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bonnes mœurs, au bien des familles et à celui de l'état; enfin vous réchauffez le fanatisme engourdi; vous rappelez à la vie la superstition agonisante pour le seul plaisir de violer toutes les règles de la saine politique. Ne voyez-vous pas encore le signal de la discorde élevée dans chaque ville, dans chaque village surtout les uns voudront un culte, les autres voudront s'en passer, et tous deviendront les uns pour les autres, suivant la diversité des opinions, des objets de mépris ou de haine. Et d'ailleurs, pouvez-vous compter pour rien le manquement à la foi publique donnée aux ministres actuels, au nom de la liberté même, par les premiers représentans du peuple, et le malheur de réduire à l'indigence un si grand nombre de citoyens? Ne craignez-vous pas que leur désastre paraisse même un sinistre présage à tous les créanciers de l'état?

› Si ce système est détestable en politique, il n'est guère meilleur en finances. C'est la dernière proposition que j'ai promis de prouver.

› Pour qu'une mesure financière soit bonne, il faut 1° qu'elle tende au soulagement des citoyens les plus indigens; 2° si c'est une mesure d'économie, il faut qu'elle porte sur les dépenses les plus inutiles, et qui peuvent être supprimées avec le moins d'inconvénient. Or, quoi qu'on en ait dit, loin que le système du comité soulage le peuple, il fait retomber sur lui tout le poids des dépenses du culte. Faites-y bien attention : quelle est la portion de la société qui est dégagée de toute idée religieuse? ce sont les riches; cette manière de voir dans cette classe d'hommes suppose chez les uns plus d'instruction, chez les autres seulement plus de corruption. Qui sont ceux qui croient à la nécessité du culte? ce sont les citoyens les plus faibles et les moins aisés, soit parce qu'ils sont moins raisonneurs ou moins éclairés; soit aussi par une des raisons auxquelles on a attribué les progrès rapides du christianisme, savoir que la morale du fils de Marie prononce des anathèmes contre la tyrannie et contre l'impitoyable opulence, et porte des consolations à la misère et au désespoir luimême, Ce sont donc les citoyens pauvres qui seront obligés de

supporter les frais du culte, ou bien ils seront encore à cet égard dans la dépendance des riches ou dans celle des prêtres; ils seront réduits à mendier la religion, comme ils mendient du travail et du pain; ou bien encore, réduits à l'impuissance de salarier les prêtres, ils seront forcés de renoncer à leur ministère; et c'est la plus funeste de toutes les hypothèses; car, c'est alors qu'ils sentiront tout le poids de leur misère, qui semblera leur ôter tous les biens, jusqu'à l'espérance; c'est alors qu'ils accusemont ceux qui les auront réduits à acheter le droit de remplir ce qu'ils regardent comme des devoirs sacrés. Vous parlez de ‍la liberté des consciences, et ce système l'anéantit; car réduire le peuple à l'impuissance de pratiquer sa religion, ou la proscrire par une loi expresse, c'est exactement la même chose. Or, nulle puissance n'a le droit de supprimer le culte établi, jusqu'à ce que le peuple en soit lui-même détrompé.

› Peu importe que les opinions religieuses qu'il a embrassées soient des préjugés ou non ; c'est dans son système qu'il faut rai

sonner.

> J'ai annoncé que le projet proposé ne portait pas sur la suppression du genre de dépense le plus onéreux et le plus inutile. Pour adopter un système d'économies vraiment utiles, il ne faudrait pas proposer des mesures isolées; il faudrait embrasser le système entier des dépenses et des dilapidations, et frapper sur les abus les plus crians.

› Les économies salutaires seraient celles qui rendraient impossibles les déprédations du gouvernement, en résolvant le problème encore nouveau pour nous d'une comptabilité sérieuse. Ce seraient celles qui ne laisseraient point à un seul l'administration presque arbitraire des domaines immenses de la nation, avec une dictature aussi ridicule que monstrueuse.

› Les véritables économies sont celles qui assurent, par des moyens infaillibles et simples, la subsistance publique.

› Les véritables économies sont celles qui enchaînent l'agiotage, qui proscrivent ce commerce scandaleux de l'argent qui

s'exerce sous vos yeux avec une impudence hideuse, et qui préviennent les faux publics.

› Les véritables économies seraient celles qui combleraient les gouffres dévorans qui menacent d'engloutir la fortune publique, en fixant des bornes sages à nos entreprises militaires. Il est temps de ramener votre attention sur cet objet important; il est nécessaire que vous vous formiez un plan à cet égard, et que vous preniez une idée précise et du but politique de la guerre, et des moyens que vous devez employer pour l'atteindre, si vous êtes convaincus qu'après avoir affranchi les peuples voisins chez qui vous avez porté vos armes, vous devez défendre leur liberté comme une partie de la vôtre; et, ramenant ensuite votre attention sur vous-mêmes, appliquer toute votre énergie à vos affaires domestiques, pour fixer au milieu de nous la liberté, la paix, l'abondance et les lois. Si tous les ministres et tous les généraux conforment leur conduite à ces principes, vous serez également économes et du sang, et des larmes, et de l'or de la nation. Mais si vous abandonnez la destinée du peuple au hasard ou à l'intrigue, vous ne ferez que creuser l'abîme où la fortune publique s'engloutira avec la liberté. La nouvelle ressource qui vous est offerte sera dévorée en un instant avec les domaines que la ruine de la royauté a remis dans nos mains. Tous ces immenses trésors n'auront servi qu'à enrichir la cupidité et la tyrannie, sans soulager l'indigence et sans secourir l'humanité. Législateurs, point de mesures mesquines et partielles, mais des vues générales et profondes; point d'engouement, point de précipitation, mais de la sagesse et de la maturité; point de passions, ni de préjugés, mais des principes et de la raison; enfin, des lois et des mœurs : voilà la plus utile de toutes les économies, voilà le seul moyen de sauver la patrie.

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FIN DU VINGTIÈME VOLUME.

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