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Passarge, et prit position le long de cette rivière, en étendant sa ligne jusqu'aux bords de la Baltique; il prit enSuite possession d'Elbing et de Braunsberg. L'armée russe venait d'être battue à Pultusk et Ostrolenka, et l'empereur avait ordonné les quartiers d'hiver; mais le général russe, voulant réparer par la ruse les échecs qu'il venait d'essuyer, porta subitement son armée de sa gauche à sa droite, et parut à Bartenstein avec soixante mille hommes, au moment où le prince de PonteCorvo recevait l'ordre de cantonner le long de la Passarge. Le projet du général russe était de percer la ligne du prince, qui se trouvait très-faible en raison de son étendue jusqu'à la mer, et d'aller s'emparer du pont de Thorn, tandis que la presque totalité de l'armée française était encore dans les environs de Pultusk et de Varsovie. La vigilance de Bernadotte déconcerta ce projet en vingt-quatre heures, il ploya toute la ligne, qui occupait plus de vingt lieues d'étendue, donna rendez-vous à tous ses détachements à Mohrungen, et y arriva lui-même le 25 janvier, au moment où l'avant-garde de l'armée russe débouchait par la route de Liebstadt. Il rangea ses troupes en bataille devant Mohrungen, et reçut l'ennemi de pied ferme. Le combat fut opiniâtre : le général russe voulait poursuivre sa route; mais Bernadotte avait senti la nécessité de l'arrêter; il y réussit; l'ennemi fut battu et repoussé à deux lieues en arrière. Dès lors, son projet avait échoué; le prince de Ponte-Corvo resta sur le champ de bataille toute la journée suivante, et le surlendemain, il commença lentement un mouvement en arrière pour couvrir Thorn, disputant le terrain pas à pas, et attirant ainsi sur lui le général russe, jusqu'à ce que l'empereur, par son grand mouvement, l'eût forcé à renoncer à son entreprise.

Des négociations avaient été entamées; mais elles furent rompues, et deux colonnes russes tentèrent de passer la rivière à Spandau; Bernadotte les repoussa après un combat meurtrier, dans lequel il fut grièvement

blessé d'un coup de feu à la tête, ce qui ne l'empêcha pas de commander jusqu'à ce que l'ennemi fût rejeté à plus d'une lieue de distance; mais les suites de sa blessure le contraignirent de quitter ce beau premier corps qu'il avait formé lui-même, avec lequel, depuis son départ de Hanovre, il avait eu tant de succès, et dont les regrets de passer sous un autre commandement se manifestèrent aussitôt avec franchise.

Après la paix de Tilsitt, l'empereur confia au prince de Ponte-Corvo lecommandement des villes hanséatiques; en 1808, Bernadotte entra en Danemark, et réunit sous ses ordres un corps considérable de Français, d'Espagnols et de Hollandais, cantonnés dans les environs de Hambourg, avec lequel il passa dans la Fionie et le Jutland; on sait comment la division espagnole de la Romana, forte de dix mille hommes, s'échappa à l'aide des Anglais.

Rappelé en Allemagne, lorsque la guerre éclata de nouveau, en avril 1809, entre l'Autriche et la France, Bernadotte commanda le 9 corps, composé presque tout entier de Saxons. Il obtint, dès le 17, en avant du pont de Lintz, un avantage important sur les Autrichiens, opéra ensuite sa jonction avec la grande armée, et assista, le 6 juillet, à la bataille de Wagram. Ce fut de ce champ de bataille, qu'accablé par le nombre, écrasé par l'artillerie supérieure de l'ennemi, il donna ordre au général Dupas, qui faisait partie de son corps, d'avancer pour soutenir les Saxons; le général Dupas refusa d'obéir, alléguant qu'il avait ordre supérieur de tenir sa position. Bernadotte envoya à plusieurs reprises à l'empereur des aides de camp chargés de lui demander des renforts, avec lesquels il aurait pu reprendre l'offensive; mais l'empereur lui faisait répondre sans cesse de tenir toujours et d'attendre. Le prince et ses soldats tinrent en effet jusqu'à la fin de la bataille; mais les malheureux Saxons avaient péri presque tous lorsque l'action se termina. Bernadotte se rendit en hâte au quartier général, se plai

T. II. 27 Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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gnit énergiquement à l'empereur de cette violation des règles militaires, et finit par lui offrir sa démission, que Napoléon accepta, après l'avoir d'abord refusée.

Bernadotte était à peine depuis vingt jours à Paris que l'expédition anglaise parut à l'embouchure de l'Escaut. En l'absence de l'empereur, le conseil des ministres le désigna pour aller combattre l'armée anglaise: Napoléon ratifia ce choix.

Le prince de Ponte - Corvo arriva à Anvers, qu'il trouva dénué de tout moyen de défense: il dut improviser des ressources; en un moment les gardes nationales furent organisées. La multiplicité des marches et des contre-marches trompa l'ennemi, qui crut que le général français avait à sa disposition des forces considérables, évacua l'île Sud-Bévéland, puis celle de Walcheren, et renonça enfin à son entreprise.

A peine Bernadotte avait-il terminé en soixante jours cette campagne, l'une de celles qui lui font le plus d'honneur, qu'il dut résigner son commandement dans les mains du maréchal Bessières. L'empereur, vivement irrité contre lui pour quelques passages d'une proclamation qu'il avait faite à son armée, le faisait remplacer dans son commandement, et mandait au ministre de la guerre de lui défendre le séjour de la capitale. Instruit de cet ordre à son arrivée à Paris, le prince y répondit en refusant de s'y soumettre, et en résignant toutes ses places et tous ses titres. Mais le ministre, effrayé des conséquences que pouvait avoir ce refus, et convaincu d'ailleurs que le maréchal ne résisterait pas à un ordre purement militaire, lui en remit un ainsi conçu: « Paris, 29 septembre 1809. Prince, l'intention de l'empereur est que Votre Altesse se rende sans délai à l'armée d'Allemagne. Je prie Votre Altesse de vouloir bien m'accuser réception de la présente, et de me faire connaître le moment de son départ de Paris. Agréez, etc. » Le prince partit pour Vienne, où il arriva cinq ou six jours avant la signature de

la paix. Par la manière noble et franche dont il répondit à l'empereur dans leur entrevue à Schoenbrunn, il fit changer cette grande colère, à laquelle il avait dû s'attendre, en dispositions tout à fait bienveillantes, du moins en apparence.

Après avoir signé la paix, l'empereur ordonna qu'on fit jouer la mine pour démanteler la place de Vienne; mais réfléchissant que cet outrage à la monarchie autrichienne pouvait nonseulement amener le refus de la ratification du traité, mais encore exciter la population de cette capitale à s'opposer à un acte qui en était une violation manifeste, l'empereur quitta brusquement l'armée, en chargeant le major général de transmettre au prince de Ponte-Corvo l'ordre de rester à Vienne jusqu'après l'échange des ratifications. Le maréchal comprit fort bien le double but et la double portée d'un tel ordre; mais les événements lui furent favorables, il n'y eut pour lui ni peine ni danger.

Bernadotte était de retour à Paris depuis quelque temps, et il était sur le point de partir pour Rome, où Napoléon voulait le charger de tenir sa cour, lorsqu'il reçut la visite de deux officiers suédois, dont la mission était de lui faire connaître les dispositions des membres de la diète qui se tenait alors à OErebro, pour l'élection d'un prince royal, et de lui demander quelles seraient les siennes dans le cas où il serait élu. Le prince de Ponte-Corvo répondit qu'il se sentirait honoré du vote libre d'un seul des membres de la diète; mais que, s'il devenait l'objet de l'élection, il ne pouvait disposer de lui-même sans le consentement de l'empereur. Dès le lendemain, Napoléon, informé de toutes ces circonstances, répondit qu'étant monarque élu du peuple, il ne saurait s'opposer à l'élection des autres peuples, et que le choix libre des Suédois aurait son assentiment. Et pour prouver qu'il ne voulait y exercer aucune influence, il ordonna le rappel de M. Désaugiers, son chargé d'affaires, aussitôt qu'il eut appris que cet agent avait donné des

notes en faveur du roi de Danemark. Au jour fixé pour l'élection (21 août), les suffrages se portèrent sur le prince de Ponte-Corvo, avec une unanimité jusqu'alors sans exemple dans les fastes de la Suède, ni d'aucune autre nation. Le courrier, porteur de l'acte d'élection, d'une lettre du roi Charles XIII à l'empereur, et de l'acte par lequel le roi de Suède adoptait pour fils le nouveau prince héréditaire, repartit pour Stockholm avec les lettres d'acceptation du prince, et la réponse approbative de l'empereur à Charles XIII.

Le prince royal avait terminé tous ses préparatifs de départ, et n'attendait plus que ses lettres d'émancipation. Impatient du retard que l'on mettait à les expédier, il prit le parti d'aller les demander à l'empereur luimême. Il fut étrangement surpris quand l'empereur lui dit que ce retard était causé par une décision de son conseil privé, d'après laquelle on ne devait lui expédier ces lettres qu'après qu'il aurait signé l'engagement de ne jamais porter les armes contre la France. « J'étais loin de m'attendre à cette prétention, lui dit vivement le prince; ce n'est sûrement pas Votre Majesté qui a voulu m'imposer cette condition, ce ne peut être qu'une idée de l'archichancelier ou du grand juge, et ils m'honorent infiniment par cette conception, car ils m'élèvent à votre niveau comme capitaine; cela me vaut une couronne. Toutefois, je supplie Votre Majesté de considérer que je suis déjà sujet du roi de Suède, à qui j'ai prêté serment de fidélité par suite de votre propre autorisation, et que l'acte même de mon élection me défend de contracter aucun engagement de vassalité étrangère. Si Votre Majesté persiste à m'imposer la condition dont il s'agit, mon devoir et l'honneur me prescrivent d'envoyer un courrier au roi de Suède, pour l'informer des motifs qui me forcent à renoncer aux droits que le vœu des états, son adoption et votre approbation même m'avaient fait accepter. » Napoléon, fixant alors ses regards sur le prince, lui dit: « Eh bien! partez, que nos destinées

s'accomplissent. » Ces paroles étaient prophétiques. Napoléon prévoyait dans quelle position allait se trouver placé un homme auquel, malgré leurs désaccords passés, il lui était impossible de refuser son estime; il prévoyait qu'un fatal enchaînement de circonstances pouvait leur imposer à tous deux des devoirs différents, et que ces devoirs, contre leurs dispositions réciproques, pouvaient les opposer un jour l'un à l'autre.

Avec l'élection de Bernadotte comme prince royal de Suède, finit en quelque sorte sa vie comme Français. Dès lors il ne nous appartient plus que par de glorieux souvenirs; il est devenu Suédois, et de nouveaux devoirs commencent pour lui. Ce n'est pas le lieu ici de raconter cette longue suite d'événements funestes et déplorables qui le contraignirent à une résolution dont les intérêts de la Suède lui faisaient une nécessité, mais qu'il ne put prendre qu'après une lutte longue et douloureuse. Pour toute cette époque nous croyons devoir renvoyer nos lecteurs à notre histoire de Suède : ils y verront ce que Bernadotte a fait pour sa nouvelle patrie; ils y verront que s'il entra dans les rangs de nos ennemis, que s'il leur assura une victoire qu'aucun général autrichien, prussien ou russe, n'aurait pu se flatter de remporter, il ne le fit qu'après avoir tenté tous les moyens d'éclairer Napoléon sur les dangers de sa politique, qu'après avoir obtenu de ses alliés la promesse formelle que la France conserverait les limites qu'elle avait au moment où l'empereur était arrivé au pouvoir; que le prince Eugène aurait le royaume d'Italie, que Murat conserverait celui de Naples; que celui de Hollande serait rétabli, et qu'il serait rendu à Louis Bonaparte. Ajoutons encore qu'il protesta hautement contre le passage du Rhin; que son attitude pendant la campagne de 1814 fut une protestation énergique contre le manque de foi de ses alliés; qu'il refusa formellement d'entrer dans la coalition après le retour de Napoléon en 1815; que, pendant les réactions qui signalèrent en France les derniers

mois de 1815 et le commencement de 1816, il offrit un généreux asile à plusieurs proscrits; qu'il fut le premier à reconnaître les résultats de la révolution de 1830; en un mot, qu'il n'a jamais oublié son ancienne patrie, et qu'il s'est toujours estimé heureux de pouvoir concilier l'amour qu'il lui porte avec ses devoirs comme Suédois et comme chef de peuple.

Nous ne croyons pouvoir mieux terminer cet article, qu'en reproduisant ici le glorieux état de services de ce soldat couronné, le seul que l'orage de 1814 ait laissé sur le trône où le voeu libre du peuple l'avait appelé.

Bernadotte (Jean - Baptiste - Jules), né à Pau le 26 janvier 1764, a été successivement soldat volontaire au régiment de royal-marine en 1780; grenadier, 30 mai 1782; caporal, 16 juin 1785; sergent, 31 août; fourrier, 21 juin 1786; sergent-major, 11 mai 1788; adjudant, 7 février 1790; lieutenant au régiment d'Anjou (36), 6 novembre 1791; adjudant-major, 30 novembre 1792; capitaine, 18 juillet 1793; chef de bataillon, 8 février 1794; chef de la 71° demi-brigade, 4 avril suivant; général de brigade en juin; général de division dans la même année ;

Ambassadeur à Vienne en avril 1798; Ministre de la guerre en juillet 1799; Conseiller d'Etat et général en chef de l'armée de l'Ouest en 1800;

Maréchal de l'empire dès la création de cette dignité (19 mai 1804);

Général en chef de l'armée de Hanovre, gouverneur du pays en 1805;

Prince de Ponte-Corvo en juin 1806; Gouverneur des villes hanséatiques, et général en chef de l'armée destinée à coopérer aux mouvements de la Russie et du Danemark contre la Suède, en 1807;

Élu prince héréditaire par les étatsgénéraux de Suède, le 21 août 1810, et adopté pour fils par le roi Charles XIII;

Proclamé roi de Suède et de Norwége le 5 février 1818.

BERNARD (SAINT-), montagne des Alpes, entre le Valais et la vallée

d'Aoste, dont la plus grande hauteur est de dix mille trois cent quatre-vingts pieds au-dessus du niveau de la mer. La Durance y prend sa source.

BERNARD (passage du mont SAINT-). -Au moment où les événements du 18 brumaire vinrent enlever les rênes de l'État aux mains faibles et inhabiles du Directoire, pour les remettre à l'homme qui, pendant quinze ans, devait faire jouer à la France un si grand rôle dans le monde, toutes nos conquêtes en Italie étaient perdues; nos postes s'étaient repliés sur le sommet des Alpes; toute l'Allemagne était évacuée; nous nous contentions de nous tenir sur la défensive, et d'occuper les places de la rive gauche du Rhin. Il semblait que la France eût perdu le premier enthousiasme de liberté qui lui avait valu ses premières victoires, et que, suivant l'exemple des hommes qui la gouvernaient (*), elle fût prête à traiteravec l'étranger. Les départements de l'Ouest étaient en armes; partout l'ennemi présentait un front formidable. Des succès importants qui auraient conduit les Autrichiens sur les Vosges ou sur l'Escaut auraient eu les plus funestes conséquences. Bonaparte sentit qu'avant de reconquérir l'Italie, il fallait être certain de ne pas perdre la Belgique, ni les départements réunis. L'empereur d'Allemagne pouvait adopter deux plans de campagne. Il pouvait réunir ses principales forces dans la Souabe, sur le bas Rhin; se présenter sur ce fleuve avec cent soixante mille hommes; et, après les premiers succès, combiner ses forces avec une armée anglaise débarquée en Hollande ou en Belgique. L'armée autrichienne en Italie, renforcée, pouvait se tenir tranquille sur le Pô, prête à recevoir dans la plaine l'armée française, qui n'aurait pu y arriver qu'avec peu de cavalerie et une infanterie mal équipée. Dans le second projet de campagne, l'Autriche pouvait demeurer sur la défensive en Allemagne, puis porter une armée considerable sur Gênes; de là sur le Var; entrer en Provence, et combiner

(*) Voyez l'art. BARRAS.

ses efforts avec quinze mille Anglais qui se trouvaient depuis quelque temps au Port-Mahon. Le premier plan de campagne étant le plus dangereux pour la France, Bonaparte fit rassembler sur le Rhin une armée de cent quarante mille hommes, pendant que sur les derrières de cette armée il réunissait en silence une réserve importante, et faisait cantonner sur les hauteurs de Gênes les débris de l'armée d'Italie, dont il restait à peine trente mille hommes. Par ces dispositions, la France était en mesure de parer à tout événement. Si l'Autriche adoptait le premier plan de campagne, Bonaparte se portait, avec son armée de réserve, sur celle du Rhin qui se trouvait forte alors de cent soixante et dix mille hommes. Si, au contraire, le cabinet de Vienne commençait la campagne du côté de l'Italie, l'armée française sur le Rhin devenait supérieure à celle de l'ennemi. Les Autrichiens s'avançant sur Gênes avec leurs principales forces, Bonaparte faisait passer les Alpes à l'armée de réserve, et se portait rapidement sur le Pô, pour prendre l'ennemi à revers, lui enlever ses magasins et couper sa retraite. L'Autriche adopta le second plan de campagne, et porta ses principales forces en Italie. Mélas commença les hostilités en marchant sur Gênes et sur Savone. Aussitôt l'armée française des bords du Rhin, profitant de sa supériorité, pénétra en Allemagne et obtint en Souabe les plus grands succès. Cependant Mélas était sur le Var. L'État de Gênes était conquis. Des cris d'alarme remplissaient la Provence qui se voyait à la veille d'être envahie. Dans ce moment, l'armée de réserve se dispose à franchir le mont Saint-Bernard, et à prendre à revers toute l'Italie. Ces combinaisons, conçues de longue main, sont exécutées dans le plus grand secret. Tout ce qui devait tromper le général Mélas sur les projets des Français avait été prévu. Aucune troupe ne se montre ni dans la Tarentaise, ni dans la Maurienne. Les frontières du Dauphiné n'indiquent aucuns préparatifs. Au lieu d'une armée de réserve

considérable, on ne voit à Dijon que trois à quatre mille hommes; mais, pendant ce temps, les régiments filaient, à marches forcées, vers Genève. Les divisions se formaient en route, et étaient rejointes par les conscrits destinés à compléter les corps; l'artillerie et les autres services étaient organisés de même; l'avant-garde était déjà à Genève, lorsqu'on y transporta les magasins. Mélas, après avoir investi Gênes, voulut prendre de nouvelles sûretés, et fit attaquer le mont Cenis. Sur le rapport qu'il n'y existait ni magasins ni troupes, il se porta sur Nice. Il fut cependant prévenu que des troupes françaises paraissaient sur le Saint-Bernard; mais il crut que c'étaient seulement les trois à quatre mille hommes passés dernièrement en revue à Dijon, et que l'on avait envoyés là pour lui faire lever le siége de Gênes, en lui faisant craindre une attaque que l'on ne pouvait réaliser. Devait-il croire en effet que Bonaparte voulût entrer en Italie, en préférant le grand Saint-Bernard au mont Cenis? En s'engageant dans des vallées plus difficiles et sans ressources, il avait à franchir encore le fort de Bard, qui pouvait seul arrêter, pendant plusieurs jours, une armée. Au sortir de Dijon, Bonaparte alla visiter les bords du lac de Genève, et parut même vouloir s'y fixer quelque temps. Tout à coup il fait annoncer qu'une insurrection à éclaté à Paris; ce bruit s'accrédite dans la Suisse. Il part; mais, au lieu de prendre le chemin de la capitale, il se rend à Lausanne, y passe en revue l'avantgarde de son armée, commandée par le général Lannes, et dirige lui-même sa marche vers le bourg de SaintPierre, à six milles du couvent du Saint-Bernard. Son armée stationne à Martinach, à quelques lieues du pied de la montagne. Ses troupes s'y reposent pendant trois jours. Elles sont animées du meilleur esprit; rien ne les effraye. La vue de ces immenses montagnes qu'elles vont gravir par un chemin de dix-huit pouces de large, sur plusieurs lieues de long, pratiqué sur des rochers à pic bordés de précipices

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