Page images
PDF
EPUB

rebelles pour grossir leur parti, former leur armée, susciter des troubles dans l'intérieur, et peut-être la guerre civile! Ce serait alors que, devenus redoutables à leur tour, ils jouiraient des effets de la protection de l'Europe entière, parce qu'alors les puissances, actuellement occupées par des vues étrangères à la France, se décideraient pour appuyer une cause dont le succès ne serait plus douteux. Ne vous reposez donc point sur les réponses officielles des différentes cours.

» Combien de réponses pareilles notre cabinet de Versailles n'a-t-il point fait à l'Angleterre avant la guerre d'Amérique ! Pendant combien de temps n'a-t-il pas refusé de reconnaître le caractère public de Franklin! Les princes ne se déclarent que lorsqu'ils sont en mesure pour exécuter leurs desseins: ne croyez pas que l'embarras d'un prétexte les retienne; cette opinion fait honneur à la probité de ceux qui la conçoivent, mais prouve leur inexpérience en politique.

» Je ne répondrai qu'un seul mot.

» Le même fait sert souvent de matière deux cours ennemies.

[ocr errors]

au manifeste de

Qu'on prenne donc, vis-à-vis des trois princes ecclésiastiques qui contreviennent aux droits des gens en permettant et favorisant les attroupemens, enrôlemens et armemens des Français mécontens, cette attitude fière et imposante qui convient à une nation libre; qu'on requière d'eux dans un délai de trois semaines la dispersion des attroupemens formés dans leurs états; qu'on exige d'eux une réponse cathégorique; et que, comme Popilius, on trace à l'entour d'eux le cercle d'où ils ne · pourront sortir sans avoir choisi entre la paix et la guerre. (Applaudissemens.)

[ocr errors]

Que des forces préparées sur la frontière soient prêtes à exécuter ces menaces; que la diète de Ratisbonne et toutes les cours de l'Europe soient instruites de cette démarche ainsi que des motifs qui la justifient; et si malheureusement l'obstination de ces petits princes Allemands ou la résistance des Français rebelles obligent à recourir aux armes, que la célérité de l'expédition et la grandeur des moyens prouvent à toutes les nations de la terre qu'un peuple libre ne laisse point impunément violer à son égard le droit des gens !

» Je sais, messieurs, que la Constitution donne au roi l'initiative quant à la guerre, et le charge des relations à entretenir avec les puissances étrangères; aussi je ne vous proposerai aucune mesure contraire au serment que vous avez prêté : mais il est impossible que le roi, instruit du vœu national, ne désire autant que vous d'employer les seuls remèdes efficaces pour parer aux dangers qui menacent la patrie; il est impossible qu'après s'être inviolablement uni à la nation par son acceptation de la Constitution il n'envisage tous les complots contre cette loi fondamentale comme autant d'attentats contre sa personne! Comment pourrait-il donc hésiter à employer des moyens dont peut-être il eût déjà usé en partie s'il n'eût désiré en augmenter la force par l'expression du vœu national?

» Je vous propose donc, messieurs, le décret suivant :

» L'Assemblée nationale décrète qu'une députation de vingtquatre de ses membres se rendra près du roi pour lui communiquer au nom de l'Assemblée sa sollicitude sur les dangers qui menacent la patrie par la combinaison perfide des Français armés et attroupés au dehors du royaume, et de ceux qui trament des complots au dedans ou excitent les citoyens à la révolte contre la loi, et pour déclarer au roi que la nation verra avec satisfaction toutes les mesures sages que le roi pourra prendre afin de requérir les électeurs de Trèves, Mayence et l'évêque de Spiré, qu'en conséquence du droit des gens ils dispersent dans un délai de trois semaines lesdits attroupemens formés par des Français émigrés; que ce sera avec la même confiance dans la sagesse de ces mesures que la nation verra rassembler les forces nécessaires pour contraindre par la voie des armes ces princes à respecter le droit des gens, au cas qu'après ce délai expiré les attroupemens continuent d'exister; » Et enfin que l'Assemblée nationale a cru devoir faire cette déclaration solennelle pour que le roi fût à même de prouver, dans les communications officielles de cette démarche importante à la diete de Ratisbonne et à toutes les cours de l'Europe, que ses intentions et celles de la nation française ne sont qu'une. »

Le projet de décret de M. Daverhoult est couvert d'ap

[graphic][merged small][merged small]

plaudissemens une partie de l'Assemblée veut qu'il soit sur le champ mis en délibération; l'autre réclame l'ajournement et l'impression, conformément à la règle établie.

M. Daverhoult. « La mesure que je vous ai proposée, et que vous avez bien voulu écouter avec indulgence, pour qu'elle puisse avoir l'effet que nous avons lieu d'en attendre, doit prouver au roi que c'est l'expression du vœu national ; des que quelques membres peuvent avoir quelque doute, dès qu'ils veulent réfléchir, dès lors la mesuré ne produirait pas l'effet nécessaire. Un ajournement de deux jours n'ôtera rien à la grandeur et à l'efficacité de vos moyens ; il ne les rendra que plus respectables, plus augustes aux yeux mêmes de ceux sur qui ils doivent frapper. J'adopte l'ajournement. » (Applaudissemens.)

L'Assemblée décrète l'impression, et ajourne à deux jours.

Le 29 M. Koch annonça à l'Assemblée que le comité diplomatique, après avoir examiné attentivement le projet présenté par M. Daverhoult, l'avait trouvé conforme au sien quant au fond, mais présentant dans ses détails un mode plus solennel; qu'il s'était empressé de l'adopter, avec quelques changemens et additions qui le rendraient plus digne encore de l'approbation générale. M. Koch fit lecture de ce nouveau projet, très-favorablement accueilli, mais dont l'adoption fut en quelque sorte commandée par le discours

suivant.

DISCOURS de M. Isnard. (Séance du 29 novembre 1791.)

K

Messieurs, l'intérêt, la dignité de la nation exigent que nous adoptions les mesures proposées par M. Daverhoult et amendées par le rapporteur du comité diplomatique. Le véritable intérêt national est de raffermir enfin la Constitution sur sa base, de faire cesser l'état d'inquiétude, d'indécision, de dépense, de discrédit qui mine la France, et rend tous les citoyens malheureux; enfin, de ramener bientôt la tranquillité publique, non pas cette tranquillité éphémère et factice qui n'est dans le drame de la révolution que le repos de l'entr'acte,

VIII.

17

« PreviousContinue »