Page images
PDF
EPUB

L'assemblée ordonne l'impression de la lettre, et charge M. le président d'écrire à ce digne évêque une lettre approbative de sa conduite et de ses sentiments.

Un membre du comité des rapports rend compte d'une demande présentée à l'assemblée nationale par les deux députés nobles de Villefranche de Rouergue, ainsi que des pièces qui étayent leur requête, et qui détaillent les violences exercées envers l'un d'eux, et les risques qu'ils avaient courus par l'effet des préventions de quelques personnes de la province.

Conformément à cette demande, on donne acte aux deux députés des démarches instantes qu'ils ont faites vis-à-vis le juge-mage de Villefranche de Rouergue, pour obtenir une assemblée de la noblesse de leur sénéchaussée; assemblée qui avait pour objet l'extension de pouvoirs dont ils avaient besoin, et qu'ils auraient reçus beaucoup plus tôt sans les délais apportés à la convocation par eux provoquée dès le 2 juillet.

L'assemblée s'occupe du sort de quatre citoyens de Marienbourg, arrêtés chez eux la nuit du 13, et transférés à Avesnes.

Il est décrété que M. le président s'informera auprès de M. le garde des sceaux des faits relatifs à leur emprisonnement, et demandera un sursis à tout jugement rendu ou à rendre dans leur affaire, jusqu'après la connaissance qui en aura été donnée à l'assemblée, ainsi que des procédures sur lesquelles il serait appuyé. Enfin, sur le rapport fait par un membre du comité de subsistance, d'un attroupement qui a eu lieu aujourd'hui à Versailles, par suite duquel le prix du sel a été baissé à six sous, l'assemblée continue la délibération, et charge M. le président de prendre les renseignements relatifs, et d'en communiquer avec le pouvoir exécutif.

M. le président lève la séance, qu'il remet à demain à l'heure ordinaire.

Le 24 août au soir M. de Saint-Fargeau présenta, au nom du comité de rédaction, un projet d'adresse pour la fête du roi, qui fut adopté.

Versailles, 25 août.-Il n'y a point de séance.

L'assemblée nationale a nommé soixante membres pour porter l'adresse au roi; M. de Clermont-Tonnerre était à la tête de la députation. Le roi a paru reconnaissant des témoignages de dévouement, d'attachement à sa personne. Le grand maître a été recevoir la députation et l'a reconduite. On lui a rendu tous les honneurs d'étiquette accordés aux princes.

M. le duc d'Orléans, avec toute sa famille, à été faire sa cour au roi. Ce prince s'en abstenait depuis longtemps, pour faire voir avec quelle rigidité il remplissait les fonctions de député.

A midi, les officiers municipaux de la capitale ont été admis chez le roi avec tous les honneurs d'usage. Ils sont entrés chez le roi par l'escalier des princes.

« La députation fut introduite dans la grand'chambre à coucher du roi. Sa Majesté y était assise, couverte, environnée de Monsieur, des grands officiers de la couronne et de tous les ministres.

«Le maire et la députation se sont approchés de S. M.; messieurs les députés sont restés debout. M. le maire, seul, a mis un genou en terre, et a prêté, entre les mains du roi, sur le crucifix présenté et soutenu par M. Brousse-Desfaucherets, le serment arrêté par la commune, et conçu en ces termes :

« Sire, je jure à Dieu, entre les mains de Votre Majesté, de faire << respecter votre autorité légitime, de conserver les droits sacrés << de la commune de Paris et de rendre justice à tous. »

« Après le serment, le maire s'est levé, a pris des mains de l'un des secrétaires un bouquet enveloppé d'une gaze, sur lequel était écrit en lettres d'or : Hommage à Louis XVI, le meilleur des rois; et il l'a offert à Sa Majesté, qui l'a reçu avec bonté.

« Ensuite, le maire a présenté M. le commandant général de la garde nationale, M. le commandant, les officiers, etc. » Procèsverbal de la députation.)

Avant de quitter Versailles, la députation s'assit à un banquet où l'on poussa force cris de vive le roi! vive la famille royale!

[ocr errors]

Situation de Paris.

Disette. Pouvoirs que Représentation de Charles IX. Commencement

CHAP. II. - Question du veto. s'attribuent les districts. de la discussion du veto. - Passions que soulève cette discussion. - Désordres. Rassemblements d'ouvriers. - Séparation de l'assemblée en côté droit et en côté gauche. - Mesures relatives aux subsistances.

Paris. Un mouvement de terreur agitait la capitale : c'était encore la disette qu'on craignait. On voyait de nouveau, depuis quelques jours, ces longues queues aux portes des boulangers qui avaient cessé après le voyage du roi à Paris. Des factionnaires étaient apposés aux portes des boutiques, et maintenaient l'ordre.

Cette émotion avait été préparée par une succession de petits accidents qui s'étaient grossis en s'accumulant. Le 2 août, d'après les plaintes unanimes qui s'élevaient sur la mauvaise qualité du pain et sur son insalubrité, une proclamation de l'hôtel de vi

annonça aux Parisiens, « que les farines venues par mer ayant été avariées, ce n'était la faute de personne si le pain avait un mauvais goût; la nécessité prescrivait, ajoutait-elle, de le manger comme on l'avait; mais cette avarie n'avait rien de nuisible pour la santé. » Le 4 août, on apprit qu'un convoi de farines, destiné pour la capitale, avait été pillé à Elbeuf, et l'on fit partir quatre cents hommes pour Provins, afin d'assurer les achats de la ville. Le 5 août, une nouvelle proclamation fut adressée à la population effrayée de ces événements. Elle concernait moins encore les Parisiens que les habitants des campagnes voisines; et en effet, elle fut affichée dans toutes les communes de la généralité. « La confiance, disait-elle, la liberté, la sûrelé, sont les seules sources de la prospérité publique... Tous les habitants de la France se doivent des secours fraternels. » Ensuite elle invitait tous les particuliers qui avaient des grains et farines, à les porter dans les marchés... Les officiers municipaux étaient priés de protéger la libre circulation; et dans le cas où leur garde nationale ne serait pas assez forte, on leur offrait des secours. La lecture d'une telle proclamation n'était certes pas rassurante; aussi, le 7 août, une décision des représentants de la commune réduisit le prix de la livre de pain à 3 sous. Le 14 aout, cette assemblée manda pardevant elle le comité des subsistances. Bailly blama vivement cette mesure, qui devait avoir pour résultat de rendre publics les embarras du comité. Par cette démarche inconsidérée, dit-il dans ses mémoires, le salut du peuple a été compromis; et si la ville de Paris n'a pas été renversée par une insurrection, cela tient à un concours de circonstances dont personne alors ne pouvait répondre. Le 19 août, les boulangers vinrent se plaindre à l'assemblée, soutenant qu'on ne leur donnait pas assez de farines à la halle; ils prétendaient que la consommation était de 2,000 sacs, tandis que le comité des subsistances soutenait qu'elle ne dépassait pas 15 à 16 cents. Les boulangers répondaient qu'il était vrai qu'ils ne recevaient que cette dernière quantité, mais qu'ils suppléaient à ce qui leur manquait par des achats particuliers qu'ils faisaient avec grand' peine. Bailly avance que ce même soir, 19, on n'avait de farines que pour la consommation d'un seul jour. Le 20, on apprit qu'on avait détourné un assez grand nombre de voitures d'un convoi venant à Paris, pour en enrichir l'approvisionnement de Versailles.-Le 21, l'inquiétude commençait à se répandre dans la population. Le district SaintÉtienne-du-Mont vint demander qu'on fit des recherches dans les maisons religieuses, colléges et communautés. Cela fut ordonné, mais ne produisit presque rien. En outre, les représentants nóm

mèrent des commissaires pour veiller à la mouture des grains; et ils autorisèrent les boulangers à acheter tous les blés qu'ils pourraient se procurer ailleurs que dans les magasins de la ville, ordonnant aux meuniers de recevoir ces grains et de les convertir en farine. En même temps, les représentants délibérèrent et firent afficher une proclamation pour défendre les attroupements. En effet, dès ce jour, les altroupements commencèrent aux portes des boulangers; et chacun se précautionnant, en une seule fois, d'un approvisionnement de pain pour plusieurs jours, il arriva que les fournées, destinées à la consommation de 24 heures seulement, furent insuffisantes; les derniers venus n'eurent pas de pain. Dans les districts, on fit distribuer du riz aux pauvres. —Le 22, des districts se plaignirent qu'il y eût dans le comité des subsistances des hommes qui ne faisaient point partie des représentants de la commune; et ce comité fut obligé de donner des autorisations pour la recherche des grains à une douzaine de députés de districts, qui partaient accompagnés chacun d'une petite armée. L'inquiétude, alors, n'était pas seulement pour le peuple, qui craignait de manquer de pain; mais aussi pour les boulangers, qui se plaignaient de la mauvaise administration des approvisionnements, et plus encore pour les hommes du pouvoir. Bailly s'étonnait qu'il n'y eût pas d'insurrection, et cet étonnement était partagé par toute la haute bourgeoisie de Paris, en sorte qu'on supposa que le mouvement était seulement ajourné; on en déterminait la date, on l'annonçait pour le 25, jour fixé pour la présentation au roi des députés de l'hôtel de ville. En conséquence, le maire et M. Lafayette prirent des précautions comme si l'insurrection devait avoir lieu; on doubla les postes, on disposa des réserves; on fit conduire du canon aux barrières du côté de Montmartre, pour réprimer le mouvement dont on se disait certain, celui des 17,000 malheureux qui y travaillaient. On chargea ces canons à mitraille; on poussa au milieu d'eux de grosses patrouilles. Cependant il n'y eut rien qu'une fête de plus, celle du départ de la députation pour Versailles.

En effet, la population de Paris suffisait en même temps à tous les genres de manifestations. A l'imitation des dames de la halle et du marché Saint-Martin, les demoiselles de chaque district allaient successivement porter un bouquet à Sainte-Geneviève. Chaque jour la ville était égayée d'une fête semblable; les jeunes filles, vêtues de blanc, marchaient processionnellement, portant un bouquet dont les rubans tricolores étaient tenus par les principales d'entre elles; le bataillon du district et sa musique formaient leur cortége. En sortant de Sainte-Geneviève, on se rendait ordinairement chez le

maire, et on lui présentait une brioche qu'on avait fait bénir. «O bienheureuse sainte Geneviève! s'écriait Loustalot, Louis XI vous demandait le pardon de ses crimes; Charles IX, la Saint-Barthélemi; Louis XIV, des victoires, et nos jeunes vierges, la liberté ! délivrez-nous aussi des fourbes et des traîtres ! »>

Car il était vrai que la diversité des intentions avait largement la place de se manifester, en l'absence d'un règlement commun qui fixât les devoirs, les droits et les relations des districts. Chacun d'eux s'était créé un comité permanent, un comité de police, un comité militaire, un comité civil, un comité de subsistances; et chacun d'eux entendait ces matières à sa manière. On se plaignait donc que quelques-uns d'entre eux, sur des soupçons, eussent osé ordonner des arrestations, et menacé des citoyens de la lanterne; que des femmes et des filles honnêtes eussent été enlevées en traversant les rues, ou sur leurs portes, comme de viles prostituées, et relâchées seulement grâce au soulèvement du quartier; que des citoyens eussent été blessés à coups de baïonnettes par les patrouilles qui les arrêtaient; que dans plusieurs quartiers on ne voulût pas laisser crier et vendre des ouvrages qui portaient le visa de la ville, etc. Un district avait osé envoyer chez un libraire du PalaisRoyal pour lui enlever tous ses livres indistinctement; la patrouille chargée de cette expédition en fut empêchée seulement par l'intervention du public.

Une brochure anonyme ayant pour titre Pacification des districts attribuait ces actes arbitraires aux gens de robe qui formaient la majorité dans certains comités, gens affamés de places, dressés aux habitudes de l'ancienne police, et qui affectent du zèle pour parvenir.

Pendant que certaines sections de Paris se distinguaient par leur esprit anti libéral, le district des Cordeliers se distinguait par une énergie toute contraire. Il faisait remettre en liberté un écrivain, M. Lepeletier, qui avait été arrêté pour une brochure qui n'était rien moins que constitutionnelle. Aussi les réclamations des Cordeliers étaient d'autant plus vantées qu'elles étaient faites purement dans l'intérêt de la liberté de la presse : l'opinion de ce district était connue, elle était des plus libérales. Cette brochure, que nous avons sous les yeux, a pour titre : Le triomphe des Parisiens; elle était d'ailleurs plus spirituelle que dangereuse. Nous en donnons l'analyse suivante, faite par Camille Desmoulins : « L'auteur voudrait faire croire aux Parisiens, dit Desmoulins, que leur cité va devenir aussi déserte que l'ancienne Babylone, que les Français vont être transformés en un peuple de laboureurs, de jardiniers et de philo

« PreviousContinue »