conseil de préfecture, s'ils sont qualifiés de contravention aux lois ou aux règlements sur la grande voirie. Mais il faut remarquer que la juridiction des conseils de préfecture n'existe plus en Belgique.

(1) Cass. 24 août 1848 (DALLoz, Rec. Pér. 1851-1-551). Cons. d'Etat 7 janvier 1849 et 4 mai 1854 (DALLOZ, Rec. Pér. 1850-III-22 et 1854-III-65). (2) Cass. 3 octobre 1851 (DALLOZ, Rec. Pér. 1851-1-304) et 3 mars 1854 (DALLOZ, Rec. Pér. 1854-V-469). Voir toutefois, en sens contraire, l'arrêt isolé de la cour de cassation de France du 24 février 1827, rapporté dans DALLOZ, Rép. V° Commune, no 1073, en note.

(3) Cass. 3 octobre 1851 (Dalloz, Rec. Pér. 1851-1-304).

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40. Les quais sont affectés spécialement à l'embarquement et au débarquement des personnes et des marchandises. Ils exigent en général des ouvrages d'appropriation modifiant considérablement la nature du fonds, et leur établissement a pour effet de priver le propriétaire du sol sur lequel on les construit, de toute la jouissance de ce sol; ils ne peuvent donc exister sur un fonds privé qu'en suite d'une expropriation. L'article 3, no 1, titre XI, du décret du 16-24 août 1790 les range expressément parmi les voies soumises à la police municipale.

Les chemins de halage sont affectés à la traction des bateaux et à tous les autres services de la navigation; ils permettent, en outre, au public d'user des fleuves et des rivières selon ses besoins (1). Mais leur établissement n'entraîne qu'une servitude d'utilité publique : le riverain, propriétaire du fonds, en conserve le domaine et toute la jouissance compatible avec l'exercice de la servitude (2).

41. Les chemins de halage constituent, aussi bien que les quais, des voies publiques, bien qu'ils soient, comme eux, affectés à une circulation et à des usages d'une nature spéciale. Ils rentrent dans la généralité des termes de l'article 3, no 1, tit. XI, du décret de 1790. Les motifs qui justifient le droit de police des conseils communaux relativement aux quais, existent également en ce qui concerne les chemins de halage. La sûreté des personnes qui se servent de ces chemins n'est-elle pas, en effet, intéressée au plus haut point à ce qu'ils soient éclairés la nuit, nettoyés quand il le faut, débarrassés de ce qui les encombre etc.?

(1) Cass. 8 décembre 1849 (Pas. 1850-1-133). Institutes, liv. II, tit. I, §§ 4 et 5; Digeste, liv. 43, tit. 14. Ut in flumine publico navigare liceat § 8, in fine.

(2) Cass. 29 février 1836 (Pas. 1836-1-200) et DALLOZ, Rép., vis Voirie par eau, nos 110 et suiv.

Sans doute ces mesures pourront avoir pour effet d'imposer des restrictions à l'exercice du droit de propriété des riverains; mais tant qu'elles n'excèdent pas les droits de la police elles n'établissent que des servitudes légales et ne donnent pas lieu à indemnité (1). Cependant la commune ne pourrait paver un chemin de halage ou y bâtir des murs de quai, sans avoir acquis la propriété du fonds, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation (2); ce ne sont plus là, en effet, des actes de police, mais des actes d'administration que l'autorité peut faire seulement lorsqu'elle est propriétaire du sol.

42.

On a vu que la commune tient ses attributions de police d'une délégation expresse de la loi, qu'elle est indépendante dans l'exercice de ces attributions, et de l'Etat, et de la province, et que ceux-ci ne peuvent réglementer les matières qui lui ont été spécialement déférées. On a vu encore que cette règle souffre exception lorsqu'une loi spéciale a conféré à l'Etat ou à la province la police de tel ou tel objet soumis en même temps à la police municipale (voir plus haut les n° 8, 9, 10). La coexistence de ces deux polices n'entraîne pas alors l'absorption de l'une par l'autre; elles opèrent chacune de leur côté, tant qu'elles ne sont pas en contradiction l'une avec l'autre; si cette contradiction vient à se produire, la police communale doit céder le pas à la police générale ou provinciale. (Art. 78 § 2 loi comm.)

Ces principes reçoivent de nombreuses applications en matière de voirie.

(1) Arg. de l'article 544 du Code civil.

(2) Voir, en ce sens, DALLOZ, Rép., Vis Voirie par eau, no 117. Les chemins de halage sont du reste, en règle générale, des dépendances de la grande voirie dont l'administration appartient à l'Etat. (Loi du 29 floréal an X, art. I. Comp. Cass. 29 juin 1876. (Pas. 1876-1-318.)

Ainsi, la loi du 10 avril 1841 (art. 32), en attribuant à l'autorité provinciale la police des chemins vicinaux, n'a pas dépouillé les communes du droit de police qui leur appartient sur ces chemins en vertu du décret des 16-24 août 1790; mais toutes les fois que le règlement de police de la commune est en opposition avec celui de la province, le premier est entaché de nullité, et, lors même qu'il aurait été légal dans le principe, il serait abrogé de plein droit par un règlement provincial statuant en sens contraire.

Ainsi encore, un règlement communal pourra obliger les riverains des chemins de halage à les nettoyer en temps de neige, ou à les éclairer la nuit, pourvu que le mode d'éclairage soit compatible avec les dispositions du règlement d'administration générale concernant ces chemins.

Cette doctrine est conforme à la jurisprudence de la cour de cassation.

Par un arrêt du 27 juillet 1868 (1), elle a reconnu aux conseils provinciaux le droit de défendre aux riverains d'un chemin vicinal d'établir le long de la voie des fosses à fumier ou, en général, tout ce qui pourrait compromettre la circulation. Elle fonde ce droit sur les articles 32 et 37 de la loi du 10 avril 1841. D'un autre côté, dans un arrêt du 3 mai 1869 (2), elle admet que les conseils communaux ont le droit, en vertu du décret des 16-24 août 1790, d'assujettir les mêmes riverains aux mesures de police que commande la salubrité publique. Enfin, dans un arrêt du 17 octobre 1853 (3), elle s'occupe d'un cas où la police communale est en conflit avec celle de l'Etat. Il s'agissait d'un règlement communal de Molenbeek St. Jean défen

(1) Pas. 1869-1-162. Rapp. M. Pardon.
(2) Pas. 1869-1-363. Rapp. M. Pardon.
(3) Pas. 1853-1-460. Rapp. M. Lefebvre.

dant de décharger, après une certaine heure, des voitures de chaux sur la voie publique, disposition qui s'appliquait au quai du canal de Charleroi. Or, un arrêté royal postérieur avait permis de décharger sur ce quai tous les bateaux y stationnant pendant les heures de navigation, c'est-à-dire même après l'heure fixée par le règlement. L'arrêt décide que le règlement a été tacitement abrogé par l'arrêté royal. -Les règles que l'on vient de rappeler sont étrangères aux chemins de fer.

43

Ce sont là des voies publiques que le législateur n'a pas pu avoir en vue en 1790, et qui sont du reste soumises à des dispositions de police spéciales (1).

44.

Le décret des 16-24 août 1790 s'applique-t-il aux rues, ruelles, passages et impasses établis à travers les propriétés particulières?

L'affirmative est certaine dans tous les cas où, d'après la loi du 1er février 1844, ces voies sont, pour ce qui regarde la police, assimilées à la voirie urbaine (2).

Aussi la cour de cassation a-t-elle décidé qu'un règlement communal peut mettre à la charge des propriétaires, l'éclairage des impasses alors même qu'elles sont établies à travers les propriétés particulières (3). « Considérant, dit-elle, que les impasses aboutissant à la voie publique, alors même qu'elles sont établies à travers les propriétés particulières, sont considérées par la loi du 1er février 1844

(1) Comp. cass. 22 mai 1871 (Pas. 1871-1-316). Rapp. M. Beckers. (2) L'article I § I de cette loi est ainsi conçu : « Les rues, ruelles, passages et impasses, établis à travers les propriétés particulières. et aboutissant à la voie publique, dans les villes ou dans les portions agglomérées des communes rurales de deux mille habitants et audessus, sont considérés comme faisant partie de la voirie urbaine. »

(3) Cass. 23 février 1874 (Pas. 1874-1-163). Rapp. M. Corbisier de Méaultsart. Comp. cass. 17 juin 1861 (Pas. 1861-1-339), et cass. 28 mars 1848. (Pas. 1848-1-163).

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