Page images
PDF
EPUB

où le moindre faux pas peut les entraîner, ne saurait les émouvoir. Elles se préparent avec joie comme s'il s'agissait d'un jour de fête, et veulent elles-mêmes transporter l'artillerie et les munitions sur des pentes où les chevaux et les mulets ne sauraient les conduire. On démonte les affûts. Les canons et les caissons sont placés dans des troncs d'arbres creusés en forme d'auges. Cent hommes attelés à un câble les traînent à la prolonge. Les caissons vides et les essieux sont conduits sur des traîneaux fabriqués à Auxonne. Les mulets sont chargés des munitions renfermées dans des caisses de sapin. Pour encourager les soldats, Bonaparte leur promet une récompense de mille francs par canon amené, avec son caisson, au delà de la montagne. Mais cette promesse était inutile; leur zèle n'avait pas besoin d'être excité. Quand, après deux jours de fatigues inouïes et de travaux pénibles, on leur apporta la somme promise, ils la refusèrent. Le reste des soldats grimpe ensuite, un à un, chargé de ses armes, de munitions et de vivres pour cinq jours; leur fardeau est doublé par les armes, la nourriture et les munitions de leurs camarades employés aux transports des bagages. Le poids dont ils étaient chargés était au moins de soixante et dix livres.

Le 17 mai, l'avant-garde française quitte Saint-Pierre; la montagne commence à y devenir assez rapide pour qu'on ne puisse plus y faire usage de voitures; elle ne présente plus de chemins battus. Le général Watrin, commandant la première division, avait été suivi de l'armée qui se trouvait réunie à Saint-Pierre. De ce lieu au sommet du Saint-Bernard, la seule voie de communication est un sentier où peut à peine marcher un seul homme de file; les transports se font à dos de mulet. Des rochers entassés, entre lesquels on passe à travers mille détours, sont les seuls objets qui se présentent à la vue. Le chamois et l'alouette sont les seuls habitants de ces contrées désertes. La végétation y est à peu près nulle: les derniers sapins sont à une

lieue de Saint-Pierre; plus loin se trouvent seulement quelques buissons épars, et des arbres avortés. La neige est constamment entassée sur ce terrain glacé ; les pas de voyageurs n'impriment aucune trace sur sa surface durcie. C'est par ce chemin difficile que s'avance l'armée française, portant son artillerie, ses munitions et ses vivres. Dans les lieux difficiles, les tambours battent la charge, on entonne des chants guerriers, et les obstacles sont vaincus. Si quelque soldat s'écarte de la trace étroite frayée par ceux qui l'ont précédé, il est infailliblement englouti. C'est dans la neige sur laquelle il marche que le soldat trempe son biscuit pour se désaltérer. C'est en chantant qu'il se délasse de ses fatigues. Cinq heures sont employées, le 18 mai, à parvenir à la cime du Saint-Bernard, vers la maison des Ermites. Là, d'après les ordres du premier consul, l'armée trouva des tables dressées sur la neige; les soldats y prirent un repas inattendu, auquel présidèrent, avec une patience et une gaieté admirables, les vénérables cénobites de l'hospice.

Arrivée sur ce sommet, l'armée n'avait pas surmonté les plus grands obstacles. La descente du mont SaintBernard à Vercey, premier village du Piémont, promettait moins de fatigues, mais offrait encore plus de dangers. On avait encore à faire six lieues d'un chemin que l'extrême rapidité de la descente rendait terrible. Le cavalier fut obligé d'y précéder ou d'y suivre son cheval; il ne pouvait marcher à côté sans s'exposer à tomber dans des abîmes. On ne pouvait faire quelques pas sans trouver des crevasses formées par la fonte des neiges; les chevaux faisaient souvent des glissades périlleuses. Les hommes, malgré toutes leurs précautions, tombaient fréquemment; et, s'ils ne se relevaient lestement, ils couraient risque d'entraîner leurs chevaux hors du sentier, et de périr avec eux. Malgré les plus grandes précautions, on voyait beaucoup d'hommes glisser et disparaître aussitôt, ensevelis dans des précipices d'une ef

froyable profondeur. Bonaparte, après s'être reposé une heure au monastère, voulant rejoindre son armée, suivit un sentier frayé par quelques fantassins. Vers le milieu du chemin, la descente se trouva si rapide qu'il fut obligé de s'asseoir et de glisser sur un espace d'environ deux cents pieds. Ses aides de camp précédaient les colonnes dans cette marche pénible. Elle dura depuis une heure du matin jusqu'à neuf heures du soir. L'armée employa trois jours à défiler, et à se rendre à Etroubles, près d'Aost et des avant - postes autrichiens, où elle retrouva enfin la verdure et une température plus douce. BERNARD (prise du petit SAINT-). Les Piémontais avaient élevé, en 1794, des fortifications pour défendre le passage du petit Saint-Bernard. Ces fortifications furent enlevées à la baionnette, le 28 avril de la même année, par les Français commandés par le général Bagdelone.

BERNARD, roi d'Italie, était fils de Pepin et petit-fils de Charlemagne. Quand son père mourut, il ne le remplaça point immédiatement sur le trône; ce ne fut que deux ans après (812) que Charlemagne lui donna l'Italie à gouverner. Il semblait que Bernard dût succéder, comme empereur, à son illustre aïeul, car il était fils de Pepin, le frère aîné de Louis, roi d'Aquitaine. Toutefois, ce fut Louis le Débonnaire qui fut reconnu comme le chef de l'empire. On peut croire que Louis, dès son avénement, ne vit point régner sans inquiétude son neveu qui avait des droits supérieurs aux siens. D'abord il lui enleva Adhalard et Wala, les habiles conseillers que Charlemagne lui avait donnés; et, après l'avoir fait venir d'Italie, il l'humilia à Aix-laChapelle par de sévères remontrances. Bernard retourna dans ses États; mais la malveillance de Louis et de l'impératrice Hermengarde ne cessa point de le persécuter. Il essaya enfin de résister, au moment où l'empereur portait une nouvelle atteinte à ses droits en associant Lothaire à l'empire, l'aîné de ses enfants. Mais il fut abandonné des siens, et obligé de venir im

plorer la clémence de l'empereur. Malgré le sauf-conduit qui lui avait été donné par l'impératrice Hermengarde, il fut arrêté et jeté dans une dure prison. On le jugea (818), et il fut condamné à mort. L'empereur commua la peine, et Bernard ne dut perdre que les yeux. L'exécution fut faite avec tant de cruauté, que, trois jours après, le malheureux prince expira dans les plus intolérables souffrances.

BERNARD, fils de saint Guillaume, duc de Toulouse, fut nommé, en 820, duc de Septimanie par Louis le Débonnaire. Il se signala d'abord contre Aizon, qui, soutenu par Abdérame II, roi maure de Cordoue, avait excité une révolte dans la Marche d'Espagne. Il fut ensuite appelé à la cour impériale par l'impératrice Judith, qui désirait s'en faire un appui contre les enfants du premier lit de l'empereur. La faveur dont il jouit, les mesures qu'il prit pour assurer à Charles, fils de Judith, un royaume qui ne pouvait être pris que sur les parts accordées précédemment à ses frères du premier lit, mécontentèrent les grands, et bientôt il se forma contre lui et l'impératrice une vaste coalition; on les accusa de tyrannie, de sortiléges et même d'adultère. Forcé de fuir, Bernard se retira, avec Judith, à Barcelone, capitale de son duché de Septimanie. L'année suivante, il vint se présenter à la diete de Thionville, et se purgea de l'accusation qui pesait sur lui, en offrant le duel à quiconque oserait la soutenir. Il ne rentra cependant point en faveur auprès de l'empe reur. Piqué alors de ce qu'il regardait comme un affront, il se lia avec Pepin, roi d'Aquitaine, et prit part à toutes les entreprises de ce prince contre son père. Pour l'en punir, Louis le depouilla, en 832, de son duché de Septimanie. Mais ensuite Bernard prit avec Pepin, contre Lothaire, le parti de l'empereur, qui lui rendit son duché en 833. Deux ans après, il succéda à Béranger dans le duché de Toulouse. Mais, en 840, ses relations avec Pepin II, roi d'Aquitaine, le rendirent suspect Charles le Chauve, qui lui retira le du

ché de Toulouse. Toutefois, l'année suivante, Bernard suivit l'empereur, avec les troupes de ses provinces, sur le champ de bataille de Fontenai. Mais il ne prit point part à l'action, et se contenta d'en être spectateur, attendant que l'événement lui fît connaître le parti le plus avantageux. Irrité de cette conduite, qui pouvait être qualifiée de trahison, Charles le Chauve le traduisit devant une diète qu'il assembla en 844, en Aquitaine, le fit condamner comme coupable de lèse-majesté, et le livra au dernier supplice. Suivant d'autres annalistes, Bernard s'était réconcilié avec l'empereur, et avait conclu avec ce prince un traité qu'ils avaient tous deux signé du sang de Jésus-Christ, pour le rendre inviolable. Mais lorsqu'en conséquence de ce traité, le duc de Septimanie vint à Toulouse pour faire sa soumission, Charles, en l'embrassant, lui enfonça un poignard dans le cœur; puis, après l'avoir renversé, s'écria, en mettant le pied sur son corps: « Malheur à toi, « qui as osé souiller le lit de mon père « et de mon seigneur! Suivant le même annaliste, Charles commit en même temps un parricide, car sa res. semblance avec Bernard ne permettait pas de douter que celui-ci ne fût son père.

BERNARD (saint), l'homme qui, dans le douzième siècle, par son ardente et austère piété, par son zèle à défendre les dogmes et les priviléges de l'Église, par son héroïque charité et son impérieuse orthodoxie, représenta le mieux l'esprit religieux et théocratique du moyen âge, naquit, en 1091, en Bourgogne, dans un village voisin de Dijon. Tout jeune encore, sa vocation s'annonçait par un détachement singulier de tous les plaisirs de son âge, par le goût de la solitude, de la prière et de l'abstinence. En même temps, avec la promptitude d'une intelligence heureuse, il acquérait toutes les connaissances que l'enseignement comprenait au moyen âge, et l'étude remplissait tous les instants qu'il ne consacrait pas à la piété. A peu de distance de Dijon, près du

bourg de Citeaux, une abbaye, récemment fondée, réunissait un petit nombre de religieux soumis à une règle austère. La retraite et le renoncement aux vanités du monde, voilà ce que désirait l'âme du jeune Bernard: il courut prononcer ses vœux à Citeaux; mais il n'y vint pas seul. Il entraînait à sa suite beaucoup de ses compagnons d'études et plusieurs personnes de sa famille; car il avait déjà cette éloquence irrésistible qui part de la conviction, et cette autorité que donne la vertu. Les religieux de Citeaux durent à ces nouveaux frères et à la réputation naissante de celui qui les amenait une prospérité et un éclat que l'abbaye n'avait point eus jusqu'alors.

Bientôt cet ordre fut assez florissant pour se répandre et diriger sur plusieurs points des colonies. Un de ces détachements s'arrêta dans la vallée de Clairvaux, lieu stérile et dé-sert, voisin de la rivière d'Aube. Saint Bernard avait été choisi pour fonder et gouverner la nouvelle abbaye: il s'acquitta si bien de sa tâche, qu'au bout de peu de temps, l'abnégation et l'austérité des moines de Clairvaux, l'ordre et la règle de la maison, étaient un sujet d'admiration non-seulement pour la contrée, mais pour toute la France, et que le bruit commençait à s'en répandre chez les étrangers. Indifférent à sa réputation, saint Bernard partageait avec l'humilité qui donne la foi les exercices et les privations de ses religieux, ou plutôt l'emportait en austérité sur eux tous: il n'interrompait les pratiques de la plus rigoureuse dévotion que pour chercher dans l'étude de nouvelles connaissances, ou défricher de ses mains le sol rebelle du désert.

Cependant il va sortir de sa solitude et se mêler au monde; mais ce sera pour servir d'une manière plus active la cause de la religion et de l'Eglise. Du reste, pour qu'il adopte ce rôle éclatant, il faut qu'on le vienne chercher : il n'y prétend pas de lui-même; et si on lui soumet les plus grands intérêts, si on lui

confie les missions les plus hautes, c'est que ses vertus ont attiré sur lui les regards de tous. En 1128, au concile de Troyes, il fut chargé de rédiger les statuts de cette milice religieuse, qui, après la première croisade, s'était dévouée en Palestine à la défense des pèlerins, au soulagement des malades et à la garde du saint temple, dont elle portait le nom. La même année, deux prélats de l'Eglise de France étaient en lutte avec le roi Louis VI, qui ne voulait point souffrir les empiétements de l'épiscopat sur l'autorité temporelle. Dépouillés de leurs priviléges par la royauté, l'archevêque de Sens et l'évêque de Paris déférèrent leur cause à l'abbé de Clairvaux. Il la soutint avec une chaleur et une liberté qu'on n'eût pas attendues de ce moine si humble et si patient: mais, quand il voyait la puissance ecclésiastique attaquée ou compromise en quelque chose, saint Bernard devenait un autre homme, et son zèle inflexible frappait sans crainte comme sans pitié sur les profanes qui osaient porter leurs mains sur l'arche sainte. Dans ce démêlé où il intervint, l'ardeur de sa conviction l'emporta souvent hors des bornes, et il traita la royauté avec une violence et un mépris qui rappelaient Grégoire VII. Dans sa pensée, aucun gouvernement n'était aussi désirable pour l'humanité que celui de l'Église, et le pape était la clef de voûte de l'édifice social.

Mais déjà se prépare pour lui une mission pius glorieuse que celles qu'il a remplies jusqu'à ce jour. En 1130, le concile d'Étampes s'assembla pour faire cesser le schisme causé par la double élection d'Innocent et d'Anaclet. Il fallut se décider pour l'un ou l'autre des deux compétiteurs : quoique toutes les lumières de l'Église fussent réunies dans ce concile, l'assemblée crut ne pouvoir mieux faire que de remettre le jugement de la cause à saint Bernard. Ainsi, un simple abbé disposait du siége pontifical et voyait le monde chrétien soumis à son arbitrage. Saint Bernard prononça en faveur d'Innocent II. Mais il ne suffisait pas de

rendre une sentence pour terminer le schisme, il fallait la faire approuver des princes qui avaient adopté l'antipape. Ce fut pendant sept ans l'objet des efforts de saint Bernard. Ce fut l'époque la plus active de sa vie. Il se rendit à la cour d'Angleterre, passa en Allemagne, fit plusieurs voyages en Italie : partout sa vive éloquence peignait aux souverains les malheurs de l'Église déchirée. On ne résistait pas à la force de ses arguments et de ses prières et à la grâce animée de ses discours. C'est ainsi qu'il gagna successivement à Innocent II l'hommage de Henri Ier d'Angleterre, de l'empereur Lothaire, des Milanais, de Roger, roi des Deux-Siciles. En 1138, le schisme était fini, et l'Église pacifiée.

A cette époque, un homme qui, par sa science, par la hardiesse de son esprit, par l'intérêt qu'appelaient sur lui les égarements et les malheurs d'une passion touchante, exerçait sur son siècle une influence d'une tout autre nature, Abelard, venait de remonter dans sa chaire, qu'il avait quittée pour le cloître, et la foule accourait de nouveau pour applaudir le langage de cette raison subtile et fière qui entreprenait de démontrer les dogmes religieux par les lumières naturelles. Aux yeux de saint Bernard, la foi était au-dessus du raisonnement, et vouloir prouver par les seules forces de l'esprit une religion qui les dépasse lui paraissait

une

erreur coupable, dangereuse, contre laquelle il fallait se hâter de sévir. Le goût naissant de l'examen et du libre penser, et l'esprit exclusif de l'autorité religieuse, le fondateur de la scolastique, et le vigilant défenseur de l'orthodoxie absolue, se rencontrèrent sur le champ de bataille des conciles. Saint Bernard combattit son adversaire avec un emportement et une violence qui lui ont attiré de sévères reproches; mais la tolérance se concilie moins aisément qu'on ne croit avec la conviction : les hommes d'action seraient moins puissants s'ils étaient plus modérés, et la passion est une partie de leur force. D'ail

leurs, après avoir fait condamner Abélard, saint Bernard, qui ne détestait que ses opinions, se rapprocha de lui, et l'abbaye de Cluny fut témoin de leur réconciliation touchante.

Cependant l'Église, triomphante en Occident, venait d'essuyer en Orient de déplorables revers. L'empire fondé par les chrétiens en Palestine venait d'être presque entièrement détruit par les infidèles, et les armées de Nouraddin pressaient le siége de la ville sainte. Un seul homme pouvait en peu de temps réveiller la piété dans le cœur des princes et entraîner l'Europe à la croisade. Le pape Eugène III se reposa de tout sur l'abbé de Clairvaux. Alors on vit éclater avec plus d'ardeur que jamais le zèle de saint Bernard; on vit se renouveler tous les prodiges de son éloquence. A sa voix, tous se levaient, tous couraient aux armes; les femmes et les enfants se croisaient comme les guerriers. Louis VII décida la guerre sainte à l'assemblée de Vezelay, au milieu de l'enthousiasme universel excité par le prédicateur. Saint Bernard se multipliait; on le voyait tour à tour en France, en Allemagne ; partout ses efforts hâtaient les préparatifs. Quand l'armée fut réunie, on lui en offrit le commandement. Mais il comprit où s'arrêtait sa mission, et refusa un honneur qui, dans la première croisade, avait été pour Pierre l'Ermite un fâcheux écueil. Tandis que les croisés partaient, il fit une chose que les amis de l'humanité trouvent plus glorieuse pour lui que la prédication de la croisade, il prit la défense des juifs d'Allemagne contre lesquels un moine fanatique avait soulevé une multitude ignorante, et qu'on s'apprêtait à massacrer dans plusieurs villes. Opposé à l'emploi de la force et des armes, excepté lorsqu'il fallait défendre le tombeau du Christ, saint Bernard voulait que les chrétiens ne combattissentl'hérésie que par le raisonnement et la persuasion. Il est l'auteur de cette parole qui peut servir de devise à la tolérance chrétienne : « Que les héréti

ques soient réduits par les arguments et non par les armes: Hæretici capiantur non armis, sed argumentis. » C'est de cette manière qu'il triompha vers le même temps des erreurs de Pierre de Bruis et de Gilbert de la Porrée, et qu'il attaqua l'audacieuse doctrine d'un célèbre disciple d'Abélard, Arnaud de Brescia.

Malgré les services qu'il avait rendus à l'Église, malgré son immense réputation de savoir et de sainteté, saint Bernard n'était encore qu'abbé de Clairvaux. Jugeant que c'était assez pour lui de pouvoir se rendre utile, il ne voulut jamais d'autre titre. Les offres les plus brillantes ne purent le faire renoncer à cette sainte demeure, où il revenait toujours dans l'intervalle de ses pieuses entreprises, et où il mourut après avoir donné jusqu'au bout à ses religieux l'exemple de toutes les vertus chrétiennes. Sa mort arriva en 1153. En 1174, il fut canonisé, du consentement unanime de toute l'Église.

Un des plus grands noms de l'histoire religieuse du moyen âge, saint Bernard, occupe une place non moins importante dans l'histoire des lettres. La chaleur de l'âme et les leçons de l'étude lui firent trouver plus d'une fois la véritable éloquence au milieu d'un siècle barbare. Malheureusement, les discours qu'il prononçait en langue vulgaire, ceux qu'il adressait au peuple, et qui produisaient, suivant des témoignages contemporains, des effets si puissants, ne sont pas venus jusqu'à nous; c'est là qu'il dut mettre le plus de force, de pathétique et d'entraînement. Nous n'avons que les sermons qu'il prononça en latin, et qui avaient pour auditeurs les religieux qu'il travaillait à maintenir dans la discipline. On sent que ce genre de sujet comportait moins de variété et de mouvement. Toutefois, dans ces sermons, plusieurs passages où il s'anime en flétrissant les joies du monde et la dissolution qui s'introduit dans l'Église, d'autres où il s'indigne contre la témérité sacrilége des novateurs, d'autres où il se plaît à retracer les pures jouissances de la vie monasti

« PreviousContinue »