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ritimes, qui les avait animés jusqu'alors. Il repeupla les campagnes, en y rappelant les laboureurs fugitifs, ouvrit un asile aux aventuriers du Nord, et mit ainsi fin à l'invasion normande en France (*).

Invasions des Hongrois (**). - Le peuple hongrois appartient à la grande famille des Finnois et au rameau Quigour. Sortis de la Tartarie vers le cinquième siècle, ils tendirent sans cesse à s'avancer en Europe; et en 889, sous la conduite de leur roi Arpad, ils s'établirent dans les pays appelés depuis la Hongrie.

Les Hongrois, alors complétement sauvages, étaient d'une cruauté que les historiens du moyen âge ne peuvent comprendre. Ils nous les représentent comme des hommes de petite taille, mais d'une vivacité extraordinaire; ayant la tête entièrement rasée pour ne donner aucune prise à leurs ennemis, les yeux enfoncés et étincelants, le teint jaune et basané. Leur seul aspect épouvantait; car leur visage, véritable amas d'os, était couvert de cicatrices et tout difforme. Les mères, disait-on, pour habituer leur enfants à la douleur et les rendre horribles à voir, les frappaient et les mordaient au visage dès qu'ils étaient nés. Le Hongrois, rapporte un ancien écrivain, est toujours à cheval; il marche, campe, délibère, mange et dort à cheval; il ne se couvre que de peaux de bêtes féroces; il se sert pour combattre d'arcs de corne, avec lesquels il lance des flèches énormes, et si adroitement, qu'il est difficile de les éviter. Il ne combat jamais de près en corps, mais il se précipite en avant de toute

(*) Voyez Depping, Histoire des invasions des Normands; Desmichels, t. II de l'Histoire du moyen âge, et Mallet, Introduction à l'histoire de Danemark, etc.

(**) Pour plus de développement sur cette question, voyez M. Louis Dussieux, Essai historique sur les invasions des Hongrois en Europe, ouvrage auquel l'Académie des inscriptions et belles lettres a décerné une médaille d'or en 1839. C'est ce savant travail que nous avons consulté et souvent analysé.

la vitesse de son cheval, lance la flèche, et s'enfuit pour attirer dans quelque embuscade son ennemi trop confiant.

Ces hommes affreux, ajoutent encore les chroniqueurs du moyen âge, ne vivent pas comme des hommes, mais comme des animaux, et pêle-mêle avec eux; ils se nourrissent de viande crue, ou échauffée entre la selle et le dos du cheval; ils boivent le sang de leurs ennemis; ils coupent par morceaux le cœur de leurs prisonniers, et le dévorent en manière de remède. On disait même qu'ils mangeaient de la chair humaine.

Ils ne connaissaient pas la pitié, mais égorgeaient tous ceux qu'ils rencontraient; car c'était une croyance chez eux que les guerriers seraient servis aux enfers par ceux qu'ils auraient tués ici-bas.

Tel était le peuple hongrois aux neuvième et dixième siècles. Pendant cinquante ans, ces barbares ravagèrent toute l'Europe, envahissant chaque année l'Allemagne. l'Italie, la France, l'empire grec, et emmenant avec eux les richesses, les habitants et les troupeaux des pays dévastés. Leurs premières invasions furent si terribles, que l'on crut qu'ils étaient ces peuples de Gog et de Magog dont il est parlé dans l'Apocalypse, et qui doivent venir à la fin du monde pour faire justice des

crimes des hommes.

Ce fut en 910 que les Hongrois envahirent la France pour la première fois. Charles le Simple était alors roi. La Lorraine fut dévastée; les monastères de Remiremont, Saint-Dié, Moyenmoutiers, Etival, Liepsies, furent pillés.

En 915, les Hongrois revinrent; cette fois, l'Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, furent saccagées. Charles le Simple, abandonné de tous ses vassaux, ne put empêcher les barbares de rester près de trois ans dans ces provinces, et d'y exercer d'affreux ravages. Flodoard dit que l'archevêque de Reims, Hérivée, fut le seul de tous les princes ecclésiastiques qui vint se joindre au roi avec quinze cents hommes, pour la défense de Dien et de l'Église.

Avec cette faible troupe, Charles n'osa pas s'écarter de la montagne de Laon, sa résidence habituelle, et il attendit que les Hongrois, chargés de butin, se fussent retirés d'eux-mêmes.

En 924, les Hongrois venaient de ravager l'Italie, lorsque Bérenger les appela contre son rival, Hugues de Provence. Ils se jetèrent sur cette province, la ravagèrent ainsi que le Languedoc, et ne se retirèrent que décimés par une horrible épidémie, et poursuivis par Raymond, comte de Toulouse. Le pays, après leur départ, était désert, disent les auteurs du temps, et il ne restait plus de prêtres pour le service divin.

Deux ans plus tard, en 926, les Hongrois reviennent en France, dévastent Bâle, le Verdunois, pénètrent jusqu'à dix lieues de Reims; mais l'arrivée du roi Raoul les force à battre en retraite.

Ils ne reparaissent qu'en 936; cette invasion fut terrible: Dôle et les rives de la Saône furent dévastées; Lyon échappa, grâce au courage du comte Guillaume. Ils entrèrent en Italie par Nantua. Raoul les avait encore empêchés de pousser plus loin leurs ravages; mais l'année suivante, en 937, ils revinrent en France. Metz, Trèves, Aix-la-Chapelle, la Champagne, Sens, le Berri, l'Aquitaine, Autun, Langres, Besançon et Pontarlier, furent mis à feu et à sang dans cette horrible incursion.

En 938, ils revinrent encore : cette fois ce fut en Flandre, dans le Hainaut, puis de là en Aquitaine, que les Hongrois portèrent leurs fureurs. Ils ne reparaissent plus jusqu'en 950 où ils envahissent l'Alsace, la Franche-Comté, et pillent Besançon. Conrad, roi d'Arles, parvint, au moyen d'un stratagème, à détruire cette horde. Cependant, en 951, ils reviennent en Aquitaine; en 953, ils reparaissent dans la Flandre, où ils assiégent inutilement Cambrai; en 954, ils font leur dernière invasion dans la Lorraine, la Champagne et la Bourgogne. La victoire que l'empereur d'Allemagne, Othon le Grand, remporta sur ces barbares à Augsbourg,

en 955 (*), et l'introduction du christianisme dans la Hongrie, mirent enfin un terme à ces invasions; et dès lors, la France, délivrée des incursions des barbares, fut libre de s'orga niser et de préparer son développe ment ultérieur.

Influence des barbares sur l'éta blissement du christianisme et de la féodalité.-Les invasions barbares ont détruit l'ancien monde, et ont substitué à la société ancienne une société aussi radicalement différente que le comporte la marche toute traditionnelle et lentement progressive des révolutions de l'humanité. C'est surtout sous le rapport religieux que les invasions des barbares ont eu des consé quences réellement importantes, car c'est de l'établissement du christianisme, non pas pris à la lettre, comme à l'époque impériale, mais accepté dans son essence et avec ses conséquences, que sont sorties les diverses modifica tions apportées dans la condition des personnes et dans l'état politique des nations modernes.

Nous devons donc présenter ici avec soin les résultats des invasions barbares, surtout au point de vue de leur conversion au christianisme, car là est le nœud de ces révolutions du cinquième siècle, dont la grandeur est encore pour nous un sujet de terreur et d'admiration.

Toutes ces populations scandinaves, et germaines sont originaires de l'Asie, et appartiennent à la famille arienne; à leur arrivée en Europe, elles conservèrent les idées religieuses qu'elles avaient apportées de l'Asie. « La théologie du Nord (**) est d'origine asiatique. Les travaux de la science moderne sur les antiquités religieuses des peuples septentrionaux, et sur celle des Indiens et des Perses, ont enfin mis dans tout son jour cette importante vérité, sur la trace de laquelle on s'était trouvé amené depuis longtemps. Désormais, il n'y a plus à cet égard aucun doute.

(*) Voyez Allemagne, t. I, p. 238. (**) Art. SCANDINAVES, par M. Reynaud, dans l'Encyclopédie nouvelle.

La mythologie d'Odin est un retentissement lointain des mythologies savantes de l'Orient. Mais, bien que le fond de cette mythologie soit incontestablement asiatique, sa forme, altérée par l'effet d'une longue indépendance, par les variations du génie instinctif des peuples, par les changements de résidence, par les événements particuliers de l'histoire, est profondément empreinte d'une originalité toute septentrionale et véritablement autochthone. »>

Nous ne reviendrons pas ici sur la religion des barbares, nous dirons seulement que l'on retrouve dans cette religion tous les dogmes des religions de l'Inde et de la Perse; et, passant de cette affirmation à une autre, nous ajouterons que le christianisme dérivant lui-même de ces antiques religions asiatiques, et en étant, pour ainsi dire, le complément, lorsque les Scandinaves se trouvèrent en présence de ce culte, ils n'eurent que peu d'efforts à faire pour devenir chrétiens. « L'incroyable facilité avec laquelle les Scandinaves, nonobstant la vitalité de leurs croyances, entrèrent dans le christianisme, comparée à la longue résistance que cette religion rencontre chez les païens du Sud, peut être regardée comme une belle preuve de la secrète harmonie qu'il y avait entre l'esprit scandinave et l'esprit chrétien. La férocité n'était, chez les Scandinaves, qu'un caractère accidentel. Ressuscitons seulement leur Balder (*) pour le rétablir dans leur

(*) « N'était-ce pas chez les Scandinaves qu'avait été inventé ce dogme étrange, et dont on chercherait vainement ailleurs l'analogue, la mort de Balder, dieu de la miséricorde, tué par Honer, dieu, selon toute vraisemblance, de la force brutale, entraîné, malgré les efforts impuissants d'Odin et de Frigga, dans la profondeur des enfers, et destiné à renaître un jour, pour établir, sur la terre renouvelée, son éclatant royaume? Quelle éloquente prophétie de l'avenir; et chez un peuple duquel on se serait si pen cru en droit de l'attendre! Mais aussi quel dur symbole de l'impitoyable morale du présent! ni charité, ni humanité, ni merci; la miséricorde avait même disparu du sein des

ciel, à côté de son père, et nous serons étonnés de les voir si voisins du christianisme, qu'il ne leur restera plus que quelques pas à faire pour s'y confondre entièrement. Il était done naturel que les sentiments particuliers aux Scandinaves fussent tout autrement reçus dans l'Église que ceux des adorateurs de la sensuelle famille de Jupiter. Aussi peut-on dire, en considérant les choses à fond, que la religion des Scandinaves, en s'absorbant dans celle du Christ, y disparut en apparence plus qu'en réalité, comme ces substances qui s'évanouissent dans l'eau en lui communiquant, sans y causer aucun trouble, tout ce qu'il y avait en elles de vertu (*). »

Pour compléter ces aperçus si exacts, nous croyons devoir donner à nos lecteurs la suite des considérations présentées par M. Reynaud; nous ache

dieux! Nations terribles, sans avoir besoin de connaitre les secrets de votre histoire,

j'assignerais volontiers l'époque à laquelle ce Balder a quitté votre Olympe pour s'éclipser dans l'obscurité des enfers! N'est-ce point à celle où Dieu, voulant façonner de longue main contre Rome un glaive bien trempé, enleva votre germe à la terre d'Asie, pour l'endurcir et l'adapter à l'exécution de ses sanglants décrets, en le développant par une éducation sévère dans les contrées du Nord? On vit, à l'heure du jugement, ce que valait ce glaive, fabriqué parmi les glaces du Septentrion, loin de toutes les saintes tiedeurs que le souffle de la charité met dans l'âme des hommes, aiguisé par l'ange exterminateur sur les pierres du tombeau où vous aviez fait descendre le dieu de la pitié. Mais, dans ce même temps, au midi, par d'incroyables moyens, la Providence vous préparait aussi la résurrection de ce divin Balder, afin de vous le rendre sous le nom de Christ, votre mission achevée, alors qu'il conviendrait à ses plans d'arrêter le torrent de vos colères, et de vous appeler à de nouveaux services. Quelle grandeur donc dans ce dogme sauvage de la mort et de la résurrection de Balder, et que! trait de lumière fait tomber sur la moralité du destin le rapprochement du mythe et de l'histoire !» Reynaud, article cité.

(*) Ibid.

verons ainsi d'expliquer l'un des plus grands événements de l'histoire.

« Au moment de quitter ce sujet, ma pensée encore émue se reporte avec une dernière insistance, et pour ainsi dire malgré moi, sur l'étonnant spectacle des renforts inespérés que le christianisme a rencontrés chez ces peuples du Nord, si longtemps négligés par l'Europe savante sous le nom banal de barbares. Qui ne se laisse éblouir ni par le vain éclat des richesses, ni par l'éclat plus vain encore des arts sans idéal, ne les jugera pas si barbares que ces voluptueux cadavres, nommés les Grecs et les Romains, dont leur sévère épée acheva de nettoyer l'univers. Sous les dures enveloppes dont le Nord les avait revêtus, reposaient de grandes âmes: naïves comme celles des enfants, et comme elles dociles à l'éducation, pour dé. ployer leurs solides vertus et les faire servir à la prospérité du monde entier, elles n'attendaient que le bienfait d'une position meilleure. L'antiquité grecque et romaine, même avant ses temps de décadence et de corruption, avait-elle jamais connu aussi bien que les Scandinaves ce sentiment de personnalité que l'on peut justement nommer divin, parce qu'il ne se fonde ni sur l'orgueil ni sur l'égoïsme, mais sur la conscience de l'immortalité? C'est là, si je ne me trompe, ce que le christianisme a trouvé, dans le Nord, de plus excellent. Il ne lui fallut pas de grands efforts pour y persuader tous les esprits de la prééminence de cette patrie céleste où nos existences doivent se prolonger dans la jouissance éternelle, sur cette patrie inférieure où nous ne sommes que pour un jour. Le monde réel, pour les Scandinaves comme pour les chrétiens, n'était point cette terre à laquelle le paganisme avait enchaîné la vie humaine par tant d'engageantes attaches; cette terre n'était pour eux que le nuage trompeur, le fantôme éphémère, prêt à disparaître sous le souffle d'en haut pour faire place au vrai monde, au seul monde désirable, au monde de la justice et de la felicité. Pour laisser prendre à la personnalité

humaine toute la force dont elle est susceptible, n'est-il pas nécessaire de lui laisser pousser ses racines jusque dans le ciel? Il fallait assurément au citoyen de Rome ou d'Athènes un élan de courage pour oser tomber, sans pålir, sur le champ de bataille; pour le fils d'Odin et pour celui du Christ, la mort n'était qu'un accident passager dans une longue vie; et de même que le martyr chrétien, le soldat scandinave mourait la joie dans le cœur et le regard en haut. Ainsi les âmes que rencontra l'Église chez ces peuples barbares n'étaient ni moins assurées en elles-mêmes, ni moins élevées au-dessus du phénomène de la mort, que celles des propres enfants de l'Evangile. Cette fin du monde toute prochaine, cette résurrection universelle, ce partage définitif du genre humain entre le séjour du paradis et celui de l'enfer, toutes ces prophéties, si étranges pour la société païenne, se joignaient dans le Nord avec des prophéties toutes pareilles qui les y attendaient, qui les corroboraient, et auxquelles l'habitude avait depuis longtemps façonné les croyances. Je me laisse même aller à penser que l'arrivée des Scandinaves dans la chrétienté n'a pas été sans influence sur cette attente générale du jugement dernier qui joue un si grand rôle dans la dévotion des siècles voisins de leur conversion. Ce qu'ils se figuraient de ce crépuscule de sang, qui devait précéder l'heure suprême, tombait exactement d'accord avec ce que croyaient les chrétiens au sujet de l'Àntechrist, et le spectacle de l'Europe presque entièrement décomposée par l'épée semblait annoncer hautement à tout le monde que le temps de l'accomplissement des prophéties était proche. On n'entendait pour cette prédiction terrible qu'une seule voix, mais unanime, les sibylles faisant chœur làdessus, du fond du Nord, avec les prophètes du Midi. Mais cette croyance n'était toutefois qu'un détail; car, bien que plusieurs de ses effets aient été considérables en leur temps, il ne nous reste en réalité aucune suite. A côté du sentiment des Scandinaves sur l'au

torité et la persistance de la personne humaine, il est plus juste de ranger leur belle opinion de la dignité du sexe féminin. Si nulle part leur grandeur religieuse n'est plus apparente qu'en ce qui concerne l'immortalité, nulle part leur grandeur morale ne l'est plus qu'en ce point-ci. Je m'étonnerais même, si le Nord n'était là, de ce que l'Église romaine a fait en faveur des femmes, ne pouvant découvrir où elle en aurait puisé le principe, et le cherchant sans réussir à l'y trouver, soit dans la Judée, soit dans la Grèce, soit même dans la république romaine ou dans la discipline de l'Evangile. Mais je me représente ces sérieux enfants des Scandinaves, nourris dès la mamelle par leurs mères dans les pieux sentiments que la morale du Nord inspirait à l'égard des femmes, pénétrés en conscience, et comme d'innéité, de la profonde identité de la nature humaine dans les deux sexes, arrachés maintenant au service des armes et invités par l'Église à venir s'asseoir dans ses conciles; et, aussitôt, je me les imagine s'informant avec sollicitude, auprès de leurs devanciers, des dogmes institués par le christianisme pour l'anoblissement du sexe faible, s'émerveillant de trouver les préjugés de la loi juive encore souverains, la loi nouvelle écrasée dans son angélique essor par leur barbare influence, et la morale du Christ, à l'égard de toute une moitié du genre humain, si fort au-dessous de leur morale du Nord. Jusqu'alors, en effet, qu'y avait-il dans les établis ments du christianisme qui ne fut simplement relatif, non point aux femmes telles qu'elles doivent être en idéal, telles qu'elles sont en réalité dans leur essence, mais aux femmes telles que la grossière antiquité les avait pu connaitre? Or, c'est à partir de ce temps que le divin symbole de la Vierge commence à se dessiner au-dessus de la chrétienté comme pour lui présager des jours nouveaux, et il n'est peutêtre point téméraire d'attribuer aux Scandinaves, tombés loin du Nord dans une religion trop virile, une large part dans cette création. Il faut se rappeler

ce que disait Salvien (de Gub. Dei) aux chrétiens du cinquième siècle en louant devant eux les barbares. « Rougissons, disait-il : partout où règnent les Scandinaves, on ne voit l'impureté que chez les anciens habitants. Evenement incroyable! prodige inouï ! la discipline des barbares a enseigné la chasteté aux Romains; ce qu'avait souillé le désordre, la vertu des Scandinaves l'a purifié... Nation cruelle, mais admirable par sa pureté!» Le Nord, quand il a fallu renouveler le Midi, ne s'y est donc point versé à la façon d'un torrent dévastateur; semblable à ces fleuves qui fertilisent en même temps qu'ils inondent, il y a partout laissé, au-dessus des surfaces flétries qu'il était venu couvrir, un bienfaisant limon dont l'histoire doit soigneusement garder le souvenir. Joignons donc, et c'est ainsi que je veux me résumer, joignons, pour notre généalogie immédiate, aux traditions de la Judée, de Rome et de la Grèce, les traditions du Nord, et applaudissons avec une sage reconnaissance l'érudition qui consacre ses veilles à nous en restituer les lambeaux (*). »

Après avoir indiqué l'influence générale des invasions et des conquêtes des barbares sur l'Europe, il nous reste à déterminer quelle a été leur influence spéciale sur la France. L'adoption du christianisme par Clovis (496) eut pour conséquence la formation d'une société ayant dans la foi catholique qu'elle embrassa un principe puissant d'unité, qui réunit fortement toutes les parties hétérogènes, gauloises, romaines et germaines, dont elle était composée.

C'est dans le préambule de la loi salique qu'il faut étudier le caractère de l'adoption du christianisme par les Francs.

«La nation des Francs, illustre, ayant Dieu pour fondateur, forte sous les armes, ferme dans les traités de paix, profonde en conseil, noble et saine de corps, d'une blancheur et d'une beauté singulière, hardie, agile et rude au combat, depuis peu convertie à la foi catholique, libre d'hérésie;

(*) Encyclopédie nouvelle, art. SCANDI NAVES, par M. Reynaud.

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