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exemple? Comment l'empire des lois s'établira-t-il si tous les citoyens ne se réunissent pas auprès du chef de l'État ? Comment un ordre stable et permanent peut-il s'établir et le calme renaître si par un rapprochement sincère chacun ne contribue pas à faire cesser l'inquiétude générale ? Comment enfin l'intérêt commun prendra-t-il la place des intérêts particuliers si au lieu d'étouffer l'esprit de parti chacun tient à sa propre opinion, et préfère de s'exiler à céder à l'opinion commune ?

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Quel sentiment vertueux, quel intérêt bien entendu peut donc motiver ces émigrations? L'esprit de parti, qui a causé tous nos malheurs, n'est propre qu'à les prolonger. Français qui avez abandonné votre patrie, revenez dans son sein! C'est là qu'est le poste d'honneur, parce qu'il n'y a de véritable honneur qu'à servir son pays et à défendre les lois. Venez leur donner l'appui que tous les bons citoyens leur doivent ; elles vous rendront à leur tour ce calme et ce bonheur que vous chercheriez en vain sur une terre étrangère. Revenez-donc, et que le cœur du roi cesse d'être déchiré entre ses sentimens qui sont les mêmes pour tous, et les devoirs de la royauté, qui l'attachent principalement à ceux qui suivent la loi! Tous doivent le seconder lorsqu'il travaille pour le bonheur du peuple. Le roi demande cette réunion pour soutenir ses efforts, pour être sa consolation la plus chère; il la demande pour le bonheur de tous. Pensez aux chagrins qu'une conduite opposée préparerait à votre roi : mettez quelque prix à les lui épargner; ils seraient pour lui les plus pénibles de tous.

» Fait à Paris, au conseil d'état, le 14 octobre 1791. Signé Louis. Par le roi, Delessart. »

LETTRE du roi aux officiers généraux et commandans des troupes de terre. Du 14 octobre 1791.

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« En acceptant, monsieur, la Constitution, j'ai promis de la maintenir au dedans et de la défendre contre les ennemis du dehors. Cet acte solennel de ma part doit bannir des esprits toute incertitude; il détermine en même temps de la manière la plus précise et la plus claire la règle de vos devoirs et les motifs de votre fidélité. Mon intention est que vous annonciez aux troupes qui sont sous vos ordres que ma détermination, que

je crois essentielle au bonheur des Français, est invariable comme mon amour pour eux.

» La loi et le roi désormais confondus, l'ennemi de la loi devient celui du roi; de quelque prétexte maintenant dont on veuille colorer la désobéissance et l'indiscipline, j'annonce que je regarderai comme un délit contre la nation et contre moi lout attentat, toute infraction à la loi.

» Il a pu être un temps où les officiers, par attachement à ma personne et dans le doute de mes véritables sentimens, ont cru devoir hésiter sur des obligations qui leur semblaient en opposition avec leurs premiers engagemens; mais après tout ce que j'ai fait cette erreur ne doit plus subsister.

» Je ne puis regarder comme m'étant sincèrement dévoués ceux qui abandonnent leur patrie au moment où elle réclame fortement leurs services : ceux-là seuls me sont sincèrement attachés qui suivent les mêmes voies que moi, qui restent fermes à leur poste, qui, loin de désespérer du salut public, se confédèrent avec moi pour l'opérer, et sont résolus de s'attacher inséparablement à la destinée de l'empire.

» Dites donc à tous ceux qui sont sous vos ordres, officiers et soldats, que le bonheur de leur pays dépend de leur union, de leur confiance réciproque, de leur entière soumission aux lois, et de leur zèle actif pour les faire exécuter: la patrie exige cette harmonie, qui fait sa force et sa puissance. Les désordres passés et les circonstances où nous sommes donnant à ces vertus du guerrier pendant la paix une valeur sans prix, c'est à elles que seront dues les distinctions, les récompenses et tous les témoignages de la reconnaissance publique.

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LETTRE du roi aux commandans des ports. Du 13 octobre 1791.

« Je suis informé, monsieur, que les émigrations se multiplient tous les jours dans le corps de la marine, et je ne puis différer plus longtemps de vous faire connaître combien j'en suis vivement affecté.

» Comment se peut-il que des officiers d'un corps dont la

gloire m'a toujours été si chère, et qui m'ont donné dans tous les temps les preuves les plus signalées de leur attachement et de leur zèle pour le service de l'Etat, se soient laissés égarer au point de perdre de vue ce qu'ils doivent à la patrie, ce qu'ils doivent à mon affection, ce qu'ils se doivent à eux-mêmes!

» Ce parti extrême eût paru moins étonnant il y a quelques mois, quand l'anarchie semblait être à son comble et qu'on n'en apercevait pas le terme ; mais aujourd'hui que la majeure et la plus saine partie de la nation veut le retour de l'ordre et de la soumission aux lois, serait-il possible que de généreux et fidèles marins songeassent à se séparer de leur roi!

» Dites bien à ces braves officiers, que j'estime, que j'aime, et qui l'ont si bien mérité, que l'honneur et la patrie les appellent; assurez-les que leur retour, que je désire 'pardessus tout, et auquel je reconnaîtrai tous les bons Français, tous mes vrais amis, leur rendra pour jamais toute ma bienveillance.

» On ne peut plus se dissimuler que l'exécution exacte et paisible de la Constitution est aujourd'hui le moyen le plus sûr d'apprécier ses avantages, et de connaître ce qui peut manquer à sa perfection.

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Quel est donc votre devoir à tous ? De rester fidèlement à votre poste; de coopérer avec moi, avec franchise et loyauté, à assurer l'exécution des lois que la nation pense devoir faire son bonheur; de donner saus cesse de nouvelles preuves de votre la patrie et de votre dévouement à son service.

amour pour

» C'est ainsi que se sont illustrés vos pères, et que vous vous êtes distingués vous-mêmes; voilà les exemples que vous devez laisser à vos enfans, et les souvenirs ineffaçables qui constitueront votre véritable gloire!

» C'est votre roi qui vous demande de rester inviolablement attachés à des devoirs que vous avez toujours si bien remplis : vous auriez regardé comme un crime de résister à ses ordres; vous ne vous refuserez pas à ses instances!

» Je ne vous parlerai pas des dangers, des suites fâcheuses qu'une autre conduite pourrait avoir; je ne croirai jamais qu'aucun de vous puisse oublier qu'il est Français.

» Je vous charge, monsieur, d'adresser de ma part un

exemplaire de cette lettre à tous les officiers attachés à votre département, et particulièrement à ceux qui sont en congé. Signé Louis. Et plus bas, Bertrand. »

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L'impatiente sollicitude de l'Assemblée nationale ne lui permit pas d'attendre l'effet qu'on pouvait espérer des invitations du roi; et cette impatience était bien justifiée par la conduite hostile des émigrans, qui ne cessaient de provoquer les troupes à la désertion, d'exciter des désordres dans l'intérieur de la France, et de lui susciter des ennemis au dehors: la question de l'émigration, abordée le 16 octobre, fut mise à l'ordre du 20.

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M. Lequinio ouvrit la discussion; il condamna les mesures répressives de l'émigration, les regardant comme une violation de la Constitution et de la Déclaration des Droits. (Bientôt M. Lequinio fera le sacrifice de son opinion.) Après lui M. Lémontey se montra plus opposé encore à toute loi contre les émigrans; « une pareille loi, selon lui, était inexécutable, dangereuse, impolitique; inutile surtout car l'effet d'une loi contraire au droit naturel est d'inviter à la violer. - Qu'avez-vous au surplus à regretter dans les émigrés ? ajouta M. Lémontey. Leurs richesses? Ils les employaient à fomenter des troubles. Leurs personnes ? Mais il vaut mieux les avoir pour ennemis déclarés que pour citoyens turbulens ou serviteurs perfides. Leur fuite n'est à mes yeux qu'une transpiration naturelle de la terre de la liberté. » M. Baignoux opina dans le même sens. Le quatrième orateur qui obtint la parole, M. Crestin, fut le micr qui reconnut le besoin de mesures contre les émigrans: toutefois l'Assemblée n'était pas éloignée d'accueillir la question préalable, que réclamaient plusieurs membres, que M. Brissot parut à la tribune.

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SCOURS de M. Brissot. (Séance du 20 octobre 1791.)

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essieurs, en examinant les lois différentes qui ont été es contre les émigrans, en considérant leur inefficacité, uffisance, j'en ai cherché la cause; et je suis main

it convaincu qu'elle est et dans le principe, et dans

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J. P. Brissot,

Representant du Peuple, né à Chartres en 1754,

mort en 1793, victime de la révolution.

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