Page images
PDF
EPUB

à l'indépendance et au bonheur du peuple français.

« Les bureaux des deux chambres allèrent à l'Élysée; il y régnait une grande solitude, le plus profond silence. Un très-petit nombre d'hommes dévoués y était; tout le reste en était sorti avec l'abdication : c'était une répétition de Fontainebleau. Pour conserver un air calme, Napoléon faisait visiblement des efforts; il y avait dans ses traits de l'altération et de l'abattement. La députation de la chambre des représentants vint la première. Lorsqu'elle eut rempli sa mission, Napoléon lui déclara franchement que son abdication livrait la France à l'étranger, lui recommanda cependant de renforcer promptement les armées, et insista fortement sur les droits de son fils. Le président Lanjuinais répondit que la chambre avait délibéré seulement sur le fait de l'abdication; qu'il lui rendrait compte du vœu de l'empereur pour son fils. Cette entrevue fut froide et sèche.

« Par un jeu bizarre de la fortune, un des hommes qui, dans ses harangues, avait le plus flatté l'empereur, Lacépède, lui porta la parole au nom de la chambre des pairs. Napoléon était debout, seul, sans appareil; il répondit avec une aigreur mal dissimulée et sur le ton d'une conversation animée: « Je n'ai abdiqué qu'en faveur de mon « fils.... Si les chambres ne le proclamaient pas, mon abdication serait « nulle.... je rentrerais dans tous mes « droits.... D'après la marche que l'on « prend, on ramènera les Bourbons... Vous verserez bientôt des larmes de sang.... On se flatte d'obtenir d'Orléans, mais les Anglais ne le veulent « pas; d'Orléans lui-même ne voudrait « pas monter sur le trône sans que la « branche régnante eût abdiqué; aux « yeux des rois de droit divin, ce se« rait aussi un usurpateur. »>

[ocr errors]
[ocr errors]

«Les présidents convinrent d'une rédaction de la réponse de Napoléon pour la rapporter aux chambres; et le lendemain on l'inséra dans les jour

naux en ces termes :

[blocks in formation]

"

<< aux chambres de renforcer les armées << et de les mettre dans le meilleur état « de défense. Qui veut la paix doit se préparer à la guerre. Ne mettez pas « cette grande nation à la merci de « l'étranger, de peur d'être déçus dans « vos espérances. Dans quelque posi<«tion que je me trouve, je serai heu<< reux si la France est libre et indé« pendante. Si j'ai remis le droit qu'elle « m'a donné à mon fils, de mon vivant, « ce grand sacrifice, je ne l'ai fait que << pour le bien de la nation et l'intérêt « de mon fils, que j'ai, en conséquence, « proclamé empereur. »

"

Abdication de Charles X.- Nous nous contenterons de donner ici l'acte même de cette abdication, amenée par la révolution de juillet 1830, en nous réservant de raconter au mot RÉVOLUTION DE JUILLET les circonstances qui précédèrent et suivirent l'expulsion de la branche aînée des Bourbons. Charles X étant entouré à Rambouillet d'une armée dont la fidélité était suspecte et où les désertions augmentaient chaque jour, effrayé enfin de l'approche de l'armée parisienne, écrivit, le 2 août, au duc d'Orléans, qu'il avait nommé lieutenant général du royaume, la lettre suivante : « Mon cousin, je suis « trop profondément peiné des maux qui affligent ou qui pourraient me« nacer mes peuples, pour n'avoir pas « cherché un moyen de les prévenir; « j'ai donc pris la résolution d'abdi« quer la couronne en faveur de mon « petit-fils le duc de Bordeaux.

«

« Le dauphin, qui partage mes sen«<timents, renonce aussi à ses droits en « faveur de son neveu. Vous aurez donc, « en votre qualité de lieutenant général « du royaume, à faire proclamer l'avéa nement de Henri V à la couronne. « Vous prendrez d'ailleurs toutes les « mesures qui vous concernent pour régler les formes du gouvernement << pendant la minorité du nouveau roi. İci je me borne à faire connaître ces << dispositions; c'est un moyen d'éviter « encore bien des maux.

«

[blocks in formation]

sible, la proclamation par laquelle mon petit-fils sera reconnu roi sous le nom de Henri V.

Je charge le lieutenant général, vicomte de Foissac-Latour, de vous remettre cette lettre. Il a ordre de - s'entendre avec vous pour les arran-gements à prendre en faveur des * personnes qui m'ont accompagné, - ainsi que pour les arrangements cona venables pour ce qui me concerne et ⚫ le reste de ma famille.

Nous réglerons ensuite les autres • mesures qui seront la conséquence « du changement de règne. - Je vous renouvelle, mon cousin, l'assurance des sentiments avec les<quels je suis votre affectionné cousin, « CHARLES, LOUIS-ANTOINE. »

ABEILLAGE. - Essaim d'abeilles. Droit en vertu duquel plusieurs seigneurs pouvaient prendre une certaine quantité d'abeilles, de cire ou de miel sur les ruches de leurs vassaux.

Droit

en vertu duquel les essaims d'abeilles non poursuivis appartenaient au seigneur justicier. Voy. du Cange, au mot Abollagium.

ABEILLE. On connaît de ce nom deux frères, tous deux mauvais poëtes, mais l'un petit abbé et bel esprit, l'autre médecin militaire. L'abbé Abeille (Gaspard), le favori du maréchal de Luxembourg, du duc de Vendôme et du prince de Conti, était du nombre de ces petitscollets si fort à la mode au dernier siècle, et qui avaient, jusqu'à un certain point, remplacé les fous des grands seigneurs d'autrefois et les perruches des nobles dames. On nourrissait alors un petit abbé ou un poëte pour avoir des saillies toujours prêtes, et des bons mots à colporter dans ses visites. Or, Gaspard Abeille était une source inépuisable de plaisanteries plus ou moins fades, de jeux de mots, d'épigrammes, et, au besoin, il savait grimer son visage et jouer seul toute une comédie, en faisant tour à tour tous les personnages. Abeille fut cependant reçu, le 11 août 1704, à l'Académie française; il mourut en 1718; il avait composé deux opéras,

trois

tragédies, des épîtres, des odes, dent une, sur la constance, lui valut l'épigramme suivante de Chaulieu :

Est-ce saint Aulaire ou Toureille
Ou tous deux qui vous ont appris
Que dans l'ode, seigneur Abeille,
Indifféremment on ait pris

Patience, vertu, constance?

Peut-être en saurez-vous un jour la différence;
Apprenez cependant comme on parle à Paris :
Votre longue persévérance

A nous donner de mauvais vers,
C'est ce qu'on appelle constance,
Et dans ceux qui les ont soufferts
Cela s'appelle patience,

Un troisième Abeille, fils du chirurgien-major (Scipion Abeille), et neveu de Gaspard, se fit comédien de province.

--

ABEILLES. Lorsqu'on découvrit à Tournai, en 1655, le tombeau de Chilpérie, on y trouva l'anneau de ce prince, plusieurs médailles d'or et des abeilles également en or massif et de grandeur naturelle. Cette découverte fit penser alors que les abeilles avaient été les armes des Mérovingiens, en souvenir sans doute des forêts de la Germanie, où ces insectes se trouvaient en grand nombre, et que, mal imitées dans la suite par les peintres, elles étaient devenues les fleurs de lis des Capétiens. (Voyez FLEURS DE LIS). Bonaparte avait sur le manteau impérial substitué les abeilles aux fleurs de lis.

ABEL REMUSAT. Voyez REMUSAT. ABENEVIS. (Terme de l'ancienne jurisprudence de la Bresse.) Permission donnée par un seigneur à des particuliers de convertir à leur usage quelques droits publics, sous la condition de lui payer un cens. Il se disait aussi dans le Lyonnais de toute concession faite par un seigneur, moyennant une redevance fixée par lui. Voy. du Cange, au mot Benevisum.

[blocks in formation]

occupé en Espagne, le cabinet de Vienne, désirant effacer l'affront imprimé aux aigles autrichiennes par la capitulation d'Ulm, s'enhardit à reprendre les armes, surtout quand il eut reçu d'Angleterre un subside de cent millions. Les circonstances paraissaient favorables; la Prusse, la Westphalie, le Hanovre, les villes hanséatiques, accablés de contributions et privés de commerce, semblaient prêts à se soulever aux premiers revers des troupes françaises. Les Tyroliens que Bonaparte avait donnés aux Bavarois étaient presque déjà en insurrection. Enfin, l'Autriche et l'Angleterre agitaient de leurs intrigues la Dalmatie, l'Italie, la Valteline, le Piémont, Naples et la Sicile. Du côté de la France, rien ne semblait préparé contre cet orage menaçant; deux cent mille hommes étaient en Espagne, et le reste des armées était éparpillé de Naples à Hambourg. Dès le mois de mars, trois cent cinquante mille Autrichiens furent mis sur pied. Mais les détachements qu'il fallut envoyer en Pologne, en Saxe, dans le Tyrol et l'Italie, réduisirent à cent soixante quinze mille hommes l'armée principale mise sous les ordres de l'archiduc Charles, et dirigée sur la Bavière.

Les Autrichiens auraient pu entrer en campagne dès le mois de mars; mais de fausses manœuvres leur firent perdre un temps précieux, et ce ne fut que le 10 avril qu'ils purent franchir l'Inn, frontière de la Bavière. Quarantehuit heures plus tard, c'est-à-dire, le 12 au soir, l'empereur des Français en recevait la nouvelle à Paris par le télégraphe, et partait le 13 dans la nuit; le 17, il était déjà en Bavière, à son quartier général de Donawerth. Sa présence était nécessaire, car ses divers corps d'armée encore séparés pouvaient être attaqués les uns après les autres, et écrasés par l'archiduc. Heureusement la lenteur allemande lui vint en aide; les Autrichiens avaient employé six jours à faire vingt lieues pour arriver à Landshut sur l'Iser. Le 16, ils enleyèrent cette ville et s'avancèrent le 17, avec la moitié de leurs

forces, jusqu'à la petite Laber, par les trois routes qui conduisent de Landshut à Ratisbonne, à Keilheim et à Neustadt. Napoléon comprenant que, s'il n'arrêtait pas les Autrichiens, il serait infailliblement coupé de Davoust qui était à Ratisbonne avec quarante-cinq mille hommes, lui prescrivit de quitter cette ville en toute hâte, et de marcher à sa rencontre sur l'Abens. Savary, chargé de cet ordre important, se jeta avec cent cavaliers bavarois entre les Autrichiens et le Danube, et parvint jusqu'au maréchal. Ce point rempli, Napoléon concentra en avant de Neustadt, dans la position de l'Abens, ce qu'il avait de forces sous la main, quarante mille hommes au plus, attendant que Davoust eût percé jusqu'à lui, et que les maréchaux Oudinot et Masséna qui commandaient, l'un vingt-cinq mille hommes, et l'autre trente mille, eussent le temps d'accourir d'Augsbourg et d'Ulm.

Cependant cent mille Autrichiens se dirigeaient sur la position de l'Abens, lorsque l'archiduc, sur la nouvelle d'un mouvement de Davoust, partagea ses forces au lieu de profiter de son immense supériorité numérique pour accabler Napoléon, et écraser ensuite ses lieutenants l'un après l'autre. Laissant le général Hiller avec cinquante mille hommes en présence de Napoléon, il se porta au-devant du maréchal. Celui-ci partit de Ratisbonne le 19 au matin, pour gagner Abensberg par une route qui longeait le Danube et que dominaient des hauteurs boisées depuis Abbach jusqu'à Post-Saal. L'artillerie et les cuirassiers passèrent par cette gorge, l'infanterie les flanqua en marchant sur les hauteurs. Un seul régiment fut laissé dans Ratisbonne pour empêcher cinquante mille Autrichiens, qui arrivaient de Bohême, de franchir le Danube sur le pont de cette ville. Afin de seconder ce mouvement, le maréchal Lefebvre déboucha d'Abensberg sur Arnhofen, par où devait arriver Davoust.

Cependant l'archiduc Charles marchait sur Ratisbonne où il croyait encore Davoust enfermé; mais, au lieu

de prendre son chemin par Post-Saal, c'est-à-dire, par la seule route qu'avait pu choisir Davoust, il marcha en trois colonnes sur Eglofsheim, Dentzling et Tengen. Cette dernière colonne, qui formait la gauche de l'archiduc, rencontra en avant de Tengen l'infanterie de Davoust, qui y était déjà arrivée, et un combat sanglant s'engagea entre ces deux ailes gauches des deux armées, tandis que le centre et la droite de l'une et de l'autre continuaient tranquillement leur route, l'archiduc sur Ratisbonne, Davoust sur l'Abensberg. Le choc fut rude; mais vers les six heures du soir, les Autrichiens, repoussés avec une perte de quatre mille hommes, laissèrent la route libre. Davoust put donc opérer, le. 19 au soir, sa jonction avec Napoléon; ces événements changeaient entièrement la face des choses. De disséminées qu'elles étaient les armées françaises se trouvaient réunies; tandis, au contraire, que les armées autrichiennes, concentrées d'abord sur un seul point, se trouvaient maintenant partagées en plusieurs corps; celui de l'archiduc Charles, qui s'éloignait vers Ratisbonne avec une de ses ailes; celui qui avait heurté contre l'infanterie de Davoust, déjà rompu; celui de Hiller (vingt-deux mille hommes), qui marchait vers Pfeffenhausen ; celui de l'archiduc Louis, en position à Siegenbourg (dix mille hommes); celui du prince de Reuss (quinze mille hommes), à Kirchdorf; enfin celui du général Thierry (cinq mille) à Offenstetten. Le succès de la campagne était presque décidé; et Napoleon, qui, depuis le 12, était dans de si cruelles perplexités, se trouvait maintenant dans une situation menaçante envers l'ennemi; celui-ci, pour avoir mal à propos étendu sa droite, ne conservait pas de liaison assez immédiate avec les corps qu'il avait laissés sur l'Abens. Les Français étaient établis en face de l'intervalle qui séparait les deux parties de l'armée autrichienne; et, par ce moyen, ils se trouvaient à portée de se jeter en masse entre ces deux parties pour maintenir leur séparation

et les battre en détail. L'ennemi ne pouvait échapper à ce malheur qu'en exécutant en toute hâte une retraite concentrique sur Landshut. Pour l'empêcher, il fallait ne pas lui donner le temps de se reconnaître. Napoléon se détermina à prendre sur-le-champ l'offensive, en la dirigeant d'abord contre la gauche des ennemis. Il lui destinait les premiers coups, parce qu'il comptait être secondé dans ses opérations contre cette aile par les grenadiers d'Oudinot ou le corps de Masséna. Le premier était arrivé, le 19, à Pfeffenhausen; le second devait s'y rendre le lendemain. Ils étaient en position de menacer la gauche de Hiller, et sa ligne de retraite sur Landshut.

L'empereur fit aussitôt ses dispositions: Davoust est laissé avec vingtcinq mille hommes près de Thann et de Hausen, pour contenir la droite de l'ennemi. Avec les soixante mille qui lui restaient, Napoléon s'avance contre l'archiduc Louis. Comme il lui importe d'empêcher l'archiduc Charles de soutenir son frère, Lannes dut se jeter, avec les deux autres divisions de Davoust et les cuirassiers de Nansouty, sur Rohr, afin de s'emparer de la route de Kelheim à Landshut, et d'intercepter toute communication entre les deux ailes.

Après avoir harangué les Bavarois et les Wurtembergeois, l'empereur laisse la division Wrède au pont de Siegenbourg, pour tenir en respect l'archiduc Louis et l'attaquer ensuite, dès que le moment en serait venu. Napoléon se jette sur la droite de ce prince avec les Wurtembergeois et les deux divisions bavaroises de Lefebvre : les premiers par Offenstetten sur Rohr; les seconds par Kirchdorf. Lannes doit seconder et couvrir ce mouvement; arrivé à Rohr, il éclairera Adelshausen et le vallon de la Laber, afin de refouler les secours que l'archiduc Charles pourrait envoyer de ce côté, et d'assurer la rupture du centre ennemi. »

La première attaque fut dirigée contre le général Thierry, qui fut culbuté et mené tambour battant jusqu'à Rotten

hourg, où il rencontra quatorze mille hommes que Hiller amenait en toute hâte à son secours; mais Hiller ne put empêcher que Lannes ne traversât impétueusement, au milieu des fuyards et des bagages autrichiens, le pont de la Laber. Tandis que l'ennemi perdait Offenstetten, Lefebvre chassait le prince de Reuss de Kirchdorf; et l'archiduc Louis, attaqué de toutes parts dans sa jonction de Siegenbourg, et menacé d'être coupé de Hiller, battait lui-même en retraite. Ainsi, dans cette première affaire d'Abensberg, trois corps autrichiens avaient été écrasés, et un quatrième, celui de Hiller, entamé; toute ia gauche de la grande armée autrichienne se trouvait done compromise; la bataille de Landshut livrée, le 21, à Hiller, la jeta dans une complète déroute, et força ses débris de repasser l'inn en toute hâte. De Landshut Bonaparte, abandonnant au maréchal Bessières la poursuite des colonnes rompues de Hiller, se rabattit sur le centre du prince Charles, l'écrasa, le 22, à Eckmühl, et le contraignit, par le combat de Ratisbonne, à repasser le Danube pour chercher un asile en Bohême. Ainsi la grande armée autrichienne avait été battue en détail, coupée et rejetée d'une part au delà du Danube dans la Bohême, de l'autre, au delà de l'Inn.

« Jamais Napoléon n'avait remporté de succès plus brillants, plus décisifs, et l'on peut le dire, plus mérités. Le combat de Thann livré au centre de l'archiduc; la bataille d'Abensberg qui isola la gauche; l'affaire de Landshut qui acheva de la mettre hors de combat ; la bataille d'Eckmühl livrée de nouveau contre son centre, et enfin le combat de Ratisbonne qui acheva de rompre son armée, forment une série d'événements dont l'histoire n'offre pas d'exemple. Napoléon était le 12 à Paris dix jours après il avait gagné deux batailles et décidé la campagne. César ne put jamais dire, avec autant de raison, son fameux veni, vidi, vici (*). »

(*) Jomini, Vie politique et militaire de Napoléon, t. III, p. 176.

Ajoutons que la bataille d'Abensberg offrit un singulier exemple de la difference des combinaisons dans l'emploi des masses; les quatre-vingt mille Autrichiens du prince Charles furent occupés et contenus par les vingt mille hommes de Davoust, tandis que quarante mille hommes de l'archiduc Louis et de Hiller étaient écrasés par soixantecinq mille Français, Wurtembergeois et Bavarois (Voyez Batailles D'ECKMUHL, DE RATISBONNE, D'ESSLING et DE WAGRAM, pour la suite de cette campagne de 1809.).

ABJURATION.

Au moyen âge, le mot abjuratio avait plusieurs sens : c'était un serment par lequel un criminel réfugié dans un asile s'engageait à sortir du royaume pour toujours. « Abjuration, dit Wilhelm de Stamford, est un serement que home ou feme preignont, quant ils ont commise feloy et fuè (fui) a l'Eglise, ou cimitoire, pour tuition de lour vies. eslisant plustost perpetual banissement hors del realme, que a estoifer à le ley et d'estre trié del felonie. » -- Ordinairement quarante jours lui étaient donnés pour s'exiler.-Lorsqu'un coupable venait chercher un asile dans une église, ce n'était que le neuvième jour que les clercs venaient lui demander s'il voulait se remettre à la justice séculière ou à celle de l'Église. S'il refusait de comparaître devant des juges laïques, on assemblait des chevaliers, et là il jurait de quitter le pays par la route qui lui serait indiquée, et sans rester jamais plus d'une nuit dans aucun lieu, à moins de maladie. Voyez dans du Cange les formes poétiques de l'abjuration politique chez les Danois.

En termes de droit, abjuration signifiait aussi renonciation."

Enfin, abjuratio était pris dans le sens moderne d'abjuration, pour signifier l'acte par lequel on déclarait renoncer à l'hérésie pour rentrer dans le sein de la foi chrétienne. La plus célèbre de ces abjurations est celle de Henri IV. Elevé par sa mère Jeanne d'Albret dans la religion protestante, il fut forcé, à la Saint-Barthélemy, d'embrasser la religion catholique pour sauver sa tête.

« PreviousContinue »