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blir, vous avez été à portée de juger ce qui peut être nécessaire pour le perfectionner, et il vous sera facile de reconnaître les moyens les plus propres à donner à l'administration la force et l'activité dont elle a besoin.

» Pour moi, appelé par la Constitution à examiner, comme représentant du peuple, et pour son intérêt, les lois présentées à ma sanction, chargé de les faire exécuter, je dois encore vous proposer les objets que je crois devoir être pris en considération pendant le cours de votre session.

» Vous pensérez, messieurs, qu'il convient d'abord de fixer votre attention sur la situation des finances, pour en saisir l'ensemble et en connaître les détails et les rapports; vous sentirez l'importance d'assurer un équilibre constant entre les recettes et les dépenses; d'accélérer la répartition et le recouvrement des contributions; d'établir un ordre invariable dans toutes les parties de cette vaste administration, et de préparer ainsi la libération de l'Etat et le soulagement du peuple.

» Les lois civiles paraissent aussi devoir vous occuper essentiellement ; vous aurez à les mettre d'accord avec les principes de la Constitution; vous aurez à simplifier la procédure et à rendre ainsi plus faciles et plus prompts les moyens d'obtenir justice; vous reconnaîtrez la nécessité de donner par une éducation nationale des bases solides à l'esprit public; vous encouragerez le commerce et l'industrie, dont les progrès ont tant d'influence sur l'agriculture et sur la richesse de ce royaume; vous vous occuperez de faire des dispositions permanentes pour assurer du travail et des secours à l'indigence.

» Je manifesterai à l'armée ma volonté ferme que l'ordre et la discipline s'y rétablissent; je ne négligerai aucun moyen de faire renaître la confiance entre tous ceux qui la composent, et de la mettre en état d'assurer la défense du royaume : si les lois à cet égard sont insuffisantes je vous ferai connaître les mesures qui me paraîtront convenables, et sur lesquelles vous aurez à statuer.

Je donnerai également mes soins à la marine, cette partie importante de la force publique, destinée à protéger notre commerce et nos colonies.

J'espère que nous ne serons troublés

par aucune agression

du dehors j'ai pris depuis que j'ai accepté la Constitution et je continue de prendre les mesures qui m'ont paru les plus propres à fixer l'opinion des puissances étrangères à notre égard, et à entretenir avec elles l'intelligence et la bonne harmonie qui doivent nous assurer la paix. J'en attends les meil◄ leurs effets; mais cette espérance ne me dispensera pas de suivre avec activité les mesures de précaution que la prudence a dû prescrire.

» Messieurs, pour que vos importans travaux, pour que votre zèle produisent tout le bien qu'on doit en attendre, il faut qu'entre le corps législatif et le roi il règne une constante harmonie et une confiance inaltérable. Les ennemis de noti repos ne chercheront que trop à nous désunir; mais que l'amour de la patrie nous rallie, et que l'intérêt public nous rende inséparables!

» Ainsi la puissance publique se déploiera sans obstacle; l'administration ne sera pas tourmentée par de vaines terreurs ; les propriétés et la croyance de chacun seront également protégées, et il ne restera plus à personne de prétexte pour vivre éloigné d'un pays où les lois seront en vigueur, et où tous les droits seront respectés.

» C'est à ce grand intérêt de l'ordre que tient la stabilité de la Constitution, le succès de vos travaux, la sûreté de l'Empire, le retour de tous les genres de prospérité.

» C'est à ce but, messieurs, que doivent en ce moment se rapporter toutes nos pensées; c'est l'objet que je recommande le plus fortement à votre zèle et à votre amour pour la patrie. »

Réponse du président.

« Sire, votre présence au milieu de nous est un engagement nouveau que vous prenez envers la patrie. Les droits du peuple étaient oubliés et tous les pouvoirs confondus; une Constitution est née, et avec elle la liberté française. Vous devez la chérir comme citoyen; comme roi vous devez la maintenir et la défendre. Loin d'ébranler votre puissance, elle l'a affermie; elle vous a donné des amis dans tous ceux qu'on n'appelait autrefois que des sujets.

» Vous avez besoin d'être aimé des Français, disiez-vous,

Sire, il y a quelques jours dans ce temple de la patrie; et nous aussi nous avons besoin de vous aimer!

» La Constitution vous a fait le premier monarque du monde : votre amour pour elle placera Votre Majesté au rang des rois les plus chéris, et le bonheur de la nation vous rendra plus heureux.

» Forts de notre réunion mutuelle, nous en sentirons bientôt l'influence salutaire. Épurer la législation, ranimer le crédit public, achever de comprimer l'anarchie; tel est notre devoir, tels sont nos vœux', tels sont les vôtres, Sire; telles sont nos espérances : les bénédictions des Français en seront le prix. »

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Le discours de Louis XVI fut interrompu presque à chaque phrase par des applaudissemens et des cris de vive le roi. Les mêmes transports qui l'avaient accueilli à son entréë éclatèrent de nouveau lorsqu'il se retira; mais des cris de vive la loi, vive la nation se mêlerent cette fois aux cris de vive le roi. La réponse du président fut également applaudic, et hautement approuvée comme ayant exprimé les sentimens de l'Assemblée; éloge qui n'était pas indifférent au sein d'une législature inquiète et susceptible: au commencement de la séance on avait agité la question de savoir si le président devait être autorisé à répondre au roi, et si dans ce cas la réponse ne devait pas être auparavant communiquée à l'Assemblée; M. Vaublanc avait demandé que la réponse eût lieu de la part de l'Assemblée par une adresse méditée; ces propositions, quoique rejetées, laissaient peser sur M. Pastoret une responsabilité dont il supporta le poids avec succès: ajouterons-nous, avec tous les journaux du temps, qu'à la suite de cette discussion il demanda et obtint de l'Assemblée la permission de se retirer quelques instans pour préparer à l'avance la réponse au discours que le roi viendrait prononcer?

Du 8.

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pour

L'Assemblée avait mandé les ministres qu'ils eussent à lui rendre compte de la situation du royaume; ils viennent tous occuper la place qui leur est réservée. Le ministère était ainsi composé à cette époque

Justice, M. Duport-Dutertre;'

affaires étrangères,

M. Montmorin;

intérieur, M. Delessart;

guerre, M. Duportail; -marine, M. Bertrand-Molleville, nommé depuis huit jours en remplacement de M. Thévenard, démissionnaire; contributions, M. Tarbé.

La présence des ministres avait éveillé dans l'esprit de chaque représentant le droit qu'il a de les interpeller: on les accabla de questions; ils n'étaient pas préparés à répondre. Après de longs débats, ou s débats, ou plutôt après de pénibles frottemens entre deux pouvoirs également jaloux et soupçonneux, le ministère obtint jusqu'au 1er novembre pour présenter un compte général. Cette séance donna le premier exemple du combat qui se renouvellera à perpétuité dans les gouvernemens représentatifs tant que le pouvoir exécutif voudra prétendre au premier rang.

ORIGINE DE LA GUERRE DE LA VENDÉE.

Du 9. Après huit séances de travaux préliminaires l'attention de l'Assemblée fut enfin appelée sur un objet d'un intérêt majeur. Depuis plusieurs mois des troubles avaient éclaté dans le département de la Vendée; le 16 juillet 1791 il en avait été fait à l'Assemblée constituante un premier rapport qui nous paraît devoir précéder celui qui fut présenté dans le mois d'octobre suivant à l'Assemblée législative; nous remonterons ainsi à l'origine de cette guerre où les succès comme les défaites portaient la douleur et le deuil dans des familles françaises.

Premier RAPPORT sur les événemens de la Vendée, fait à l'Assemblée constituante par M. Cochon-Lapparent. (Séance du 16 juillet 1791.)

"Messieurs yos comités des rapports et des recherches m'ont chargé de vous rendre compte des événemens fâcheux qui se sont passés dans quelques districts du département de la Vendée et qui en ont altéré la tranquillité.

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Depuis longtemps le peuple de ces malheureuses contrées était en butte aux menées perfides des ennemis du bien public; les prières, les menaces, les promesses, le moyen si puissant de la religion, enfin la calomnie contre les représentans de la nation, rien n'avait été oublié pour séduire les habitans des campagues, naturellement bons, mais ignorans, et faciles à

égarer. Déjà un ci-devant noble, le sieur Duchafaud, aidé d'un ecclésiastique de ses affidés, était parvenu à séduire les habitans de sa paroisse au point de les porter à expulser un officier municipal dont le patriotisme lui faisait ombrage; il avait eu même la témérité de se transporter, assisté de plusieurs habitans, à la séance du directoire de district des Sablesd'Olonne, et d'y protester publiquement contre la vente des domaines nationaux de sa paroisse.

» L'accusateur public ayant rendu plainte de ces faits, le tribunal informa; le sieur Duchafaud fut décrété de prise de corps; mais il s'est soustrait par la fuite aux poursuites dirigées contre lui. L'éloignement du sieur Duchafaud ne découragea point ses coopérateurs; le temps de Pâques leur parut propre à renouveler leurs menées : les exhortations, les sermons, l'abus des sacremens, tous les moyens furent mis en usage pour égarer le peuple en alarmant sa piété; ces insinuations incendiaires exaltèrent les esprits des malheureux habitans de la campagne au point de jurer la perte de tous les citoyens connus sous le nom de bourgeois. L'explosion commença le 25 avril dans la paroisse d'Apremont; le tocsin fut sonné; les bancs des ci-devant roturiers furent arrachés de l'église et brûlés, et l'on eut grand soin de conserver ceux des ci-devant nobles ou privilégiés..

» Le 1er mai suivant le signal de la sédition fut donné dans la paroisse de Saint-Christophe-Ligeron; le tocsin sonna des le matin; une troupe de furieux entra dans l'église, brisa les bancs des ci-devant roturiers, et les fit brûler sur la place; de là ces furieux allèrent attaquer jusque dans leurs maisons la garde nationale et les corps administratifs, ainsi que les citoyens qui avaient montré le plus d'attachement à la Constitution. Les gendarmes nationaux des brigades de Chalans et Paluan, envoyés pour le maintien de l'ordre, furent insultés, maltraités, obligés de se renfermer dans une maison particulière pour empêcher l'effusion du sang et mettre en sûreté leur vie et celle des citoyens, dont quelques-uns avaient été déjà assez grièvement blessés.

» Le directoire du district de Chaláns, instruit de ces faits, et que les factieux se proposaient de venir attaquer le directoire lui-même, requit les gardes nationales des inunicipalités et districts voisins, ainsi qu'un détachement des dragons de Conti, en garnison à Machecol; il arrêta que le procureur syndic se transporterait à Saint-Christophe avec toutes les troupes qu'il pourrait réunir, à l'effet de faire arrêter les chefs des factieux.

» Le lendemain 2 mai le procureur syndic du district,

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