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que

L'Assemblée décrète, sur la proposition de M. Jahan, les présidens ne feront point de discours soit en prenant, soit en quittant le fauteuil : l'Assemblée constituante avait rendu un pareil décret le 4 janvier de la même année, après avoir entendu jusque là un grand nombre de complimens d'installation et de retraite.

Du 4.-Le président annonce que l'ordre du jour est la double prestation du serment, que les représentans doivent d'abord prononcer tous ensemble au nom du peuple français, puis individuellement : cette obligation, si douce à remplir, va donner lieu à un touchant hommage rendu à la Constitution et à ses auteurs. M. Michon-Dumarais prend la parole:

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Messieurs, dit-il, nous allons procéder à un acte bien auguste; ne serait-il pas convenable de donner à cette cérémonie un appareil, une soleunité qui caractérisât son importance? Je demande que l'acte constitutionnel en original soit apporté dans le sein de l'Assemblée, et que ce soit la main appuyée sur ce livre sacré que chacun prête le serment. » (Applaudissemens.)

L'Assemblée adopte la motion de M. Michon-Dumarais. Quelques débats s'élèvent sur la manière dont l'acte constitutionnel sera apporté: M. Quesnay veut qu'un dépôt aussi précieux ne soit confié qu'à des membres de l'Assemblée, et il propose de l'envoyer chercher par le vice-président et trois secrétaires; M. Lasource s'étonne de tant d'importance, et pense qu'il suffit que l'archiviste soit chargé de cette fonction;-C'est aux vieillards, dit M. Mazancourt, qu'appartient un tel honneur, et je le réclame pour eux. On applaudit, on adopte douze vieillards se rendent aux archives; à leur tête est le vice-président; des huissiers les accompagnent.

Ils reviennent dans le même ordre; au milieu d'eux est l'archiviste, portant le livre de la Constitution... A cette vue un saint respect s'empare des esprits et comprime l'en

thousiasme. Un huissier dit : « Messieurs, j'annonce à l'Assemblée l'acte constitutionnel. » L'Assemblée était debout; tout le monde se découvre.

Un des vieillards. «O vous, peuple français, citoyens de Paris, toujours grands et fermes dans les circonstances difficiles, frères généreux, et vous, citoyennes vertueuses et savan—. tes, qui exercez ici la plus douce influence, voilà le gage de la paix que la législature vous prépare! Nous allons jurer sur

dépôt de la volonté du peuple de vivre libres ou mourir,, et de défendre la Constitution jusqu'à la fin de notre existence...» (Ces derniers mots excitent quelque mouvement dans une partie de l'Assemblée.)

Conformément à la Constitution, les représentans prononcent tous ensemble, au nom du peuple français, le serment de vivre LIBRE OU MOURIR. La salle retentit d'applaudissemens.

On se prépare à passer au serment individuel. M. Goujon craint les restrictions mentales; en conséquence il propose, et l'Assemblée décrète que chaque membre, au lieu de se borner aux mots : je le jure, prononcera le serment dans toute son étendue. Plusieurs voix s'élèvent pour demander que pendant cette opération il ne reste dans la salle aucun homme armé: la garde se retire. Jamais la religion du serment n'inspira plus de précautions: un membre voulait que le serment, imprimé en gros caractères, fût placé à demeure au-dessus du bureau du président; un autre que le moment de la prestation fût annoncé au bruit du canon. M. LecointePuiravaux combattit ces propositions en rappelant l'histoire des Athéniens : « tant qu'ils se bornèrent à prononcer leur serment ils y furent fidèles ; dès qu'ils le gravèrent sur leurs étendards il y eut beaucoup de transfuges. » L'Assemblée passe à l'ordre du jour.

Le président quitte le fauteuil; il monte à la tribune, et, la main droite étendue sur l'acte constitutionnel, que tient l'archiviste, il prononce le serment, successivement répété en entier et de la même manière par chacun des

membres de l'Assemblée, au nombre de quatre cent quatrevingt-douze. Cette cérémonie nationale terminée, le viceprésident et les douze vieillards reportent aux archives le livre de la Constitution, et l'Assemblée et les tribunes s'abandonnent de nouveau à l'expression des plus vifs sentimens de respect, d'amour et de joie.

Le moment était enfin arrivé d'annoncer au roi que l'Assemblée législative était constituée : une députation de soixante membres est nommée à cet effet.

A l'hommage rendu à la Constitution va succéder pour ses auteurs un hommage non moins mérité sans doute, et contre lequel cependant osèrent s'élever quelques voix....

DISCOURS et motion de M. Cérutti. (4 octobre 1791.)

Quatre cent quatre-vingt-douze députés viennent d'appuyer leurs mains patriotiques sur l'Evangile de la Constitution; ils ont juré de la défendre et de la maintenir jusqu'à leur dernier soupir.

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Après avoir rendu à la Constitution l'hommage religieux de notre fidélité et de notre obéissance il me paraît convenable d'offrir un sentiment juste et légal au corps constituant, de qui nous tenons cet immortel bienfait: (Vifs applaudissemens.)

» Rien n'est plus commun que de jouir avec une ingratitude superbe du fruit des travaux publics; on craint de paraître idolâtre ou esclave des bienfaiteurs qui sont en place; mais lorsqu'ils ont perdu toute leur puissance on aime à reconnaître, on aime à honorer l'usage vertueux et utile qu'ils en ont fait.

» Le premier jour que notre Assemblée s'est ouverte j'ai considéré le peuple spectateur qui nous observait, et j'ai vu que ce bon peuple portait des regards de vénération sur les anciens législateurs dispersés en ces tribunes, et des regards d'espérance sur les législateurs nouveaux : ce partage de sentimens nous peint le mouvement général de la nation française ; nous pouvons donc, nous devons donc, messieurs, ce me semble, céder au penchant national, et voter de solennels remer

ciemens à l'Assemblée qui avant nous a représenté, sauvé, régé— néré la France. (Applaudissemens.)

» Plus on a vu de troubles et de factions au milieu de cette célèbre Assemblée, plus on doit d'actions de grâces à l'élite des législateurs qui ont combattu et triomphé pour nous.

» Investis d'une armée menaçante, ils l'ont repoussée et soumise par leur courage.

>>

Enveloppés d'obscurités et d'incertitudes, ils les ont éclaircies et dissipées par leur génie.

» Entourés de ruines et de tempêtes, ils ont ramené l'ordre et le calme par leurs travaux et leur constance. (Applaudissemens.)

» Dans le lieu où nous siégeons aujourd'hui quelle foule de vérités, quelle source de lumières ils ont fait jaillir! S'ils ont laissé dans leur ouvrage quelque légère discordance, quelle a été, quelle est, quelle sera jamais l'Assemblée à qui l'on ne fera pas le même reproche! Quel sénat de Rome ou de Grèce, quel parlement britannique ou quel congrès américain a opéré de si grandes choses en si peu de temps, au milieu de tant d'obstacles, et avec si peu d'imperfections!

» Trois années ont détruit quatorze siècles d'abus, et ont préparé trente, quarante, cinquante siècles de bonheur.

» A mesure que les temps vont se projeter sur leur ouvrage combien leur nom va s'agrandir! C'est à nous de précéder l'opinion publique; héritiers de leurs travaux immenses, c'est à nous de proclamer le premier acte de la reconnaissance française !

» Je propose donc, messieurs, le décret suivant :

» L'Assemblée nationale législative, succédant à l'Assemblée nationale constituante, reconnaissant que le plus grand bienfait possible était une constitution libre, décrète des actions de grâces universelles aux auteurs immortels de la Constitution française.

» L'Assemblée nationale législative s'empresse en même temps de rendre hommage aux grands exemples de magnanimité qui ont éclaté dans le cours de l'Assemblée nationale constituante, et qui resteront imprimés éternellement dans la mémoire du peuple français.

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Le discours de M. Cérutti avait été couvert d'applaudissemens: une grande majorité voulait que son projet de décret fût sur le champ mis aux voix; cependant une opposition, faible à la vérité, mais dont on doit faire mention à sa naissance, s'élève dans plusieurs parties de la salle le projet est mis aux voix; M. François Chabot veut proposer un amendement :

« Sans doute, s'écrie-t-il, nous devons de la reconnaissance aux législateurs qui nous ont précédés; mais peut-être ne serait-il pas digne de la sagesse de cette Assemblée de dire la Constitution est la plus parfaite possible....

que

De violens murmures interrompent l'orateur; de toute part on crie aux voix, et l'Assemblée décrète la motion de M. Cérutti; elle ordonne l'impression de son discours, l'insertion au procès-verbal, et l'envoi à tous les départe

mens.

Mais le lendemain, à la lecture du procès verbal, l'opposition se remontre avec plus de force; elle ne voit qu'une flagornerie dans le décret de M. Cérutti. M. Chabot développe son amendement; il est appuyé par M. Quinette et par plusieurs autres membres, et le décret de M. Cerutti est réduit à ce paragraphe :

:

« L'Assemblée nationale législative, reconnaissant qu'une Constitution libre est le plus grand bien qu'un peuple puisse recevoir de ses représentans, vote et décrète des remerciemens aux membres de l'Assemblée constituante qui ont fait un fidèle usage des pouvoirs que le peuple français leur avait délégués. »

Du cérémonial à observer à l'égard du roi ; titres de SIRE et de MAJESTÉ,

Du 5.

Discussion sur les

A l'ouverture de la séance M. Ducastel rendit

compte à l'Assemblée de la mission que les soixante membres nommés la veille avaient été chargés de remplir. Ils s'étaient présentés chez le roi à six heures; Louis XVI leur avait fait dire par le ministre de la justice qu'il ne pourrait les

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