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ter une partie de nos doctrines, pour les tourner contre la souveraineté du peuple; ce sont en un mot les hommes aux transactions. Lorsque j'ai levé le drapeau de la Législation directe, pendant longtemps je n'ai été soutenu que par les masses. Dans la démocratie officielle je n'ai trouvé que des adversaires jusqu'au moment où Considerant est venu m'offrir un inappréciable et généreux concours. J'ai la conviction inébranlable que les masses seront également avec nous, lorsqu'il s'agira de préserver notre drapeau de toute souillure de transaction (1).

Finissons par rappeler quelques belles paroles de Proudhon « Ce qui constitue la pratique révolutionnaire, c'est qu'elle ne procède plus par détails et diversité, ou par transitions imperceptibles, mais par simplifications et

(1) Louis Blanc est du même avis. « Ah! c'est que Ledru-Rollin, dit-il, ne s'est pas ren du un compte exact de la portée fatale et des conséquences dernières du système qu'il a imprudemment émis. Il n'a voulu qu'affaiblir le régime des assemblées centrales, et il est amené à plaider, à son insu, leur complète destruction. C'est tout simple: quand un engrenage vous prend le bras, il vous prend le corps. M. Ledru-Rollin a beau vouloir resserrer la question : elle s'étend, elle déborde, elle met en pièces son cadre; et par ordre de la logique, le problème se pose ainsi : « Faut-il une assemblée, ou n'en faut-il plus?..... » Quand on pressera M. Ledru-Rollin d'aller droit devant lui, de ne pas marchander à ses 37,000 fractions du peuple la souveraineté du peuple, de ne pas étouffer le souverain entre oui et non, de ne pas donner le décret pour refuge à la tyrannie chassée de la loi; quand on l'adjurera de crier à son tour: Plus d'assemblée législative quelconque ! qu'aura-t-il à répondre? Sera-t-il bien difficile de lui prouver qu'à côté du gouvernement direct du peuple par lui-même, compris de cette sorte, son gouvernement du peuple, à lui, est un vain compromis, un procédé de juste-milieu impossible ou dérisoire? M. Ledru-Rollin croit aujourd'hui décrier le régime des assemblées législatives, au profit de ses propres conclusions : j'ose lui prédire que demain il se trouvera l'avoir décrié au profit des conclusions beaucoup plus logiques de MM. Considerant et Rittinghausen........... »

(La République une et indivisible, pages 78 et 94.)

enjambements. Elle franchit, dans de larges équations, ces termes mitoyens que propose l'esprit de routine, dont l'application aurait dû normalement se faire dans la période antérieure, mais que l'égoïsme des heureux ou l'inertie des gouvernements a repoussée.

« Ces grandes équations de principes, ces transitions gigantesques dans les mœurs, ont aussi leurs lois; rien de moins arbitraire, de moins abandonné au hasard, que la pratique des révolutions.......... Supposons qu'en 89 les conseillers prudents du despotisme, les esprits avisés de la noblesse, les tolérants du clergé, les sages de la bourgeoisie, les patients du peuple; supposons, dis-je, que cette élite de citoyens, aux vues les plus droites, aux idées les plus saines, aux intentions les plus philanthropiques, mais pénétrée du danger des brusques innovations, se fût entendue pour ménager, suivant les règles de la haute politique, la transition entre le despotisme et la liberté? Qu'auraient-ils fait?

<< Ils auraient voté, après longue discussion, mûre délibération, en mettant entre chaque article dix ans au moins d'intervalle, une charte octroyée; ils auraient négocié avec le pape, et avec toute sorte de soumission, la constitution civile du clergé; ils auraient traité avec les couvents, à l'amiable, le rachat de leurs biens; ils auraient ouvert une enquête sur la valeur des droits féodaux, sur l'indemnité à accorder aux seigneurs; ils auraient cherché des compensations aux priviléges pour les droits accordés au peuple. Ils auraient fait durer mille ans une révolution que la pratique révolutionnaire accomplit en une nuit.

<< Et tout ceci n'est point une vaine hypothèse: il ne manqua pas d'hommes en 89 pour enchaîner avec cette fausse sagesse la révolution. Le premier de tous fut Louis XVI, Louis XVI, révolutionnaire de cœur et de

théorie autant que personne, mais qui ne comprit pas qu'il devait l'être également en pratique. Louis XVI se mit à marchander et chicaner sur tout, tant et si bien, que la révolution, impatientée, l'emporta !..... »

LIVRE TROISIÈME.

La Législation directe et les aristocrates du parti populaire.

I

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

Lorsque j'ai réclamé pour le peuple son bon droit, le droit de faire ses lois lui-même, sans intermédiaires, j'ai prévu l'accueil favorable qu'allait trouver l'idée nouvelle au sein de la démocratie en général; mais j'ai compris également que contre cette idée se tournerait l'opposition ardente de tous ceux qui ont intérêt à maintenir le système actuel. Il n'en pouvait pas être autrement. Les hommes qui ont joui des bénéfices de ce système, soit qu'ils aient rempli l'Europe du retentissement de leurs discours souvent fort médiocres et toujours stériles, soit qu'ils aient fait prédominer leurs vues dans les assemblées, tenu le pouvoir et profité du partage des places, ces hommes ne pouvaient manquer de s'opposer à un principe qui enlève aux uns les avantages que nous venons d'énumérer et qui empêche les autres de les conquérir.

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