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sont-elles pas inférieures en étendue, en intensité, en perfection? Celle des Chinois, la plus remarquable de toutes, paraît en être, sous beaucoup de rapports, à une distance infinie. Et d'ailleurs, fût-elle actuellement plus parfaite, un seul de ses caractères suffirait, avec le temps, pour la rendre inférieure. Je veux parler de son immobilité. Elle est stationnaire depuis quarante siècles; elle ressemble à une sorte d'instinct : bien différente de la civilisation européenne, dont le caractère essentiel est d'être à la fois mobile et progressive, c'est-à-dire de se modifier sans cesse et de s'améliorer en se modifiant (').

La race caucasienne se distingue des autres dès les premiers temps de son histoire. Aucun monument, aucune tradition ne la montrent dans un état de dégradation et d'abrutissement pareil à celui où l'on a surpris diverses tribus des autres variétés. Il est permis de supposer qu'elle a commencé par être tout-à-fait sauvage; mais l'on ne saurait assigner d'époque où elle l'ait été, et les plus anciens monuments la représentent au moins dans l'état nomade. Les Arabes de la Genèse, les Grecs d'Homère, les Germains de Tacite ne sont

(') Adelung dit, en parlant de la Chine et des contrées voisines de ce vaste empire : « Les peuples de ces immenses régions retiennent encore dans leur langage toutes les imperfections d'une langue qui vient de naître. Comme les enfants, ils n'articulent que des monosyllabes. Ils parlent comme ils parlaient il y a plusieurs milliers d'années, quand l'espèce était encore au berceau. Nul division des mots en plusieurs classes, comme cela a lieu dans toutes les langues; confusion pleine et entière des personnes et des temps; nulle inflexion des mots; nulle distinction des cas et des nombres; on forme le pluriel, ainsi que le forment les enfants en répétant plusieurs fois le même nombre, comme trois et encore trois, trois et plusieurs autres etc. ( Mithridate, p. 18.) Un langage aussi imparfait, continue le même auteur, rend tous progrès impossible; et tant que les Chinois n'en parleront pas d'autre, ils feraient de vains efforts pour s'approprier les arts et les sciences de l'Europe. » (Ib., p. 28, cité par Law., p. 471.)

pas encore sans doute des peuples très avancés; mais qui pourrait nier que leur état ne soit très supérieur à celui où l'on a trouvé les naturels de la Nouvelle-Hollande et plusieurs tribus de l'Amérique ?

Si les Caucasiens se distinguent des autres variétés à leur origine, ils s'en distinguent bien davantage dans les temps postérieurs. Plus on s'éloigne de leur point de départ, et plus on les trouve en avant des autres races. Ils ne font pas des progrès ininterrompus; leur civilisation est irrégulière dans sa marche; elle s'arrête, elle rétrograde : elle ne disparaît jamais entièrement; elle reparaît au contraire avec plus de force; elle se répand sur des espaces plus étendus; de proche en proche, elle a envahi ainsi toute l'Europe, et, depuis plusieurs siècles, elle y fait des progrès soutenus et toujours plus généraux.

Dans le même temps, l'éducation des autres races ne paraît pas avoir fait de progrès sensibles. Je parlais tout à l'heure de l'immobilité des Asiatiques, on peut parler de celle des Africains. Ils restent plongés, depuis deux mille ans, dans leur barbarie originelle, et le nègre que nous connaissons n'est pas supérieur à l'Éthiopien que les anciens ont connu. Quant aux naturels de l'Amérique et des îles de la mer du Sud, on sait dans quel état ils ont été trouvés et dans quel état ils sont encore.

Et il ne faut pas, comme on l'a fait, attribuer au climat le développement de la race européenne. Toutes les races sont répandues sous des latitudes extrêmement variées. On sait quelle est l'étendue de l'Afrique; l'Amérique touche aux deux pôles; l'Asie embrasse les climats les plus divers : come ment, dans des situations si prodigieusement différentes, les races de couleur foncée n'auraient-elles pas fait des progrès comparables à ceux de la race blanche, si elles n'étaient pas

naturellement inférieures? Les Européens se sont développés dans les climats les plus défavorables; les autres races sont restées plus ou moins incultes dans tous les climats. Les Européens se sont civilisés dans les mêmes lieux où d'autres races n'ont jamais pu cesser d'être sauvages. Quel argument la florissante république des États-Unis n'offre-t-elle pas contre ceux qui veulent faire honneur au climat d'Europe de la civilisation des Européens?

Il ne serait pas plus exact de dire que les Européens sont redevables de leur civilisation à de meilleurs gouvernements, à des institutions moins barbares; car ces choses font partie de leur civilisation et sont précisément le fruit de leur supériorité. Si les autres races en étaient naturellement capables, pourquoi ne les possèderaient-elles pas? Pourquoi n'auraientelles pas aussi des gouvernements réguliers et des institutions raisonnables? Les lois, les mœurs, les sciences, les arts, l'industrie de la race européenne ne sont pas des créations du ciel; l'auteur des choses en avait déposé le germe en elle; mais elle a le mérite de l'avoir développé : sa civilisation est son ouvrage; elle est l'effet et non la cause de sa supériorité.

On n'expliquerait pas mieux la supériorité des Européens sur d'autres races, et par exemple sur la noire, observée dans nos colonies, en disant que l'infériorité de celle-ci tient à son état de servitude. D'abord cette servitude est elle-même un phénomène assez étrange, et qui demanderait explication. Pourquoi n'est-ce pas la race noire qui commande? Pourquoi n'est-ce pas la blanche qui sert ? Ensuite, la race noire ne soutiendrait peut-être pas mieux la comparaison avec la blanche dans son pays natal, où elle est libre, que dans nos colonies, où elle est esclave. Enfin, la race blanche a été vue aussi dans l'esclavage, et dans un esclavage pire que celui des

noirs. M. Jefferson, dans ses excellentes notes sur la Virginie, observe avec raison que la condition des esclaves chez les Romains, particulièrement au siècle d'Auguste, était infiniment plus dure que ne l'est celle des nègres que nous avons réduits en esclavage. « Cependant, dit-il, malgré tous ces genres d'oppression, et beaucoup d'autres circonstances décourageantes, les esclaves, chez les Romains, montraient fréquemment les plus grands talents. Plusieurs excellèrent dans les sciences; de sorte que leurs maîtres leur confiaient communément l'éducation de leurs enfants. Épictète, Phèdre et Térence furent esclaves; mais ces esclaves étaient de la race des blancs. Ce n'est donc pas, ajoute-t-il, l'esclavage, mais la nature qui a mis entre les races une si grande différence ('). »

Non-seulement les races de couleur foncée ne se sont pas développées, de leur propre mouvement, au même degré que la race blanche; mais il semble même qu'elles soient incapables de s'approprier sa civilisation. Depuis trois siècles passés que les naturels de l'Amérique ont sous leurs yeux le spectacle des arts de l'Europe, transplantés sur leur propre sol, leurs arts n'ont rien perdu de leur grossièreté native. Ils ont vu naître, grandir de puissantes colonies sans être tentés d'imiter les travaux auxquels elles devaient leur prospérité croissante. L'exemple, la persuasion, les encouragements, rien n'a pu leur faire abandonner leur vie vagabonde et précaire pour l'agriculture et les arts.

On voudrait mettre en doute la prééminence intellectuelle de la race blanche, et l'on est sans cesse averti de sa supériorité par quelque considération nouvelle. Combien, par exemple, n'est-ce pas une chose frappante que l'importance du rôle qu'elle joue sur notre planète, que l'étendue de la domi

(') Notes sur la Virginie, traduction française, p. 206 à 208.

nation qu'elle y exerce, et l'extension continuelle de cette domination? Elle occupe presque exclusivement l'Europe ; elle est souveraine maîtresse de l'Amérique; elle règne sur une portion considérable de l'Asie, et commence à abaisser les barrières qui la séparaient de la Chine; elle a des colonies en Afrique et à la Nouvelle-Hollande; elle s'est répandue dans tous les quartiers du globe; elle a des établissements partout, et ces établissements s'étendent sans cesse. Les autres races sont bien loin d'avoir montré la même curiosité, la même audace, la même force expansive. Ce ne sont pas elles qui sont venues chercher les Européens, ce sont les Européens qui ont été au-devant d'elles, qui sont allés les découvrir, les visiter dans les coins de la terre les plus retirés. Le monde, sans les Européens, ne saurait pas même leur existence, et la plupart d'entre elles seraient demeurées ignorées du reste du genre humain.

Une dernière marque de l'infériorité de ces dernières, un fait dont il semblerait résulter qu'elles ne sont que des dégénérations ou des déviations de la race blanche, c'est qu'elles tendent à revenir à sa couleur et à ses traits, tandis qu'elle ne prend leur couleur et leurs traits qu'avec une difficulté extrême. Tel est du moins l'avis de Blumenbach, adopté par W. Lawrence, et que ces savants anthropologistes appuient sur des observations faites dans les îles de la mer du Sud et dans plusieurs parties de l'Afrique (1).

Les faits sembleraient donc établir que les races de couleur, soit que chez elles l'appareil cérébral soit moins développé ou autrement développé que dans la race blanche, soit qu'il ne paraisse pas doué du même degré de sensibilité ou d'énergie, sont loin de manifester la même vivacité d'intelli

(1) W. Law., ouvr. cité, p. 554.

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