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SECTION XI.

DEMOLITION OU ENLÈVEMENT DES OUVRAGES FAITS EN CONTRAVENTION AUX RÈGLEMENTS COMMUNAUX CONCERNANT LA SÛRETÉ ET LA COMMODITÉ DU PASSAGE.

1er FÉVRIER 1844.

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ART. 10 DE LA LOI DU

ART. 33 DE LA LOI DU 10 AVRIL 1841.

Art. 90, nos 7 et 8, de la LOI COMMUNALE, COMBINÉ AVEC L'ART. 551, No 6, DU CODE PÉNAL.

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SOMMAIRE.

Principes admis par la cour de cassation en cette matière.

Caractère de l'obligation de démolir qui incombe

au

contrevenant.

127. La démolition effectuée par la commune est un acte administratif.

128-129. Divers cas dans lesquels le juge peut ordonner la démolition. Peut-il l'ordonner d'office?

130. Cas dans lequel le ministère public peut la requérir.

131. 132.

Exécution du jugement qui ordonne la démolition.

Règles propres au cas où des travaux ont été faits sans l'autorisation requise.

133-140. Dispositions spéciales de la loi du 10 avril 1841 et de la loi du 1er févr. 1844 concernant la réparation de certaines contraventions. 141. Réparation des contraventions à l'art. 90, nos 7 et 8, de la loi communale, combiné avec l'art. 551, no 5, du Code pénal.

123.

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Voici les principes admis par la dernière jurisprudence de la cour de cassation en cette matière. D'après cette cour, la démolition des ouvrages faits en contravention à un règlement n'est pas une peine, mais « une conséquence

nécessaire de la contravention, un accessoire de la peine comminée, faisant essentiellement partie de la répression de la contravention (1). D

Si cette démolition était une peine, les communes ne pourraient pas, comme la cour leur en reconnaît le droit (2), ordonner dans leurs règlements, à titre de destruction du corps du délit, la démolition à prononcer d'office par le juge; car, aux termes de l'article 78 de la loi communale, elles ne sont autorisées à sanctionner leurs ordonnances que par des peines de simple police, et le Code pénal ne range pas la démolition parmi ces peines.

La cour a du reste décidé qu'en l'absence même, dans le règlement, de toute disposition relative à la démolition, « le juge ne peut se dispenser d'ordonner, même d'office, la démolition des ouvrages dont le maintien ne fait que perpétuer l'atteinte portée aux règlements qui ont pour objet de protéger la sécurité publique (3). » Impossible encore, dans ce système, de regarder la démolition comme une peine, puisque les peines ne peuvent être appliquées qu'en vertu d'un texte (art. 9 Constit ), qui n'existe pas ici.

126. C'est avec raison

que la cour de cassation a jugé que la démolition des ouvrages faits en contravention à un règlement de police n'est pas une peine; car, comme on vient de le dire, elle n'est pas connue comme telle dans notre législation; de plus, on ne l'ordonne pas à titre de châtiment.

Quel est donc le caractère de l'obligation de démolir qui incombe au contrevenant?

Nous supposerons d'abord qu'il s'agisse de travaux

(1) Cass. 25 avril 1864 (Pas. 1864-1-227). Rapp. M. De Cuyper.
(2) Cass. 23 janvier 1865. (Pas 1865-1-133). Rapp. M. Dewandre.
(3) Cass. 25 avril 1864 (Pas. 1864-1-227). Rapp. M. De Cuyper.

prohibés par le règlement d'une manière absolue. Nous examinerons au no 132 ci-dessous le cas où des travaux ont été faits sans autorisation, alors que celle-ci était requise.

Dans le premier cas, l'obligation de démolir prend naissance par cela même que le contrevenant a fait les travaux. L'ordonnance de police qui les interdit, le lie; il est tenu de l'exécuter. L'exécution pleine et entière de l'ordonnance exige la suppression des conséquences de la contravention, soit par le particulier, soit, s'il reste en défaut de le faire, par la commune elle-même. Car la commune aussi est liée par ses règlements. Si elle a prohibé certains travaux comme nuisibles aux intérêts qui sont confiés à sa vigilance et à son autorité, et que ces travaux aient néanmoins été effectués, elle est tenue de les faire disparaître, sinon elle faillirait à sa mission. Elle doit, le cas échéant, les faire supprimer même à ses frais, sauf son recours contre le contrevenant. L'obligation du contrevenant tient donc à l'ordre public, en ce sens qu'elle a sa cause dans un intérêt public, dans un règlement de police. Elle a cependant aussi un caractère civil; car si elle n'est pas exécutée par le particulier, la réparation de la contravention incombera à la commune qui sera ainsi lésée dans ses intérêts civils. Dès que l'obligation est née, la commune est donc intéressée à en poursuivre l'exécution, d'une part, en sa qualité d'autorité chargée de la police, d'autre part, en sa qualité de personne civile préposée aux finances communales. 127. On vient de dire que, faute par le particulier de supprimer les ouvrages illégalement faits, l'autorité communale peut les faire démolir d'office. En agissant ainsi elle ne se rend pas justice à elle-même. Elle fait un acte administratif rentrant dans les attributions qui lui sont conférées par le décret des 16-24 août 1790.

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En effet, elle peut exercer ces attributions, non-seulement

par voie d'injonctions ou de prohibitions sanctionnées par des peines, mais encore par des actes administratifs (1). La légitimité de ce dernier mode d'exercice de la police s'appuie sur les termes généraux du décret, dont l'article 3, no 1, titre XI, s'exprime ainsi : « Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont... » Le décret ne détermine pas les modes d'action de cette vigilance et de cette autorité; il ne renferme aucune limitation à cet égard: libre donc à la commune d'agir ici, ou bien en comminant des peines contre certains faits, ou bien en faisant disparaître les conséquences préjudiciables de certains actes commis par des particuliers.

Il appartient au bourgmestre, qui est chargé d'exécuter les lois et règlements de police, d'ordonner la démolition des ouvrages faits illégalement (2).

128.

Quand cette démolition a eu lieu, la commune

a le droit de réclamer du contrevenant le remboursement de ses dépenses, soit devant les tribunaux civils, soit, comme partie civile, devant les tribunaux répressifs chargés d'appliquer la peine comminée par le règlement.

D'autre part, comme elle n'est pas tenue de faire

(1) On peut citer comme exemples de ces actes: l'organisation des services publics de l'éclairage et du nettoiement; la démolition des bâtiments menaçant ruine; la fermeture des maisons insalubres (cass. 5 févier 1851. Belg. jud. 1851-860); l'enlèvement des matériaux obstruant la voie publique (comp. décl. du min. de l'int. à la séance de la Chambre des repr. du 26 fév. 1840), et, dans un autre ordre d'idées, l'expulsion des cabarets des individus qui s'y trouvent après l'heure de la retraite; les actes faits en exécution d'un règlement communal ordonnant que quiconque sera trouvé sur la voie publique dans un état d'ivresse de nature à occasionner du danger pour lui-même ou pour d'autres, sera arrêté et conduit à ses frais, soit chez lui, soit en lieu de sûreté, pour y être retenu jusqu'à ce qu'il ait recouvré sa raison. Cass. 26 janvier 1863. (Pas. 1863-1-54). Rapp. M. Defacqz.

(2) Loi du 30 juin 1842. Cass. 7 avril 1876 (Pas. 1876-1-246). Rapp. M. Hynderick.

l'avance de ces frais, elle peut, se fondant sur le caractère. civil de l'obligation du contrevenant, conclure contre lui, devant les mêmes tribunaux, à ce qu'il soit condamné à effectuer la démolition, ou à payer les frais de la démolition d'office (1).

De plus, puisque l'obligation du contrevenant tient à l'ordre public, le ministère public est autorisé à demander d'office, devant le tribunal de répression, que le contrevenant soit condamné à démolir. Le ministère public tient ce droit de la loi du 20 avril 1810, dont l'article 46 est ainsi conçu « En matière civile, le ministère public surveille l'exécution des lois, des arrêts et des jugements: il poursuit d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public (2). »

Il importe peu d'ailleurs que le règlement ordonne la suppression des travaux illégalement faits ou qu'il ne s'explique pas à cet égard; car, dans le second cas, l'obligation d'exécuter la disposition du règlement qui interdit les travaux n'en existe pas moins et, comme nous l'avons fait remarquer, l'exécution pleine et entière de la disposition exige cette suppression (3).

129 Faut-il aller plus loin, et admettre que le juge « répressif appelé à faire l'application des lois et règlements aux faits dont il est légalement saisi, ne peut se dispenser d'ordonner, même d'office, la démolition des ouvrages dont le maintien ne fait que perpétuer l'atteinte portée aux règlements qui ont pour objet de protéger la sécurité

(1) Cass. fr. 30 août 1833 (DALLOZ, Rép. Vo Commune, no 892, note 1). GIRON, Essai sur le droit communal, p. 301.

(2) Cass. 20 juillet 1846. (Pas. 1846-I-465). Rapp. M. Fernelmont. Voir, en sens contraire, cass. 23 juin 1840 (Pas. 1840-I-403). Rapp. M. Joly, et ler mars 1841 (Pas 1841-1-152). Rapp. M. Destouvelles.

(3) Voir l'arrêt cité à la p. 149, note 1.

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