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il obtint la priorité sans la moindre opposition, et sans que le rapporteur l'eût appuyé d'aucun développement : on en avait applaudi les dispositions comme on aurait pu le faire d'une pièce d'éloquence. La discussion sur ce projet s'ouvrit immédiatement article par article, et se prolongea jusqu'au 29; alors il fut relu et définitivement adopté, après avoir subi quelques amendemens, et remis en débats les diverses opinions déjà exposées. (V. ce décret, p. 141.)

M. François (de Neufchâteau), qui avait soutenu la discussion, la termina par le discours suivant, dont le début fera connaître l'objet.

RAPPORT fait au nom du comité de législation par M. François (de Neufchâteau). — (Séance du 29 novembre 1791.)

« Messieurs (1), vous avez renvoyé au comité de législation la rédaction d'un article additionnel au décret sur les troubles excités sous prétexte de religion.

» Cet article a été proposé par M. Albite (dans la séance du 25), appuyé par M. Guadet, amendé par MM. les députés du département du Bas-Rhin.

» La rédaction a présenté des difficultés dont je vais avoir l'honneur de vous rendre compte le plus sommairement que je le pourrai.

La proposition de M. Albite a deux objets : 1° d'exclure les prêtres dissidens ou prétendus dissidens du culte simultané dans les églises employées au culte salarié par la nation ;

» 2°. De permettre la vente ou la location des autres églises aux citoyens attachés à un autre culte quelconque pour y exercer ce culte, en se conformant aux lois de police ou d'ordre public.

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L'amendement consiste à excepter de cette vente ou de cette location les églises où le culte simultané est admis entre

(1) « J'ai été obligé de relever sur les feuilles du Logographe et du Moniteur ce discours, que je n'avais point écrit.» (Note de l'orateur sur son discours imprimé par ordre de l'Assemblée, qui en avait décrété l'envoi dans tous les départemens.)

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Neufchateau,

Député, Ministre, Directeur, Sénateur,

membre de l'Justitut, né à

en 1732.

(Vosges)

les citoyens qui suivent la confession d'Augsbourg et les catholiques.

>> Cet amendement, fondé sur des décrets de l'Assemblée nationale constituante, ne présentait aucune difficulté.

>> La rédaction des deux dispositions présentées par M. Albite a été plus embarrassante; elle donnait lieu nécessairement à des observations qui ont pu n'être point aperçues par l'Assemblée nationale lorsqu'elle s'est déterminée à en adopter le sens général sauf rédaction.

» 1o. La première disposition est opposée à une loi existante le décret du 7 mai (1) sur l'arrêté du directoire du département de Paris du 18 avril dernier veut que le défaut de prestation de serment ne puisse être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église ou oratoire national seulement M. Albite demande au contraire que pour y dire la messe. les prêtres non assermentés ou dissidens ne puissent exercer aucune fonction ecclésiastique dans les églises et oratoires nationaux il prétend que le culte simultané entraîne des inconvéniens; qu'il n'est pas naturel que la nation entretienne des édifices pour ceux qui ne veulent pas reconnaître ses lois, et que, s'ils veulent exercer un culte qu'ils prétendent différer de celui dont elle fait les frais, ils doivent séparément se pourvoir de tout ce qui leur est nécessaire.

» Le comité de législation a arrêté la rédaction de cette première partie de l'article dans les termes suivans :

» Les églises et édifices nationaux employés au culte dont les frais sont payés par l'Etat ne pourront servir à l'exercice d'aucun autre culte.

» Mais avant de délibérer si l'on veut adopter cette rédaction, qui déroge au décret du 7 mai, ou si l'on préfère de passer sous silence cette première disposition pour s'en tenir à celle de ce décret, il convient d'examiner la difficulté bien plus sérieuse que la seconde disposition a fait naître.

» Je suis expressément chargé par le comité d'appeler l'attention de l'Assemblée nationale sur la question de savoir si les prêtres dissidens seront tenus de prêter le serment civique

(1) Voyez plus haut, page 90, le décret du 7

mai 1791

pour pouvoir exercer leur ministère dans les églises mêmes non employées au culte payé par l'Etat.

» Le comité a cru devoir insérer cette réserve dans l'article non comme une interprétation étrangère, mais comme la conséquence immédiate et le développement des idées de MM. Albite et Guadet: aussi est-ce de leur aveu et de concert avec eux que le comité s'est déterminé à prendre ce parti.

» Je ne m'arrêterai pas à démontrer l'incohérence qui existe→ rait sans cela entre l'article additionnel et les quinze autres déjà décrétés; cette incohérence est évidente: par l'article V, devenu l'article VI, vous avez déclaré suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie les ecclésiastiques qui refuseront de donner à la loi et à la patrie la caution du serment civique exigé par l'article Ier; vous les avez soumis et recommandés plus particulièrement aux autorités constituées; en cas de trouble vous avez jugé que leur seule présence dans la paroisse troublée pouvait autoriser les corps administratifs à les en éloigner par provision; vous avez pris contre eux les précautions de la défiance la plus rigoureuse or comment des hommes ainsi notés aux yeux de la loi conserveraient-ils la capacité d'exercer le ministère ecclésiastique? Comment des hommes jugés immoraux pourraient-ils être officiers de morale? C'est ce qui serait inconciliable.

» Chacun sent assez que cette disposition nouvelle détruirait le reste du décret : mais je n'insiste pas sur ce point, parce qu'on pourrait reprocher à l'auteur du projet de décret l'aveuglement de la prédilection paternelle en faveur de son ouvrage ; j'examine seulement s'il est de votre justice d'entendre l'article proposé par M. Albite comme M. Albite lui-même affirme l'avoir entendu, et comme le comité de législation l'a rédigé après une longue discussion.

Pour savoir si cet article est juste il faut apprécier les objections qu'on lui oppose; j'en entends retentir trois principales on me demande 1° si cette mesure est d'accord avec les principes de la tolérance; 2° pourquoi imposer la nécessité du serment civique aux seuls ecclésiastiques dissidens, tandis qu'on ne parle pas de l'étendre aux ministres des autres

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