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tionale soit instruite de tous les changemens dans la forme d'administration qui peuvent intéresser le bien public, et je crois celui-ci l'un des plus propres à prévenir toute espèce de défiance de la part des députés de la nation, en même temps qu'il est un des plus utiles à l'affermissement du crédit public.

:

Il est un autre motif qui rend votre concours nécessaire à l'exécution des vues de Sa Majesté. Le roi sent la convenance de choisir, dans l'assemblée nationale, la plupart des membres de ce comité; mais pour rémplir ce but, il faut que vous dérogiez en quelque chose, au décret que vous avez rendu pour obliger les membres de votre assemblée à n'accepter, pendant la durée de cette session, aucune place donnée par le gouvernement. Il me semble que le principe de ce décret n'est pas applicable au cas présent; vous aviez sûrement en vue, lorsque vous l'avez délibéré, de mettre à l'abri de toute séduction, de tout ascendant de la part du gouvernement, tous ceux qui composent votre assemblée mais dans cette occasion, c'est bien plus une charge pénible qu'une grâce ou une faveur qu'il serait question de confier à ceux qui seront nommés par le roi pour remplir le comité actif et permanent de trésorerie. Enfin, de quelque importance que soient les principes généraux, il est cependant des occasions où le législateur, dirigé par l'amour du bien de l'Etat, son premier objet d'intérêt doit consentir à quelques modifications. Il est très-important qu'un comité actif de trésorerie soit formé sans retard; et il est de la plus grande convenance aussi que tous ses membres, ou la plupart d'entre eux, soient choisis dans votre assemblée, parce qu'elle contient des hommes infiniment éclairés par leurs lumières naturelles, et par la connaissance qu'ils ont déjà prise au milieu de vous des affaires de finances; et enfin, parce qu'il est essentiel à mes yeux qu'il y ait une relation continuelle de vous, Messieurs, à l'administration des finances, et d'elle à vous, et que cette relation soit telle, qu'à chaque instant l'intérêt des finances, la connaissance de leur situation et de leur embarras, la prévoyance des événemens qui peuvent les concerner, s'unissent immédiatement au cours variable et souvent inattendu de vos dé

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libérations; et si l'institution dont je vous entretiens eût eu lieu depuis un certain temps, vous auriez vraisemblablement évité quelques erreurs relatives aux finances. Rien ne peut remplacer cette lumière qui dérive de l'expérience et de la connaissance habituelle de l'état des affaires; rien ne peut remplacer cet intérêt actif au succès d'une grande administration. Il y a et il y aura toujours une différence immense entre l'effet des examens que vous confiez à divers comités, et l'utilité de cette communication journalière des lumières et des observations de ceux qui dirigent le trésor public, et qui attachent à l'ordre et à la régularité de cette administration leur devoir, leur honneur, et tous les inté rêts qui agissent sur les hommes. On ne peut pas réparer les inconvéniens qui sont résultés dans le cours de votre session, de la séparation absolue de l'administration et de la législation des finances, et ce serait vous affliger inutilement que de vous en présenter le tableau; mais puisqu'il s'offre un moyen naturel de prévenir la continuation de ces inconvéniens par la formation d'un bureau actif de trésorerie, tel que je viens de l'indiquer, vous ne pouvez pas vous opposer à cet établissement, par la crainte vague et chimérique de l'esprit ministériel que pourraient revêtir ceux qui, parmi vous, seraient appelés par le roi à remplir ces fonctions. Ils ne changeront pas de caractère ni de principes, parce qu'ils seront attachés de plus près aux intérêts qui doivent yous occuper essentiellement; ils ne changeront pas de principes, parce qu'ils se rapprocheront d'un roi citoyen; ils ne changeront pas de principes, parce qu'ils auront des connexions avec des ministres qui, certes, sont aussi bons patriotes que vous, et même connus pour tels de toute la nation.

Je ne vous ai présenté jusqu'ici, Messieurs, que des idées tristes, et le tableau des embarras de l'année ne pouvait en offrir d'autres étendons maintenant notre vue plus au loin, afin de changer de perspective et de ranimer nos espérances. Nos difficultés présentes, quoique extrêmes, sont néanmoins, par leur nature, toutes passagères; franchissons-les avec une réu nion d'intérêt et de volonté; doublons avec hardiesse le cap

dangereux que nous avons à passer, et nous arriverons au port. En effet, Messieurs, nous éprouvons en ce moment les fâcheux inconvéniens attachés à l'usage d'un papier qui fait office de monnaie; mais le terme prochain de son extinction est indubitable, puisque vous y avez destiné le produit des ventes des biens ecclésiastiques et domaniaux, le produit du rachat des droits attachés à ces propriétés, et le produit encore du recouvrement des deux derniers tiers de la contribution patriotique. L'ensemble de ces ressources ne peut manquer de produire successivement, d'ici à deux ans, plus de deux cents millions; et en disposant à l'avance d'une telle somme par la négociation d'assignats à terme, il est évident que l'extinction de la partie des billets de cuisse, supérieure au nombre nécessaire à la circulation, ne peut pas être éloignée, et qu'ainsi leur importunité, quoique très-réelle, ne sera pas au moins de longue durée.

Remarquez, Messieurs, que si l'on n'a pu obvier à tous les inconvéniens qui résultent de l'admission des billets de caisse dans les paiemens, cependant l'administration des finances, par des soins multipliés, a garanti la chose publique des dangers éminens qui pouvaient accompagner cette admission, et qu'il y a lieu d'espérer que par la continuation de ses soins, elle en préservera encore assez long-temps pour voir arriver, dans l'intervalle, la diminution attendue et désirée, dans la quantité, et l'étendue des billets de caisse. Il fallait nécessairement payer en numéraire effectif toute la solde des troupes, et on y a pourvu malgré les retards de paiement, et le dépérissement de plusieurs revenus dans les provinces où ces troupes sont réunies en grand nombre; il a fallu souvent pour cela faire venir des monnaies d'argent des pays étrangers les plus voisins, et malgré la contrariété des changes et beaucoup d'autres, on est parvenu à remplir ce but, et les précautions sont prises pour les mois suivans. Il fallait se munir d'un numéraire suffisant pour payer également en argent réel tous les ateliers de charité, si multipliés aujourd'hui dans Paris, et les approvisionnemens considérables qui ont lieu deux fois par semaine aux marchés de Sceaux et de Poissy ;

on y a suffi, et de nouvelles précautions sont assurées. La caisse d'escompte, par une distribution journalière, pourvoit au moins aux paiemens en effectif que l'ordre public exige absolument, tels que la solde de la garde de Paris, et les secours indispensables aux chefs des principales manufactures, et plusieurs autres

encore.

Enfin, c'est ici l'objet essentiel : les approvisionnemens en blés et en farines ont été portés maintenant à un degré tel, qu'il y a tout lieu d'être parfaitement tranquille sur la subsistance de Paris pendant plusieurs mois.

Il me reste à faire observer encore, en parlant de notre situation présente, que tous les retards dans les paiemens, ou toutes les modifications auxquelles on aurait recours pour y satisfaire, sont encore des traverses passagères; aucune ne peut s'étendre au-delà de cette année, et plusieurs seraient promptement atténuées, si à la vue des dispositions salutaires que vous pouvez prendre en fort peu de temps, le crédit venait à se ranimer. »

En terminant, Necker présente diverses modifications pour convertir en impôts productifs, les anciens droits. Il propose la réforme des gabelles; la suppression des droits sur la circulation intérieure. Afin de les remplacer, il demande qu'on augmente l'impôt sur les successions indirectes qui n'est que d'un centième, et qu'on l'étende des immeubles réels sur lesquels il porte seulement, aux immeubles fictifs.

Le soir du jour même où ce mémoire fut lu, une députation de la municipalité de Paris. vint présenter une nouvelle pétition pour supplier l'assemblée nationale :

1° De ne point proroger au-delà du 1er juillet prochain, le délai fixé par le décret du 19 décembre dernier, pour le paiement, à bureau ouvert, des billets de la caisse d'escompte ;

2o De nommer, ainsi que l'administration de la caisse d'escompte le sollicite elle-même, des commissaires pour surveiller ses opérations, et pour s'assurer qu'il ne sera pas mis en circulation un plus grand nombre de billets que celui qui doit exister,

d'après les dispositions du décret de l'assemblée nationale du 19 décembre;

3° De ne point permettre qu'il soit créé des billets au-dessous de deux cents livres;

4° De peser dans sa sagesse, s'il convient d'attacher un intérêt progressif aux billets en circulation ;

5o De faire procéder le plus tôt possible à la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques, jusqu'à la concurrence de quatre cents millions, et de déterminer les biens sur lesquels devront porter les assignats. A l'effet de quoi l'assemblée arrête que la municipalité indiquera incessamment à l'assemblée nationale, ceux des biens du domaine et du clergé, situés dans l'étendue du département, qui peuvent être dès à présent vendus.]

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

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