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obligatoire, que les corps municipaux ne peuvent réglementer que les objets de police prévus par le décret de 1790.

2. Les dispositions que nous venons de rappeler s'appliquent-elles aux campagnes?

Henrion de Pansey (1) a soutenu la négative. « Si la loi du 14 décembre 1789, dit-il, confie à l'autorité des officiers municipaux le soin de maintenir une bonne police dans l'intérieur des communes, le Code rural, disposant dans l'intérêt des campagnes, s'exprime bien différemment. Il dit, et rien de plus : La police des campagnes est spécialement sous la juridiction des juges de paix et des officiers municipaux. Ainsi, le Code rural ne place pas la police des campagnes sous l'autorité des corps municipaux, mais, ce qui est bien différent, sous leur juridiction, c'est-à-dire qu'il leur donne le droit d'appliquer les règlements qui concernent la police rurale, mais non celui d'en faire; et même cette juridiction n'a pas tardé à leur être enlevée, d'abord provisoirement par la loi du 20 messidor an III, et définitivement par le Code des délits et des peines; de manière qu'aujourd'hui les municipalités n'ont sur les campagnes ni la police réglementaire, ni la police contentieuse, et qu'il ne leur reste à cet égard qu'un droit de surveillance, qui se concentre dans la personne des maires et des adjoints en leur qualité d'officiers de police judiciaire....

«Quelle est donc, se demande ensuite Henrion de Pansey, l'autorité investie du droit de régler la police des campagnes ? En général, et sauf les cas nominativement exceptés par des lois positives, cette autorité, c'est la puissance législative. »

On a, avec raison, repoussé cette doctrine. Les lois des

(1) Des biens communaux et de la police rurale et forestière. Liv. II, chap. II.

14 décembre 1789, art. 50, 16-24 août 1790, tit. XI, art. 3 et 4, 19-22 juillet 1791, tit. I, art. 46, ne distinguent pas entre les villes et les campagnes. En ce qui regarde spécialement les art. 3 et 4, tit. XI, de la loi de 1790, la plupart de leurs dispositions sont de nature à pouvoir être appliquées partout. Il y a plus. Après avoir énuméré dans les art. 3 et 4 les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, cette loi ajoute (art. 5): « Les contraventions à la police ne pourront être punies que de l'une de ces deux peines, ou de la condamnation à une amende pécuniaire, ou de l'emprisonnement par forme de correction pour un temps qui ne pourra excéder trois jours dans les campagnes et huit jours dans les villes dans les cas les plus graves (1). »

Peut-on montrer plus clairement que les art. 3 et 4 visent les campagnes aussi bien que les villes? Si ces dispositions étaient générales, le Code rural ne leur a point enlevé cette portée. Tel n'était point son but. Il a prévu quelques délits propres aux campagnes; il n'a point voulu toucher aux lois organiques réglant les attributions des municipalités. Quant à la disposition de ce code invoquée par Henrion de Pansey, elle est sans signification au débat; elle se borne à rappeler un principe déjà consacré par l'art. I, tit. XI, du décret de 1790 qui est ainsi conçu :

Les corps municipaux veilleront et tiendront la main, dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et règlements de police et connaîtront du contentieux auquel cette exécution pourra donner lieu. »

(1) Lorsqu'on publia en Belgique les art. 3-5, tit. XI, du décret de 1790, l'on retrancha de l'art. 5 les mots qui figurent en italiques au texte. Mais cette suppression a eu simplement pour but d'adoucir les pénalités; elle n'a pu avoir pour effet de restreindre la portée que les art. 3 et 4 avaient primitivement.

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3. L'art. 9, tit. II, du Code rural est ainsi conçu : Les officiers municipaux veilleront généralement à la tranquillité, à la salubrité et à la sûreté des campagnes. »

Cette disposition étend-elle le droit de réglementation des corps municipaux à des objets non prévus par le décret de 1790? Les autorise-t-elle, par exemple, à édicter des ordonnances de police tendant à assurer la conservation des fruits des campagnes?

Oui, dit la cour de cassation (1); mais nous ne croyons pas que cette doctrine soit fondée. Cela semble certain en Belgique. En effet, le décret de 1790 a été publié dans notre pays postérieurement au Code rural (2). Donc, lors même que ce code aurait conféré aux corps municipaux un pouvoir de réglementation spécial à l'égard des campagnes, encore aurait-il, sous ce rapport, été virtuellement abrogé par les art. 3 et 4, tit. XI, du décret de 1790 combiné avec l'art. 46, tit. I, de la loi des 19-22 juillet 1791. Il résulte en effet de la combinaison de ces articles que, dans les campagnes comme dans les villes, ce pouvoir est le même et qu'il est restreint aux objets prévus par le décret de 1790.

La doctrine de la cour de cassation ne nous paraîtrait pas plus fondée si chez nous, comme en France, le Code rural avait été publié après les décrets des 16-24 août 1790 et des 19-22 juillet 1791. Car le titre II de ce code n'a rien de commun avec le pouvoir réglementaire établi par les décrets de 1790 et de 1791.

Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner le contenu du

(1) Cass. 3 décembre 1860 (Pas., 1861-1-54.). Rapp. M. Joly. L'arrêt décide la question virtuellement.

(2) Les titres 1 et 2 du Code rural et la loi des 19-22 juillet 1791 ont été publiés en Belgique par un arrêté du 24 frimaire an IV; le tit. XI du décret de 1790 a été publié par un arrêté du 7 pluviôse

an V.

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titre II. Les art. I à 8 règlent la compétence et établissent quelques principes généraux en matière de peines et de responsabilité. Les art. 9 à 44 définissent des délits spéciaux en fixant la peine applicable à chacun d'eux. Tout cela est dans l'ensemble complètement étranger au pouvoir réglementaire des municipalités.

Dans deux dispositions, l'art. I et l'art. 9, il est question des officiers municipaux. Ils sont considérés comme juges répressifs dans l'art. I, et, dans l'art. 9, comme officiers. de police chargés de l'exécution des lois. L'art. 9 est ainsi conçu : « Les officiers municipaux veilleront généralement à la tranquillité, à la salubrité et à la sûreté des campagnes : ils seront tenus particulièrement de faire, au moins une fois par an, la visite des fours et cheminées de toutes maisons et de tous bâtiments éloignés de moins de cent toises d'autres habitations ces visites seront préalablement annoncées huit jours d'avance. Après la visite, ils ordonneront la réparation ou la démolition des fours et des cheminées qui se trouveront dans un état de délabrement qui pourrait occasionner un incendie ou d'autres accidents : il pourra y avoir lieu à une amende au moins de 6 livres et au plus de 24 livres. »

Le principe établi en tête de cet article ne concerne que la surveillance des campagnes et non pas le droit de faire des règlements de police. Ce qui le prouve, c'est l'application que l'article fait lui-même de ce principe à la visite des fours, etc.; c'est que lui-même ne voit dans l'obligation de veiller à la tranquillité, la salubrité, la sûreté des campagnes que le devoir de surveiller, d'exécuter la loi, d'appliquer la peine qu'elle prononce.

Si le Code rural avait voulu conférer aux officiers municipaux un droit spécial de réglementation à l'égard des campagnes, il aurait indiqué les peines qu'ils pouvaient

comminer pour sanctionner leurs règlements. Or, il est muet sur ce point.

D'autre part, l'art. 46, tit. I, de la loi des 19-22 juillet 1791 établit en règle absolue qu'aucun corps municipal ne pourra faire de règlements. Il n'excepte que le droit de faire des arrêtés pour l'exécution des art. 3 et 4, tit. XI du décret de 1790 et pour la publication à nouveau des lois et règlements de police. Le Code rural a-t-il introduit une nouvelle exception à la règle pour le cas où il s'agit de veiller à la sûreté, à la tranquillité, à la salubrité des campagnes? On ne saurait l'admettre qu'en présence d'un texte formel qui ne se rencontre ni dans ce code ni ailleurs.

Enfin, l'on ne doit pas supposer que le législateur après avoir, en août 1790 et juillet 1791, défini avec tant de soin le pouvoir réglementaire des corps municipaux, tant pour les campagnes que pour les villes, ait ensuite, par une formule vague telle que celle de l'art. 9, titre II, du Code rural, accordé aux municipalités des campagnes un pouvoir réglementaire en quelque sorte illimité.

4. La Loi fondamentale des Pays-Bas ne s'occupe point spécialement du droit de police des corps municipaux. Son art. 155 statue comme suit Les administrations : « locales ont la direction pleine et entière, telle qu'elle est déterminée par les règlements, de leurs intérêts particuliers ou domestiques: les ordonnances qu'elles font à ce sujet sont adressées par copie aux états de la province et ne peuvent être contraires aux lois ou à l'intérêt général... »

Ces intérêts particuliers ou domestiques comprenaient-ils les objets de police confiés à l'autorité des corps municipaux par les lois révolutionnaires? L'affirmative résulte de la loi du 14 décembre 1789, art. 50, qui place parmi les fonctions propres aux corps municipaux le soin de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police.

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