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BERRY (Caroline-Ferdinande-Louise de Bourbon, duchesse de), fille de François Ier, roi de Naples, et nièce de Marie-Amélie, reine actuelle des Français, naquit à Naples, le 5 novembre 1798. Elle épousa, le 18 juin 1816, le duc de Berry. La jeune duchesse devint bientôt l'une des femmes les plus aimables de la cour. Avide de plaisirs, elle s'y livra avec une ardeur tout italienne, et sa conduite, surtout depuis la mort de son époux, donna lieu à quelque scandale, et fit même attaquer la légitimité de son fils. Mais en même temps elle se distinguait par sa bienfaisance et par la protection éclairée qu'elle accordait aux artistes. Sa galerie de Rosny était composée avec un goût exquis. Elle ne prit aucune part aux actes du règne de Charles X, et fut l'une des premières à faire à ce prince, au sujet de ses ordonnances, des représentations énergiques qui furent mal reçues.

Après la révolution de juillet, la duchesse de Berry suivit en Angleterre la famille de son époux. Mais elle la quitta bientôt, et, après quelques voyages et beaucoup d'intrigues, elle revint en France en 1832. C'est pendant qu'éclatait à Marseille la conspiration du Carlo-Alberto, qu'elle débarqua à l'ouest de cette ville, dans la nuit du 28 au 29 avril. De là, elle se diriges, en traversant la France, vers les départements de l'Ouest, où les carlistes l'attendaient pour se révolter. Le 3 juin 1832, l'insurrection avait pris un caractère assez sérieux pour que le gouvernement mit en état de siége les départements de Maine-et-Loire, de la Vendée, de la Loire-Inférieure et des Deux-Sèvres. Henri V fut proclamé roi, et Marie-Caroline prit le titre de régente de France. Mais l'esprit public avait fait des progrès dans l'ouest de la France depuis 1793; si l'on excepte les familles nobles, la population de ces départements est maintenant imbue des principes démocratiques les plus avancés. Il fut impossible de rétablir la Vendée; et sauf quelques gentilshommes, quelques vagabonds, quelques réfractaires et quelques aven

turiers, le parti carliste ou plutôt henriquinquiste fut peu nombreux. Toutes ses tentatives échouèrent devant la bravoure des troupes et surtout devant le patriotisme des gardes nationales. La défaite des chouans au château de la Penissière, le 7 juin 1832, jeta la consternation dans le parti, et l'arrestation de la duchesse de Berry à Nantes, au mois de novembre, mit fin à la guerre civile.

Depuis longtemps, le gouvernement savait que la prétendue régente résidait à Nantes, mais on ignorait le lieu qui lui servait de refuge, lorsqu'elle fut vendue par un de ses affidés, nommé Deutz. Le 6 novembre au soir, cet homme avertit l'autorité que la duchesse venait d'arriver à Nantes, et qu'elle était dans la maison de mademoiselle Duguigny, rue Haute-du-Château. Le quartier fut aussitôt cerné par douze cents soldats et par la garde nationale; mais toutes les perquisitions furent infructueuses, et l'on désespérait de rien découvrir, lorsque vers dix heures du matin, la duchesse sortit d'une cachette placée derrière une cheminée, dont la plaque servait d'entrée. On avait fait du feu toute la nuit dans cette cheminée, et la chaleur, qui était devenue insupportable dans le lieu où la duchesse se tenait cachée, l'avait forcée d'en sortir. Elle avait avec elle mademoiselle de Kersabiec, M. de Ménars et M. Guibourg, avocat de Nantes. Les prisonniers furent conduits au château, et de là emmenés, sur un bâtiment de l'Etat, à Blaye, où on les enferma dans la citadelle, depuis longtemps préparée pour les recevoir.

La cour royale de Poitiers avait rendu un arrêt qui mettait la duchesse et ses complices en état d'accusation pour provocation à la guerre civile, etc. Le public s'attendait à ce que la justice ordinaire serait chargée de juger cette affaire; c'était d'ailleurs une consécration du principe de l'égalité des Francais devant la loi, reconnu par la charte. Le gouvernement en décida autrement. Le 8 novembre, une ordonnance déclara qu'un projet de loi serait présenté aux chambres pour

statuer relativement à la duchesse de Berry. Le 5 janvier 1833, la chambre des députés fut saisie de l'affaire à l'occasion de nombreuses pétitions carlistes. Elle passa à l'ordre du jour. Le ministre des affaires étrangères, M. de Broglie, chercha dans un long discours à justifier les actes du pouvoir. Il plaçait la duchesse de Berry hors du droit commun, et déclarait qu'on ne pouvait laisser l'accusée développer devant le jury, c'est-à-dire, devant des juges désignés par le hasard, la question de savoir si Madame avait le droit de faire ce qu'elle avait fait; qu'il fallait enfin adopter l'avis de la commission, et que la duchesse devait rester emprisonnée dans une forteresse tant que la sûreté de l'État l'exigerait. M. Thiers donna de meilleures raisons pour ne pas envoyer la duchesse devant les assises; il invoqua entre autres la raison d'État, et fit craindre la possibilité d'un acquittement devant le manque de preuves matérielles. La question du droit commun trouva d'éloquents et d'habiles défenseurs dans MM. Salverte et Barrot. Malgré l'évidence de leurs arguments, la chambre vota pour le ministère. La duchesse de Berry resta en prison jusqu'au 8 juin 1833, époque où elle fut embarquée pour la Sicile. Pendant sa captivité, elle avait donné le jour à une fille et rendu public son mariage avec un Sicilien nommé Lucchesi - Palli. Elle perdait ainsi, aux yeux de son parti, ses droits à la régence; elle se trouvait déconsidérée aux yeux de tous, et la faction carliste participait aussi à la déconsidération de son chef. Ce résultat était sans doute avantageux pour la France. Mais n'était-on pas en droit de l'attendre également de la justice calme et impartiale du peuple et des tribunaux ordinaires?

BERRY (Charles-Ferdinand, duc de) naquit à Versailles, le 24 janvier 1778. Il avait douze ans lorsqu'il suivit son père, le comte d'Artois, dans l'émigration. Il fit ses premières armes, en 1792, au siége de Thionville, puis il servit à l'armée de Condé de 1794 à 1797, et se distingua par son courage

dans tous les combats que les émigrés livrèrent sur le Rhin aux armées françaises. Tels étaient les titres du duc de Berry à l'affection des Français lorsqu'il débarqua à Cherbourg, le 13 avril 1814. Pendant les cent jours, il commanda les troupes qui allèrent de Paris à Gand, et qui revinrent de Gand à Paris. Ce fut lui qui présida le collége électoral du Nord, en 1815. En 1816, il épousa une princesse napolitaine; les Bourbons comptaient par ce mariage assurer la continuation de leur race. Le 13 février 1820, le duc de Berry fut assassiné à l'Opéra par Louvel; mais la naissance d'un fils posthume ne changea rien aux espérances de sa famille, qui ne savait pas que dix ans plus tard elle serait obligée de quitter la France, et que cet enfant irait grossir la foule des prétendants au trône d'un pays qui ne reconnaît plus d'autre légitimité que celle que confère le libre choix de la nation.

BERRY (Jean, duc de), troisième fils du roi Jean et de Bonne de Luxembourg, naquit à Vincennes, le 30 novembre 1340, et reçut d'abord le titre de comte de Poitou. Après la bataille de Poitiers, à laquelle if assista, il fut, en vertu de la paix de Bretigny, envoyé en Angleterre, comme otage. Il y resta neuf ans, après lesquels Édouard III lui permit de revenir en France, pour moyenner sa rançon. Jean, qui n'avait qu'un congé d'un an, s'arrangea de manière à rester jusqu'à l'époque où la guerre recommença. Il ne pouvait plus alors retourner en Angleterre. En 1372, il commanda l'armée francaise en Guyenne, et enleva au prince Noir les villes de Limoges, Poitiers, Thouars et la Rochelle. A la mort de Charles V, il fit partie du conseil de régence, et se fit donner le gouvernement du Languedoc. En 1384, à la mort du comte de Flandre, il fut accusé de l'avoir tué. « Suivant un bruit qui se répandit en Flandre, le comte de Flandre avoit voulu exiger du duc de Berry l'hommage du comté de Boulogne, que ce prince tenoit du côté de sa femme, et qui toujours avoit relevé du comté d'Artois. Alors une vive que

relle s'étoit engagée entre eux; tellement, qu'après d'injurieuses paroles, le duc de Berry, transporté de colère, l'avoit frappé d'un coup de poignard (*). » En 1389, Charles VI, informé des horribles exactions que le duc de Berry commettait dans le Languedoc, résolut d'y mettre un terme. Il nous semble utile d'entrer dans quelques détails sur cette affaire où nos lecteurs trouveront de précieux renseignements sur l'administration des seigneurs féodaux. Charles VI était en paix avec les Anglais; il se laissa persuader par le sire de la Rivière qui revenait du Languedoc, de visiter cette province. Les plaintes arrivaient de tous côtés contre le gouverneur. « Un religieux de l'ordre de Saint-Bernard étoit courageusement venu de Toulouse raconter au conseil du roi comment les choses se passoient loin de ses yeux. On disoit que plus de quatre mille familles avoient déjà quitté le pays, pour aller s'établir en Aragon ou dans le royaume de Provence. » Charles VI visita, avec ses oncles, le duc de Bourgogne et le pape à Avignon; mais il les congédia ensuite, et se rendit seul dans le Languedoc. On vint lui dire pendant son séjour à Villeneuve « Ah! sire, le duc d'An« jou et puis le duc de Berry ont pillé « et dévasté cette contrée. Dans ce «< canton, et jusqu'à Nîmes et Montpel« lier, il y a encore quelque richesse; « il s'y fait du commerce, et les habi« tants s'enrichissent par terre et par « mer; mais plus vous irez, plus vous « trouverez de misère; dans les sé« néchaussées de Carcassonne et de « Toulouse, il ne reste rien de ce qui << a pu tomber sous la main de ces ducs. « Ils n'y ont rien laissé; vous allez « voir les gens si pauvres, que ceux qui, autrefois, passoient pour riches, « n'ont plus de quoi faire travailler << leurs vignes ou labourer leurs terres. « C'étoit tantôt le dixième, puis le <«< quart, et jusqu'au tiers, et quelque« fois le tout. Enfin, les seigneurs vos << oncles ont bien levé trois millions

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(*) Histoire des ducs de Berry, t. I, p. 295.

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« d'or depuis Villeneuve jusqu'à Tou«louse. Après le départ du duc d'An« jou, le duc de Berry trouva le pays « encore assez abondant, car celui-là « ne prenoit que sur ceux qui pou« voient payer; mais celui-ci est le plus « avide des hommes n'importe com<< ment l'argent lui arrive, pourvu qu'il « l'ait. Aussi n'a-t-il épargné person« ne (*). » Le roi chargea quelques prélats de faire une enquête. Le principal agent du duc de Berry, Béthisac (voy. ce mot), fut mis en jugement et brûlé comme hérétique. « C'était le moyen qu'on avait pris pour que le procès ne semblât point fait au duc de Berry lui-même.»

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En 1392, lorsque Charles VI devint fou, ses oncles reprirent le pouvoir.-Ah! « s'écria alors le duc de Berry, Clisson, « la Rivière, Noviant et Vilaines (con«seillers de Charles VI) ont été durs << et hautains envers moi! Au voyage « de Languedoc, ils m'ont ôté mon bon Béthisac, et l'ont sanguinairement puni par pure envie et méchanceté! Quelque chose que j'aie dite ou faite, « jamais je ne pus le tirer de leurs mains; qu'ils se gardent maintenant de moi! Voici l'heure où je vais les « payer en la même monnaie, et forgée « à la même forge. » Pendant tout le temps qu'il resta aux affaires, il se montra d'une violence inouïe. L'Université ayant demandé, en 1394, à présenter au roi un travail sur le schisme d'Occident contre le pape d'Avignon, le duc de Berry, gagné par ce dernier, fit signifier à l'Université qu'il ferait jeter à l'eau ses députés, s'ils persistaient dans cette démarche. En 1400, il se fit rétablir dans le gouvernement de Languedoc.

En 1402, la guerre étant imminente entre les ducs de Bourgogne et d'Orléans, le duc de Berry_parvint à réconcilier ces deux princes. Il tomba malade deux ans après; effrayé alors de l'approche de la mort, et tourmenté par ses remords, il fit implorer Dieu par des prières publiques et offrit des dons aux églises. Mais,

(*) Froissard.

au milieu des processions comman dées par le clergé, on entendait plus de malédictions que de prières. C'est alors que le duc fit une remise de vingt mille écus sur les derniers impôts. Malgré tout ce que put faire le duc de Berry, il n'en resta pas moins exécré. A Paris, le peuple démolit, en 1411, son hôtel de Nesle, et brûla, la même année, son château de Bicêtre, dont les peintures et la richesse étaient merveilleuses.

En 1412, on découvrit à la cour une trahison effroyable, tramée par le duc de Berry et le duc d'Orléans. Insatiables de pouvoir, ces princes avaient fait un traité avec le roi d'Angleterre. Jean s'engageait à lui livrer toute la Guyenne, à condition qu'il lui céderait le Poitou, qu'il tiendrait comme fief relevant de l'Angleterre. Le roi aussitôt alla prendre l'oriflamme à SaintDenis. C'était la première fois qu'on la déployait dans une guerre de Français contre Français. Bourges fut assiégé, et la paix conclue, à condition que le duc se soumettrait au roi et renoncerait à toute alliance avec l'étranger. Il redevint capitaine de Paris; et lorsque le traité d'Arras, en 1414, eut été signé, des bourgeois de cette ville vinrent le trouver pour se plaindre de ce que les princes avaient fait la paix sans prendre leur avis, comine on l'avait fait quelquefois. Ces prétentions révoltèrent son orgueil; il leur répondit : « Cela ne vous touche en « rien; vous ne devez pas vous entre« mettre entre le roi notre sire et nous qui sommes de sa famille; nous nous « courrouçons les uns contre les au<< tres quand il nous plaît, et, quand il « nous plaît, nous faisons la paix. »>

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Le duc de Berry joua un rôle plus convenable pendant l'année 1415. Lorsqu'on rassembla l'armée destinée à repousser les Anglais, « les bourgeois de Paris offrirent six mille hommes bien armés, en demandant qu'on les fit marcher en tête les jours de bataille; leur offre fut dédaignée. Le duc de Berry rappela inutilement la valeur qu'ils avaient montrée dans les derniers troubles, et leurs beaux faits

d'armes. Le maréchal de Boucicaut, le connétable et d'autres anciens chevaliers étaient bien du même avis; mais le duc de Bourbon, le duc d'Alençon et les jeunes seigneurs ne voulaient point des gens des communes, et disaient que ceux qui n'étaient point de leur avis avaient peur. « Qu'avons-nous affaire de ces gens de boutique? disaient-ils (*). Beaucoup de gens blåmaient cette arrogance, et rappelaient que la noblesse avait été battue à Crécy, à Poitiers, à Nicopolis: d'autres ajoutaient que, dans les temps où la France était puissante, on avait reçu à l'armée tous les gens de cœur sans distinction de condition.

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Ce fut en vain que le duc de Berry s'opposa à ce qu'on livrât la bataille d'Azincourt; mais il fut assez heureux pour empêcher le roi d'y assister. « J'ai vu, disait-il, la bataille « de Poitiers, où mon père le roi Jean « fut prins, et mieux vaut perdre la << bataille que le roi et la bataille. » Après cette terrible défaite, le duc de Berry s'efforça, en 1416, de faire accepter la paix que l'empereur Sigismond proposait de négocier entre la France et l'Angleterre. Il échoua devant l'opiniâtreté du connétable. Il mourut le 15 juin 1416, à Paris, regretté, il faut en convenir, car ceux qui lui survivaient, valaient encore moins que lui.

BERRY (Marie-Louise Élisabeth d'Orléans, duchesse de), naquit le 20 août 1695. Elle était l'aînée des filles de Philippe, duc d'Orléans, qui devint régent de France, et de FrançoiseMarie (mademoiselle de Blois), fille légitimée de Louis XIV et de madame de Montespan. Elle se trouva, dès sa plus tendre jeunesse, entre une mère qui la traitait avec dureté, et un père qui avait pour elle une extrême indulgence. Son éducation s'en ressentit. « Elle a été, dit la duchesse douairière

d'Orléans, dans ses Mémoires, mal « élevée, ayant presque toujours été « avec les femmes de chambre...... « Depuis l'âge de huit ans, on lui a (*) Barante, Histoire des ducs de Bourgogne.

« laissé faire sa volonté; il n'est donc « pas étonnant qu'elle soit comme un «< cheval fougueux. » Cependant elle ne manquait ni d'instruction ni d'agréments, et quoiqu'elle fût dépourvue de beauté et marquée de la petite vérole, elle plaisait par un air d'abandon et de naturel, et par la grâce et la finesse de son esprit : « Née avec un esprit supérieur, dit Saint-Simon, et, « quand elle le vouloit, également « agréable et aimable, et une figure « qui imposoit et qui arrêtoit les yeux, mais que sur la fin le trop d'embon« point gâta un peu, elle parloit avec « une grâce singulière, une éloquence « naturelle, qui lui étoit particulière, « et qui couloit avec aisance et de << source, enfin avec une justesse d'ex<< pression qui surprenoit et qui char<< moit. En 1710, elle devint d'âge à être présentée à la cour et dans le monde; mais de frivoles raisons d'étiquette et de droit de préséance obligèrent sa mère à retarder ce moment. Elle commença d'abord par la faire appeler simplement Mademoiselle, au Palais-Royal; et la cour et le monde s'accoutumèrent à lui donner ce nom, jusqu'à ce que la jeune princesse l'eût échangé contre celui de duchesse de Berry. Pour arriver à ce mariage, qui eut lieu le 6 juillet 1710, et qui avait longtemps été l'objet de l'ambition de Mademoiselle et de sa famille, il avait fallu vaincre les répugnances de Louis XIV et de madame de Maintenon, et gagner les partis religieux ainsi que les confesseurs du roi. Parvenue enfin au comble de ses vœux en devenant l'épouse d'un petitfils de Louis XIV, la duchesse de Berry laissa voir sans contrainte et sans deguisement la perversité d'un naturel qu'elle avait jusqu'alors dissimulée sous l'étourderie du jeune âge. Elle abusa de la faiblesse de son mari pour le brouiller avec le duc de Bourgogne, son projet étant de s'appuyer du dauphin, son beau-père, pour dominer la cour. Mais la mort de celui-ci ayant fait échouer ce projet, elle tourna toute sa rage et le désespoir de son ambition déçue contre la veuve du

dauphin, « qu'elle paya, dit Saint-Si«mon, de l'ingratitude la plus noire, « la plus suivie, et la plus gratuite. » Elle traita sa mère avec un insolent mépris, et commença ouvertement le cours de ces scandales qui ne devaient trouver un terme qu'au fatal souper de Meudon.

Un des premiers amants de la princesse fut la Haye, écuyer dụ duc de Berry : elle voulut se faire enlever par lui, et emmener en Hollande. La Haye crut devoir en avertir le duc d'Orléans, qui ne parvint qu'avec beaucoup d'efforts à faire abandonner à sa fille un projet si insensé. Cette tendresse que le duc d'Orléans avait toujours montrée pour sa fille, fit supposer entre eux un amour incestueux; et si le père et la fille furent calomniés dans cette circonstance, on peut dire du moins, avec vérité, que la clameur publique s'appuyait sur de fortes présomptions. Sur ces entrefaites, la duchesse de Bourgogne mourut presque subitement. Quelques soupçons d'empoisonnement planèrent sur la duchesse de Berry, qui, peu de temps avant la mort de la duchesse de Bourgogne, avait proféré contre elle de sombres menaces. La mort prématurée du duc de Berry, qui arriva bientôt après, ne fit qu'ajouter à tant de motifs de suspicion. Il est aujourd'hui impossible d'éclaircir ces faits sur lesquels les mémoires du temps n'offrent rien que de vague. « Le roi, dit M. La« cretelle, crut cette fois tout ce que « son repos l'invitait à croire. » Il alla visiter la duchesse de Berry, et lui manifesta un intérêt qu'il ne lui témoignait plus depuis longtemps. Madame de Maintenon, que les scandales de la duchesse avaient révoltée, se rapprocha aussi d'elle et essaya de lui faire prendre, auprès du roi, la place qu'avait eue la feue dauphine. La mort de Louis XIV, en appelant le duc d'Orléans à la régence, redoubla l'orgueil et les extravagantes prétentions de la duchesse. Une fois elle parut au spectacle sous un dais; une autre fois elle reçut l'ambassadeur de Venise en s'asseyant sur un fauteuil élevé sur

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