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debout, l'Assemblée par égard pour le roi se tiendra de» bout. »>

M. Cambon. « Nous avons tous prêté le serment de maintenir la Constitution, et nous voulons tous être fidèles à ce serment. Il y a plusieurs membres qui ont voulu faire rapporter le décret parce qu'ils ont prétendu qu'il y manquait des formes indiquées par la Constitution; d'autres membres ont soutenu qu'il devait rester dans son entier parce que les formes de la Constitution avaient été remplies: il faut donc que, la Constitution à la main, nous examinions quel est celui des deux partis qui a raison.

» La Constitution veut que tous les actes du corps législatif soient soumis à la sanction, et que les actes sujets à la sanction soient soumis à trois lectures dans cette Assemblée, après l'impression et la distribution préalable à tous les membres : examinons si le décret rendu hier est dans le cas de la sanction.

» Un article de la Constitution porte : « Seront néanmoins » exécutées sans être soumises à la sanction les lois de police » intérieure. >>

» Quelqu'un pourrait croire que le décret d'hier a des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif; mais ce que nous avons décrété hier se rapporte absolument à l'intérieur de nos séances, et l'on ne peut nier que la police intérieure de nos séances nous appartienne en entier.

» Actuellement examinons si le pouvoir constituant ne nous a pas donné d'exemple. Le pouvoir constituant a fait une loi sur le cérémonial que l'Assemblée observerait lorsque le roi viendrait à sa séance; cette loi n'a pas été portée à la sanction: donc le pouvoir constituant, qui n'agissait alors que comme pouvoir législatif, l'a regardée comme loi de police intérieure ; donc nous pouvons la réformer comme un acte de police inté rieure. (Applaudissemens.)

» Actuellement, messieurs, examinons les effets du décret d'hier, qu'on nous représente comme très dangereux. On nous dit: vous attaquez la Constitution ; les ennemis du bien public vont en profiter; les actions ont baissé..... Il n'y a aucune terreur qui doive déterminer les membres du corps législatif ;

si nous nous laissions aller, messieurs, nous sommes dans une ville où toutes les intrigues nous attaqueraient.

» A présent, messieurs, voyons la conduite d'hier, qu'on a citée comme très tumultueuse. Nous avons décrété que lorsque le roi entrerait dans cette salle tous les membres seraient debout et découverts : cette disposition était dans la loi du pouvoir constituant; nous n'avons donc rien réformé. Mais le pouvoir constituant, qui était divisé en deux partis, craignait que certains membres ne s'oubliassent avec le roi, et qu'au lieu de se tenir avec des égards ils ne l'insultassent, peutêtre pour le dégoûter de la Constitution: je parle du corps. constituant; il y avait des partis qui ne voulaient que la dissolution de l'Empire, qui se servaient de tous les moyens pour y arriver. (Applaudissemens.) Ici, messieurs, qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons dit que, le roi une fois arrivé au bureau, les membres pourraient rester debout ou assis; nous avons écarté par la question préalable les amendemens qui tendaient à limiter notre conduite; nous avons pensé qu'étant Français nous saurions avoir les égards que mérite la personne du roi.

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Quant au titre, messieurs, qu'on dit que nous voulons donner au roi, nous avons décrété qu'il serait appelé roi des Français; et ce n'est pas nous qui le lui avons donné; c'est la Constitution: en cela nous n'avons pas attaqué une loi; nous avons voulu seulement que notre président ne fût pas livré à l'arbitraire; qu'il y eût des règles fixes, et qu'on ne pût se servir d'aucun terme que nous n'eussions décrété. En conséquence je conclus que votre décret doit rester dans son entier. Examinez que la chose publique vous appelle pour mettre l'ordre dans les finances; passons-y; mais ne révoquons pas le lendemain des décrets rendus la veille si nous ne voulons pas nous exposer à discuter tous les jours la même chose. » (Applaudissemens.)

Un grand nombre d'orateurs avaient été entendus pour et contre; les argumens en faveur du décret, en faveur surtout du droit que l'Assemblée avait eu de le rendre, parurent invincibles; quelques opposans en convinrent, et la plupart

l'approuvèrent quant au fond : mais alors ils se retranchèrent dans la nécessité de sacrifier à l'opinion publique, qui, disaientils, condamnaient le décret; s'il était conservé le repos, la confiance, le crédit étaient compromis.... L'Assemblée crut devoir céder à de si puissans motifs.

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Ainsi elle revint sur ses deux premières décisions : cette circonstance lui fit perdre en confiance et en respect plus que le pouvoir exécutif ne gagna en considération et en force par le maintien de l'ancien cérémonial. Les modifications admises dans le décret d'hommage à l'Assemblée constituante avaient été l'ouvrage d'une minorité envieuse et turbulente; mais la révocation du second décret fut le résultat de démarches extérieures d'anciens membres du corps constituant y contribuèrent beaucoup; on délibérait moins dans l'Assemblée qu'autour d'elle; des avis, des billets parvenaient sans cesse du dehors à ses membres; vers la fin de la discussion le bruit se répandit que le roi ne viendrait point à l'Assemblée si le décret n'était pas rapporté; en même temps on vit les tribunes publiques changer totalement la direction de leurs applaudissemens, ce qui déconcerta les partisans du décret au point que l'un d'eux appela l'attention de l'Assemblée sur cette variation; enfin le trouble se mit parmi les combattans, et la victoire resta aux derniers que les tribunes applaudirent.

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Du 7.-La municipalité de Paris est introduite à la barre à la vue de son vénérable chef de nobles sentimens transportent et l'Assemblée et les tribunes; les grands souvenirs qu'il rappelle s'unissent à des vœux purs, et tel est l'effet de la présence de cet illustre citoyen que le touchant accueil qu'il reçoit est à la fois un hommage à ses vertus et un nouveau serment à la patrie: M. Bailly est entendu au nom de ses concitoyens.

DISCOURS du maire de Paris à l'Assemblée nationale.

(7 octobre 1791.)

«Messieurs, la ville de Paris vient vous offrir les respects et les hommages de ses nombreux habitans. Nous vous répon

dons que ce peuple défendra la Constitution au péril de sa vie et au prix de son sang; fidèle à la loi que la nation a dictée, au roi que la loi et les cœurs ont choisi, il se distinguera toujours et par sa soumission à vos décrets et par sa confiance dans votre sagesse.

» L'avenir vous décernera des éloges et des honneurs mé, rités nous vous parlerons de nos espérances. Vous vous êtes déclarés Assemblée législative vous avez rempli un devoir; nous ne vous en louerons pas : mais nous vous remercierons du grand exemple donné à tout un peuple; nous vous remercierons de la solennité de la prestation de votre serment. Nous avons vu vos anciens, à l'imitation des temps antiques, porter le livre sacré, exposer la loi devant l'Assemblée inclinée dans un silence respectueux, et l'Assemblée jurer individuellement sur le livre même la fidélité qui lui est due! Qui refusera d'obéir lorsque vous avez obéi? Par cette solennité vous avez institué la religion de la loi : chez les peuples libres et dignes de l'être la loi est une divinité, et l'obéissance est un culte. (Applaudissemens. )

» Vous allez, messieurs, tout réunir et tout concilier. La révolution est consommée; le peuple soupire après le repos; l'Etat est fondé; le peuple demande qu'on en mette les ressorts en action les deux pouvoirs constitutionnels sont limités; il désire qu'ils se balancent, mais qu'ils se respectent. (Applaudissemens.)

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» En nous rappelant à l'union, qui fait la force des peuples libres, vous allez surtout établir la grande union de la nation et du prince que la confiance descende de cette auguste Assemblée et du trône pour remonter à ce trône et à vous par un cercle qui sera celui des prospérités!

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Législateurs, qui n'avez que du bien à faire, nous vous félicitons de l'heureux emploi que les circonstances vous ont réservé! Soyez bénis d'avance de votre ouvrage, et dans les maux que vous allez guérir, en étendant votre vue paternelle sur le royaume, jetez un regard favorable sur la ville de Paris, si courageuse dans les momens de péril, si sage et si calme dans des momens plus difficiles: fière des objets précieux, des hautes destinées qu'elle a portés dans son sein, elle les a conservés, défendus au milieu des troubles et des guerres secrètes

que nos ennemis y ont suscités et constamment entretenus; mais ses triomphes et sa gloire lui ont coûté; elle demande de vous, messieurs, une protection qu'elle mérite par les pertes qu'elle a éprouvées, et qu'elle méritera toujours par sa fidélité et son obéissance. » (Longs applaudissemens.)

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Réponse du président.

« Messieurs, l'Assemblée nationale aime à entendre l'expression de vos sentimens. La ville qui donna l'exemple d'un saint enthousiasme pour la liberté le donnera sans doute d'un amour ardent et constant pour les lois. Si le peuple se laisse quelquefois égarer par des méchans, sa conscience et sa raison le ramènent toujours à la justice et à la vertu : c'est donc des impressions étrangères qu'il faut le garantir. Il faut environner d'une surveillance active et l'audace de ses ennemis, qui voudraient lui inspirer de vaines terreurs, et l'hypocrisie de ses faux amis, qui le caressent pour le tromper. En vous nommant ses magistrats il vous a choisis pour être ses guides et ses appuis : vous le fûtes, vous le serez, et vous aurez son bonheur pour récompense. »

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Le discours et la présence de M. Bailly avaient porté dans les âmes de douces et profondes émotions; le discours et la présence de Louis XVI vont produire de ces élans impétueux qui ont leur source dans le besoin d'être confiant..... Un huissier annonce le roi ; l'Assemblée se lève, se découvre, et observe en tout le cérémonial décrété par l'Assemblée constituante; des cris de vive le roi, des transports unanimes éclatent et se prolongent jusqu'au moment où le monarque prend la parole:

DISCOURS du roi à l'Assemblée nationale. (7 octobre 1791.)

«Messieurs, réunis en vertu de la Constitution pour exercer les pouvoirs qu'elle vous délègue, vous mettrez sans doute au rang de vos premiers devoirs de faciliter la marche du gouvernement, d'affermir le crédit public, d'ajouter s'il est possible à la sûreté des engagemens de la nation, d'assurer à la fois la liberté et la paix, enfin d'attacher le peuple à ses nouvelles lois par le sentiment de son bonheur. Témoins dans vos départeméns des premiers effets du nouvel ordre qui vient de s'éta

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