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138664

TIMIAERZILA

D'UN TÉMOIN DE LA RÉVOLUTION,

OU

JOURNAL

DES FAITS QUI SE SONT PASSÉS SOUS SES YEUX, ET QUI ONT PRÉPARÉ ET FIXÉ LA CONSTITUTION FRANÇAISE.

JE

Mercredi 15 juillet.

E me rendis à l'Assemblée à dix heures; et autant que je puis me le rappeler, un bruit courait -déjà dans la ville que le roi allait venir à l'Assemblée. M. de Custines a proposé de faire une adresse au roi pour lui demander d'éloigner de lui les perfides conseils. M. de Sillery a lu un projet qui a été fort goûté de l'Assemblée, et dans lequel il disait « Les Français adorent leur roi, mais ils >> ne veulent pas avoir à le redouter (1). » M. de

(1) Cette phrase, copiée par Bailly dans le journal intitulé le Point-du-Jour, est rapportée par d'autres historiens d'une manière beaucoup moins absolue. Suivant ces derniers, elle aurait été ainsi conçue : « Les Français, Sire, adorent leurs rois, mais ils >> ne veulent jamais les redouter. » On comprend que cette rédaction attaquait bien moins directement Louis XVI.

Au reste, cette adresse de Sillery avait principalement pour but l'éloignement des troupes, le renvoi des ministres qui étaient

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Marguerites demandait que le roi vint dans l'Assemblée on arrêta enfin de faire sur-le-champ une députation au roi pour demander le renvoi des troupes, la libre circulation des approvisionnemens de Paris, l'autorisation de l'établissement de la garde bourgeoise, enfin une décision qui permit d'aller à Paris porter la nouvelle de l'éloignement des forces militaires, y rappeler l'ordre, tranquilliser et consoler les habitans. La députation allait partir (1), lorsque M. de Liancourt a

qualifiés de pestes publiques, et le rappel de Necker dont Sillery faisait le plus grand éloge. Elle se terminait ainsi :

« Daignez, Sire, écouter les vœux que nous formons. Par quelle fatalité Votre Majesté ne serait-elle inflexible qu'à la voix de la nation fidèle? Les flots de sang qui ont coulé empoisonneront la vie du meilleur des rois ; et la nation, Sire, va prononcer l'anathème contre ceux qui vous ont donné ces conseils sanguinaires.>>

Un nouvel historien de l'Assemblée constituante (M. Lacretelle jeune) assure que le but évident de l'adresse proposée par Sillery était de porter à de nouveaux excès le peuple de Paris. Il est permis de croire que cette opinion n'est pas exempte de prévention et même de légèreté. (Note des nouv. édit.)

(1) Au moment où cette députation allait partir, Mirabeau prit la parole, et lui adressa cette harangue trop remarquable sous plus d'un rapport pour ne pas trouver ici sa place.

<«<< Dites-lui bien (au roi), dites-lui que les hordes étrangères dont nous sommes investis ont reçu hier la visite des princes, des princesses, des favoris, des favorites, et leurs caresses, et leurs exhortations, et leurs présens; dites-lui que toute la nuit ces satellites étrangers ont prédit dans leurs chants impies l'asservissement de la France, et que leurs vœux brutaux invoquaient la destruction de l'Assemblée nationale; dites-lui que, dans son palais même, les courtisans ont mêlé leurs danses au son de cette

cependant elle y est facilement revenue. On

d'abord chargé la députation déjà nommée d'alle au-devant du roi, ensuite on a représenté qu'o ignorait quelles étaient les dispositions du roi, e

musique barbare, et que telle fut l'avant-scène de la Saint-Ba thélemy.

>> Dites-lui que ce Henri dont l'univers bénit la mémoire, cel de ses aïeux qu'il voulait prendre pour modèle, faisait passer d vivres dans Paris révolté, qu'il assiégeait en personne ; et que s conseillers féroces font rebrousser les farines que le commerce ap porte dans Paris fidèle et affamé. » (Note des nouv. édit.)

(1) Le nouvel historien de l'Assemblée constituante (M. Lacr telle jeune) rapporte comme un fait certain ce que Bailly ne don ici que sous une forme dubitative. Rabaut-de-Saint-Étienne, a torité plus sûre, confirme également cette assertion.

(Note des nouv. édit.)

>> cœur, que les désordres affreux qui règnent da » la capitale. Le chef de la nation vient avec co >> fiance au milieu de ses représentans leur tém »gner sa peine, et les inviter à trouver les moye » de ramener l'ordre et le calme.

»Je sais qu'on a donné d'injustes prévention » je sais qu'on a osé publier que vos personn

(4) Cette observation sur l'attitude convenable aux représent du peuple, lors de l'arrivée du roi dans l'Assemblée, fut faite Mirabeau. Quant à la phrase qui la termine, elle est emprun à Beauvais, évêque de Senez, elle se trouve dans l'oraison funè de Louis XV. L'évêque de Senez était membre de l'Assemblée co tituante; mais il n'y prit jamais la parole. Cependant il était gardé comme le premier des orateurs modernes dans l'éloque de la chaire.

(Note des nouv. édit.

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