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police dans les limites déterminées par la loi, leur est garanti par les art. 31 et 108 de la Constitution, en sorte que le législateur ne pourrait pas leur enlever ce droit.

Nous ne croyons pas que cette doctrine soit exacte.

Lorsque la Constitution parle des intérêts exclusivement communaux, lorsqu'elle en confère la régie aux conseils communaux et qu'elle interdit ainsi virtuellement au législateur de leur enlever cette régie, elle a eu en vue des intérêts qui apparaissent avec un caractère exclusivement communal d'après les lumières de la raison, indépendamment de toute définition de la loi. Les mots intérêts exclusivement communaux visent d'ailleurs tout ce qui est clairement d'intérêt communal et d'intérêt communal seulement.

de 1789 confond dans une seule et même catégorie d'attributions la fonction de faire jouir les habitants d'une bonne police et celle de veiller aux biens, aux revenus, aux intérêts essentiellement communaux, et, de plus, énonce expressément que la première de ces fonctions, comme la seconde, est propre aux corps municipaux;

Considérant qu'en vue de contester l'indépendance assurée au pouvoir communal par les textes précités, on oppose en vain le deuxième alinéa de l'article 78 de la loi du 30 mars 1836, d'après lequel les règlements communaux et ordonnances de police communale ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d'administration générale ou provinciale; que cette défense ne contraint pas les communes à une subordination absolue; qu'elle a sans doute pour but de les soumettre aux pouvoirs administratifs supérieurs, agissant dans les limites de leurs mandats, mais laisse intacte la liberté qu'elles ont de régler elles-mêmes, ou ce qui touche leurs intérêts privés, sauf approbation s'il y a lieu, ou ce qui, comme la police des cabarets et lieux publics, doit varier d'après les conditions locales et est placé, par une loi formelle, dans leurs attributions propres et exclusives;

❝ Considérant qu'il suit de ce qui précède que l'ordonnance de police du conseil provincial du Limbourg, fixant l'heure de la fermeture des cabarets dans une partie des communes de la province, est illégal et inconstitutionnel;

"Considérant qu'en condamnant le demandeur, par application de cette ordonnance, le jugement attaqué a fait une fausse application de l'article 85 de la loi provinciale et contrevenu expressément aux articles 31, 107 et 108, no 2 de la Constitution....

Or, les objets ressortissant à la police communale touchent de près aux intérêts généraux du pays. Il en est ainsi notamment de la bonne police de la grande voirie, à laquelle la nation tout entière est intéressée dans une certaine mesure non moins que chaque localité. Pour fixer les attributions des communes en cette matière, il a fallu des textes de loi. La limite entre la police générale et la police communale est donc purement arbitraire.

Ce qui le prouve à l'évidence, c'est que, dans une foule de dispositions, le Code pénal statue sur des objets dont le décret du 16-24 août 1790 avait fait des dépendances de la police communale. L'art. 3 de ce décret, par exemple, range parmi les objets de police confiés à l'autorité et à la vigilance des corps municipaux tout ce qui intéresse la sûreté, la commodité du passage dans les rues, places et voies publiques, ou le soin de prévenir les incendies, les épidémies, les épizooties. Voilà donc, d'après la doctrine de la cour de cassation, des intérêts exclusivement communaux. Mais si cela est vrai, le législateur était radicalement incompétent pour statuer sur ces objets et, dès lors, une foule de dispositions doivent être considérées comme inconstitutionnelles. Telles sont, dans le Code pénal, celle qui impose l'obligation de réparer ou de nettoyer les fours, cheminées ou usines où l'on fait usage du feu (art. 551 no 1), celle qui défend d'exposer ou d'abandonner sur la voie publique des choses de nature à nuire par des exhalaisons insalubres (art. 552 no 1), celle qui ordonne de retenir les chiens lorsqu'ils poursuivent les passants quand même il ne devrait en résulter aucun dommage (art. 556 no 3); telles sont la loi du 18 juillet 1831 relative à certaines épidémies, les lois concernant les épizooties, la loi du 1er février 1844 sur la police de la voirie urbaine, etc., etc.

On invoque au profit de l'opinion que nous combattons

la loi du 14 décembre 1789. Celle-ci oppose les fonctions propres au pouvoir communal (art. 50) à celles qui sont propres à l'administration générale mais qui peuvent être déléguées aux corps municipaux (art. 51), et elle range parmi les premières le soin de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. Mais l'argument qu'on tire de là disparaît en présence des termes du décret des 16-24 août 1790 qui précise le principe déposé dans la loi de 1789. Voici, en effet, comment ce décret s'exprime : « Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont... » La loi des 19-22 juillet 1791 (tit. I art. 46) se sert des mêmes expressions. Or, le mot confiés démontre qu'il ne s'agit pas ici d'intérêts purement communaux dont la gestion doit nécessairement appartenir aux corps municipaux, mais d'un dépôt qu'on leur remet, d'une mission dont on les charge, d'un mandat qu'on leur donne, en un mot, d'une véritable délégation qui leur est faite par le législateur.

8. Le législateur peut donc modifier, restreindre, supprimer le droit réglementaire appartenant, en matière de police, aux conseils communaux; il peut aussi, ou bien réglementer lui-même tels ou tels objets dépendant actuellement de la police communale, ou bien les placer dans les attributions d'un autre pouvoir, tel que le roi ou la province.

Mais, en l'absence de toute disposition de cette espèce, est-il permis au roi ou à la province, à raison du droit de police qui leur est propre, de statuer sur ces objets?

En ce qui concerne le roi, la question s'est présentée à plusieurs reprises devant la cour de cassation. Il s'agissait de savoir si le chef de l'Etat peut prendre des arrêtés de

police relativement aux lieux de prostitution alors que l'art. 96 de la loi communale attribue au collège des bourgmestre et échevins la surveillance de ces lieux, et, au conseil, le droit de faire à ce sujet tels règlements qu'il juge nécessaires et utiles.

La cour, après s'être prononcée dans le sens de la compétence du roi par ses arrêts des 24 mars et 4 août 1840, a fini par statuer dans le sens contraire par un arrêt du 16 juin 1841. Voici le texte de cet arrêt :

<< Vu les articles 67, 78 et 107 de la constitution, et l'art. 96 de la loi communale du 30 mars 1836;

« Attendu que le roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même ;

« Attendu que le pouvoir conféré au roi par l'art. 67 de la Constitution consiste dans le droit de faire les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois;

Attendu que l'arrêté du 20 août 1838 relatif aux maisons de débauche, ne se rattache sous aucun rapport à l'exécution d'une loi; qu'à la vérité l'art. 96 de la loi communale se trouve visé dans le préambule de cet arrêté;

« Mais attendu que les dispositions de cet article, loin de nécessiter l'intervention du pouvoir exécutif, excluent par elles-mêmes cette intervention, puisqu'elles ont pour objet de placer dans les attributions spéciales du collége des bourgmestre et échevins la surveillance des maisons de débauche, et, dans celles des conseils communaux, le droit de faire à ce sujet les règlements nécessaires et utiles;

« Que s'il pouvait être vrai qu'en vertu de l'art. 85 de la loi provinciale, les conseils provinciaux sont autorisés à faire des ordonnances de police sur la même matière, il n'en résulterait pas encore que ce droit dût être étendu au pouvoir exécutif; qu'on se prévaudrait en vain de ce que,

d'après l'article 78 de la loi communale, les ordonnances ou règlements que ferait le conseil de régence ne peuvent être contraires aux lois ni aux réglements d'administration générale ou provinciale, et de ce que, d'après l'article 85 de la loi provinciale, les ordonnances et règlements dont parle cet article ne peuvent porter sur des objets déjà régis par des lois ou des règlements d'administration générale ;

« Qu'en effet ces diverses dispositions doivent nécessairement s'entendre des règlements d'administration générale portés dans les limites constitutionnelles du pouvoir exécutif, c'est-à-dire des règlements faits pour l'exécution de la loi ;

« Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué, en n'appliquant pas l'arrêté du 20 août 1838, n'a pu contrevenir à l'article 67 de la Constitution, et qu'il a fait une juste application de l'article 107 de cette Constitution;

«Par ces motifs, rejette le pourvoi, etc. »

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9. Par des arrêts récents (1), la cour de cassation a appliqué cette jurisprudence aux rapports existant entre le pouvoir communal et le pouvoir provincial. Elle dénie aux conseils provinciaux le droit de réglementer les objets de police confiés à la vigilance des conseils communaux. Le motif qu'elle fournit à l'appui de sa décision, c'est que ces objets sont d'intérêt exclusivement communal. A défaut de ce motif que nous ne saurions admettre (voir plus haut no 7), il n'est pas difficile d'en trouver un autre justifiant la doctrine de la cour suprême.

Les fonctions déléguées aux corps municipaux par la loi du 14 décembre 1789 et par le décret des 16-24 août 1790

(1) Voir les arrêts cités à la note précédente.

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