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consacre la liberté des cultes et celle de leur exercice public, et il a été reconnu dans les discussions qu'aucune loi ne pourrait entraver cet exercice; dès lors, il n'est pas possible que ni l'article 19 de la Constitution, ni l'article 94 de la loi communale visent les rassemblements religieux (1).

(1) Voir, en ce sens, LAURENT, l'Église et l'État. Troisième partie. La Révolution, p. 343 et, en sens contraire, Liége, 4 août 1877 (Pas. 1877-11-337).

L'arrêt précité de la cour de Liége définit en ces termes la portée de l'art. 14 de la Constitution :

« Attendu que, dans le système des appelants, l'art. 14 de la Constitution, qui garantit la liberté et l'exercice public des cultes, s'oppose à toute mesure préventive, de quelque nature qu'elle soit et de quelque autorité qu'elle émane; qu'ils en tirent la conclusion que les lois de police ne peuvent être appliquées dès qu'il s'agit d'un acte du culte, et qu'ils en trouvent la preuve dans les discussions qui ont précédé l'adoption de l'art. 14; »

« Attendu que les débats auxquels cet article a donné lieu, à l'exception d'une énonciation sur laquelle la discussion ne s'est pas arrêtée, n'ont pas un rapport direct avec la question telle qu'elle est posée devant la cour; que le Congrès ne s'est pas occupé des mesures de police locale qui pourraient être prises à l'occasion de l'exercice des cultes sur la voie publique, mais que sa principale préoccupation a été de réagir contre les abus auxquels avait donné lieu l'application de l'art. 193 de la Loi fondamentale; "

« Attendu, en effet, que le projet primitif de la Constitution permettait à la loi d'intervenir pour le cas où l'exercice des cultes troublerait l'ordre et la tranquillité publique ; que cette disposition, conforme à la Loi fondamentale, paraissait devoir réunir la majorité de l'assemblée, lorsqu'un message de l'archévêque de Malines vint modifier la manière de voir du Congrès; "

« Attendu qu'à la suite de cette protestation qui faisait remarquer que, si l'article était adopté, on pourrait, par une loi, empêcher l'exercice public du culte par tout le pays, et fermer des églises et des chapelles, le projet fut vivement combattu par plusieurs orateurs, dont l'opinion est résumée dans les paroles prononcées par M. de Theux qui disait : « La loi ne peut empêcher l'exercice d'un culte; car si les ministres d'un << culte occasionnaient, par des processions, des troubles en certains lieux << et en certaines circonstances, on pourrait défendre indéfiniment et « même dans tout le royaume les processions et autres actes semblables. « C'est une faculté exorbitante. » »

"Attendu que l'art. 14 a été voté à la suite de cette discussion, qui doit servir de base à son interprétation; qu'il faut en conclure que la loi ne peut, en aucun cas, interdire l'exercice public des cultes, même hors des

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Cet argument conduit à des conséquences inadmissibles. Car si l'article 14 proclame la liberté des cultes et celle de leur exercice public, il consacre au même titre la liberté de manifester ses opinions en toute matière. L'une de ces libertés a absolument la même étendue que l'autre. Cela résulte du texte de l'article 14 qui les met sur la même ligne; cela résulte encore des discussions auxquelles cet article a donné lieu.

En effet, le projet soumettait ces deux libertés à des principes différents. Après les avoir traitées sur un pied d'égalité dans l'article 10 qui disait : « La liberté des cultes et celle des opinions en toute matière sont garanties, » il restreignait, dans l'article suivant, la liberté des cultes seulement. L'exercice d'aucun culte, disait l'article 11, ne peut être empêché qu'en vertu d'une loi et seulement dans les cas où il troublerait l'ordre et la tranquillité publique. »

temples; que semblable interdiction ne peut non plus être prononcée par un règlement de police statuant par une disposition générale et permanente, tendant à supprimer indéfiniment dans une commune une cérémonie du culte; mais que rien ne permet de supposer que le législateur ait voulu l'abrogation complète des lois de police, destinées à maintenir le bon ordre, lois dont l'existence est reconnue par le § 2 de l'art. 19; " «Attendu que les motifs invoqués dans les discussions de l'art. 14 n'existent plus lorsqu'une ordonnance de police, prise d'urgence pour la protection de l'ordre, interdit provisoirement des rassemblements occasionnés sur la voie publique par l'exercice d'un culte; que semblable mesure ne porte pas une atteinte réelle à la liberté, et que si l'on peut supposer que, dans un cas isolé, un abus pourrait se produire, la loi communale permet à l'autorité supérieure de le faire cesser immédiatement, sous le contrôle du pouvoir législatif investi du droit d'annuler en tout temps les actes contraires aux lois ou qui blesseraient l'intérêt général (art. 87 de la loi comm.); "

Attendu qu'en l'absence d'un texte formel, on ne peut prêter aux auteurs de la Constitution l'intention d'avoir voulu désarmer complétement l'autorité communale, responsable du maintien de l'ordre, et livrer ainsi les rues et les places publiques aux ministres des différents cultes, en leur donnant le pouvoir absolu d'y organiser des manifestations religieuses, la nuit, en temps d'épidémie et d'émotion populaire, au mépris des exigences du repos des citoyens, de l'hygiène et du bon ordre..."

Or, les catholiques du Congrès, ainsi que M. Van Meenen, répudiaient cette exception; ils reprochaient au projet d'avoir établi un privilége contre le culte catholique (1); ils réclamaient le droit commun pour les cultes comme pour les opinions, le droit, pour les uns comme pour les autres, de se manifester en public par des signes extérieurs. Et c'est là-dessus que le Congrès adopta l'amendement de M. Van Meenen, qui correspond à l'article 14 de la Constitution.

L'article 14 accorde donc à la liberté de manifester ses opinions en toute matière les mêmes droits qu'à la liberté des cultes. Mais, dès lors, s'il fallait conclure de l'article 14 que l'article 19 ne s'applique pas aux rassemblements religieux, il faudrait également en conclure que ce même article 19 est étranger à tous autres rassemblements ayant pour but la manifestation d'une opinion quelconque.

Il ne se trouvera personne pour accepter, ni cette conséquence, ni le prétendu principe d'où elle dérive (2).

(1) Voir HUYTTENS, Discussions du Congrès national en Belgique, I, p. 574.

(2) Voir, sur la constitutionnalité des arrêtés Piercot, une étude publiée, en 1875, par M. J. G. Macors, aîné, professeur à l'Université de Liége (Imprimerie H. Vaillant-Carmanne). Cette étude porte le titre suivant La question de la constitutionnalité des arrêtés préventifs interdisant provisoirement les processions jubilaires. Voir encore la Plaidoirie de Me Dupont. Affaire Piercot contre l'évêque de Liége. · Imprimerie de J. Desoer, 1876.

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SECTION IV.

RÈGLEMENTS SUR LA SONNERIE DES CLOCHES.

170. cloches.

171-172.

SOMMAIRE.

Les conseils communaux peuvent réglementer la sonnerie des

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- Explication de l'art. 48 de la loi du 18 germinal an X. 173. Cet article a virtuellement enlevé aux conseils communaux le droit de réglementer la sonnerie des cloches des paroisses et succursales du culte catholique.

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170.

Cloches des couvents, fabriques, etc.

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Du droit appartenant aux conseils communaux de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la tranquillité publique ne soit troublée, dérive celui de réglementer la sonnerie des cloches et de sanctionner les ordonnances faites sur cet objet par des peines de police (art. 3, n° 2, tit. XI. L. 16-24 août 1790 et art. 78, loi comm.).

171. Ce droit de police était absolu sous l'empire du décret des 16-24 août 1790; mais il a été modifié, en ce qui concerne les cloches des paroisses et des succursales du culte catholique, par l'article 48 de la loi du 18 germinal an X.

Cet article est ainsi conçu :

« L'évêque se concertera avec le préfet pour régler la manière d'appeler les fidèles au service divin par le son des

cloches. On ne pourra les sonner, pour toute autre cause, sans la permission de la police locale. »

Cette disposition ne s'applique qu'au culte catholique, car elle fait partie des articles organiques de la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le gouvernement français.

Elle ne vise que les cloches des paroisses ou succursales, seules églises reconnues par la loi de germinal (1).

172. Elle constitue une disposition de police: elle a pour but d'empêcher que les sonneries de cloches ne compromettent la tranquillité des habitants. D'autre part, ces sonneries ne constituent pas des actes du culte (2); dès lors, il faut bien reconnaître que l'article 14 de la Constitution, relatif à la liberté des cultes, n'a pu abroger l'article 48 de la loi de germinal.

Ce n'est pas du reste porter atteinte à la liberté des cultes que d'en interdire une manifestation isolée, alors surtout que celle-ci n'est qu'un accessoire dans l'usage de cette liberté.

173.

-

L'article 48 de la loi de germinal a virtuellement

(1) Cette loi prohibait tous établissements ecclésiastiques autres que les chapitres cathédraux et les séminaires (art 11). Cette prohibition comprenait les couvents. D'autre part, en dehors des églises dites paroisses ou succursales, elle permettait seulement d'établir des chapelles domestiques, des oratoires particuliers. Encore fallait-il pour cela une permission expresse du gouvernement, accordée sur la demande de l'évêque (art. 44. Voir, en ce sens, une déclaration de M. Delantsheere, ministre de la justice, à la Chambre des représentants. (Séance du 14 décembre 1876. Ann. parl., p. 159.)

(2) C'est l'opinion que M. Delantsheere a défendue à la Chambre des représentants à la séance du 14 décembre 1876. « Je ne comprends pas, disait-il, qu'appeler quelqu'un à un exercice du culte par une sonnerie de cloches soit un acte du culte; en d'autres termes, que la sonnerie, acte indifférent par lui-même, se transforme en un acte du culte lorsqu'elle a pour but d'appeler des fidèles à un office. " (Ann. parl., p. 158, 2o col).

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