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crâne allongé; mais on ne peut nier que cette différence dans la conformation du crâne ne soit, en général, un des types les plus caractéristiques de chacune de ces races.

Le volume et la disposition du cerveau paraissent avoir, dans la race caucasienne, une supériorité marquée sur les deux variétés qui s'éloignent le plus d'elle. Les organes de l'intelligence sont ceux qui prédominent dans la tête de l'Européen, et ceux de l'animalité dans la tête du Mongol et surtout du nègre. Ces dernières races sont peut-être mieux partagées du côté des sens; mais la première paraîtrait supérieure par les organes de la pensée. La face, qui est petite dans le Caucasien, comparativement au reste de la tête, est énorme dans le Mongol, et surtout dans l'Éthiopien, relativement au volume du cerveau (1).

Les proportions du corps ne sont guère moins différentes. Le Mongol a le buste large et carré, les extrémités courtes et musculeuses (2). Le nègre, au contraire, est mince du corps et surtout des reins; il a souvent les extrémités longues et grêles, et presque toujours la jambe et le pied renversés en dedans (3). Le Caucasien s'éloigne également de ces formes défectueuses; il n'est ni trapu comme le Mongol, ni fluet et dégingandé comme l'Éthiopien.

Au surplus, il ne s'agit point ici d'attribuer la supériorité à la race caucasienne, ni de constituer les races de couleur dans un état officiel d'infériorité : il s'agit seulement de noter quelques-unes des différences qui distinguent les diverses races; et quand on ne serait pas frappé de toutes les remar

(1) « The intellectual characters are reduced, the animal features enlarged and exagerated,» dit W. Law., parlant de la tête du nègre. (Ouvr. cité plus haut, p. 565.)

(2) Law. et les auteurs qu'il cite. (Ibid., p. 354 et 355.) (3) Ibid., p. 398.

ques qui ont été faites à l'avantage de la race blanche, il n'en resterait pas moins évident qu'il existe, sous beaucoup de rapports, des différences très saillantes entre les grandes variétés dont la famille humaine se compose.

Ajoutons à ces remarques que les diverses variétés, tant qu'elles ne s'allient point entre elles, conservent invariablement les caractères qui leur sont propres. Ces caractères restent les mêmes sous toutes les latitudes et dans tous les climats. L'Américain est rouge d'un bout de l'Amérique à l'autre ; l'Africain reste noir sous les glaces du pôle; l'Européen naît blanc sous le soleil d'Afrique; les Maures et les Arabes, qui sont de notre race, font encore, après une longue suite de générations, des enfants qui sont, en naissant, aussi blancs que les nôtres ('). Les Hottentots restent éternellement petits à côté des Cafres, qui sont grands; et les Chaymas, chétifs et fluets, à côté des Caraïbes ou des Carives, qui sont énormes. Les Gallas, nation africaine placée directement sous la ligne, ont, suivant Bruce (2), un teint presque blanc que n'altèrent pas les feux du soleil; et les Caffres, qui sont à quelques degré du cap, sous un climat dont la chaleur est très supportable, conservent, suivant Paterson (3), leur peau du noir d'ébène le plus foncé. Une même race, qui ne se mêle pas, reste identique sous les climats les plus divers (*). Des races diverses, qui ne se mêlent pas, conservent toutes, dans un même pays, les traits qui leur sont propres. Les mêmes quartiers du globe ont été successivement habités par des peuples très différents, sans que les traits caractéris

(1) Poiret. Voyage en Barbarie, t. I, p. 31.

(*) Cité par Law., ib., p. 533.

(3) Id., ibid.

(1) Témoin la nation Juive, entre beaucoup d'autres,

tique d'aucun de ces peuples aient subi la moindre altération. Il n'est pas au pouvoir de l'homme enfin de modifier sa postérité en agissant sur lui-même. Nulle mutilation, accidentelle ou volontaire, n'est transmissible par la génération : les Caraïbes se déforment artistement le crâne; les femmes chinoises réduisent leur pied au tiers de ses justes dimensions; certains sauvages s'allongent démesurément les oreilles, et nul d'eux ne réussit à transmettre ces difformités à ses descendants. Il y a trois ou quatre mille ans que les Juifs se livrent à la pratique de la circoncision, et leurs enfants naissent encore incirconcis, observe le docteur Prichard (1).

Ce serait sortir du sujet que je traite que de rechercher ici d'où ont pu provenir ces différences entre les principales variétés de notre espèce. Sont-elles originaires ou adventices? A-t-il existé primitivement plusieurs races distinctes, comme le croient quelques auteurs, ou bien le genre humain était-il identique dans son origine, et toutes les variétés de l'espèce humaine ne sont-elles que des déviations plus ou moins sensibles de ce type original et primitif? S'il en est ainsi, comment se sont opérées ces déviations? Ont-elles été le fruit du climat, du sol, des aliments, ou d'autres causes extérieures, comme on l'avait toujours prétendu; ou bien, comme on l'a récemment expliqué, ont-elles été produites par cette tendance des espèces à la variation, qui est, dit-on, une loi du monde physique, qui agit également sur les plantes et sur les animaux, qui agit surtout dans l'état de domesticité, et avec une force d'autant plus grande qu'on est dans un état plus avancé de culture et de civilisation?

W. Lawrence, qui croit à l'unité originaire du genre hu

(') Cité par Law., p. 509.

main, et qui donne de cette opinion des raisons infiniment plausibles, croit aussi pouvoir expliquer heureusement de cette façon la diversité des races humaines. On ne peut, suivant lui, assigner qu'une cause raisonnable à cette diversisté : la survenance occasionnelle, accidentelle d'enfants nés avec des caractères particuliers et jusqu'alors inconnus, qui en ont fait une variété nouvelle, et la perpétuation de cette variété par la génération.

Cet anthropologiste avoue que, dans l'état actuel de la science, on n'a aucun moyen d'expliquer ces survenances inattendues de nouvelles races; mais l'expérience démontre, dit-il, qu'elles sont possibles, et il en cite de nombreux exemples. Il rapporte, entre autres, celui d'un homme appelé Edouard Lamberg, né dans le comté de Suffolk, à qui l'on avait donné le sobriquet de Porc-Épic, parce qu'il avait tout le corps, moins la face, la tête, la plante des pieds et l'intérieur des mains, couvert d'excroissances assez analogues à celles dont le porc-épic est revêtu. C'était comme une sorte de verrues noires, d'une substance cornée, longues d'environ un pouce, serrées les unes contre les autres, raides, élastiques, résonnantes.

Cet homme fut présenté, en 1731, à la société royale de Londres. Il se maria et eut six enfants, tous porcs-épics de naissance, comme lui. Un seul de ces enfants vécut. Il se maria à son tour, et transmit à ses descendants le trait caractéristique de sa race. On a vu, en Allemagne, les deux enfants qu'il eut, John et Édouard Lamberg : ils avaient tous deux la peau recouverte des mêmes excroissances que leur père et leur aïeul.

Or, supposons maintenant, dit Lawrence, que, par l'effet de circonstances quelconques, cette famille se fût trouvée reléguée dans quelque île déserte, et s'y fût perpétuée par

la génération : elle aurait formé dans l'espèce une variété bien plus différente de nous que ne le sont les nègres; et si, plus tard, cette île avait été découverte, on n'aurait pas manqué de dire que c'étaient l'air, le sol, le climat qui en avaient ainsi défiguré les habitants; ou bien on aurait soutenu que c'était une espèce qui n'avait pu provenir d'aucune autre, une espèce originairement différente, et nul de nous sans doute n'aurait voulu reconnaître pour parente une race d'hommes porcs-épics (').

J'expose ces idées de Lawrence, sans les admettre ni les rejeter. Toutes ces questions plus ou moins curieuses, plus ou moins importantes, sont du domaine de la zoologie, et je n'ai point à m'en occuper dans cet ouvrage. Mais ce dont je peux et dois m'occuper ici, c'est de savoir si des différences aussi sensibles, aussi permanentes que celles qui existent entre les diverses variétés, n'en doivent entraîner aucune dans le degré de culture, et par suite dans le degré de liberté dont elles sont susceptibles.

Il est difficile de douter qu'elles n'en entraînent de considérables. On sait à quel point l'âge, les infirmités, les passions influent sur l'usage que l'homme est capable de faire de ses forces: comment la différence de conformation seraitelle, à cet égard, sans influence? On reconnaît que cette différence en peut mettre une grande entre la capacité de deux individus : comment n'en mettrait-elle aucune entre la capacité de deux races? On avoue que, hors du genre humain et dans les autres espèces d'animaux, toutes les variétés ne sont pas susceptibles d'une éducation uniforme; que, par

() V. l'ouvrage cité, p. 300, 446, 510, 515. (2) Ibid., p. 448 à 451.

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