Page images
PDF
EPUB

discutaient les grandes questions d'économie politique et rurale, les agents du gouvernement, caressant avec complaisance le fantôme du despotisme légal, se félicitaient de voir des écrivains distingués, dupes de leurs propres chimères, les présenter à l'adoration du peuple, et saisissant avidement la partie du système des économistes, qui pouvait seconder leur système de déprédation, donnèrent le célèbre arrêt du conseil de 1764, qui permit l'exportation des grains à l'étranger, sous prétexte de hausser le prix des terres ; mais, en effet, pour doubler le produit des vingtièmes (1), et ouvrir la carrière au plus affreux brigandage.

« Le plan d'opération du gouvernement demandait de grandes avances, car on n'achète pas le blé à crédit. Les riches propriétaires, les financiers, les gens de robe, les gens de cour, tous s'empressèrent de lui porter leurs fonds, dans l'espoir certain d'augmenter le revenu de leurs capitaux et de leurs propriétés territoriales. Les ministres et le feu roi lui-même prirent part à cet horrible trafic. Louis XV fit une avance de dix millions pour favoriser la sortie des grains hors du royaume, et gorger son propre trésor de la substance même de ce peuple dont il avait si longtemps été l'idole, et qui lui avait donné le surnom de Bien-aimé.

<< Pour assurer le succès de cette monstrueuse association, un arrêt du conseil vint défendre d'écrire sur l'administration des finances. On répandit ensuite des légions de sbires inquisiteurs pour surveiller jusqu'aux soupirs du désespoir, et le plus impénétrable mystère couvrit et les meurtrières mauœuvres, et les calculs affreux d'une société d'hommes, ou plutôt d'une troupe de bêtes féroces qui s'apprêtaient à dévorer la plus riche contrée de l'Europe.

Enfin le 12 juillet 1767, M. de Laverdy vendit la France, pour douze ans, à une compagnie de monopoleurs (2). Quatre million

(1) En 1787, le gouvernement exerça le même monopole sur la viande. Le prix en fut porté à douze sous au lieu de huit, ce qui augmenta de dix-huit millions l'imposition de Paris. (Note du Monit.)

(2) Le pacte abominable qui fut le résultat de cette opération, et que l'on peut bien appeler pacle de famine, fut rédigé, en ces termes, par M. Cromot-Dubourg, alors premier commis des finances.

Nous soussignés, Simon-Pierre Malisset, chargé de l'entretien et de la manutention des blés du roi; Jacques-Donatien le Ray de Chaumont, chevalier, grand maître honoraire des eaux et forêts de France;

Pierre Rousseau, conseiller du roi, receveur général des domaines et bois du comté de Blois ;

Et Bernard Perruchot, régisseur général des hôpitaux des armées du roi, tous cautions dudit Malisset, demeurant à Paris.

Après avoir examiné le traité ou soumission, dont copie est ci-après, passé au nom du roi, par M. le contrôleur général, le 28 août 1765, audit Malisset, pour

naires preneurs du bail, MM. Ray de Chaumont, grand maître des eaux et forêts de France; Rousseau, receveur des domaines et bois du comté de Blois; Perruchot, ancien entrepreneur d'hô

la garde, l'entretien, la manutention et le recouvrement des magasins de blés du roi pendant douze années, dont la première a commencé le 1er septembre de ladite année 1765, avons jugé convenable de pourvoir, par ces présentes, au traitement à faire audit sieur Malisset, et subséquemment aux arrangements relatifs au commerce et aux renouvellements successifs des blés qui ont été confiés audit sieur Malisset. En conséquence, et pour remplir le premier objet, c'est-à-dire, celui du traitement dudit sieur Malisset, nous, le Ray de Chaumont, Rousseau et Perruchot, cautions dudit sieur Malisset, sommes convenus de ce qui suit :

Art. Ier. Il sera alloué audit sieur Malisset 3 sous pour 250 livres de grains qui entreront dans les magasins de Corbeil et en sortiront en nature de grains, et qui seront voiturés par ses voitures; et 5 sous par même poids sur les grains convertis en farine.

II. Il sera alloué audit sieur Malisset 30 sous pour la mouture de tous moulins qu'il emploiera, soit à Corbeil ou aux environs, à raison du sac de blé pesant 250 livres.

III. Il sera alloué audit munitionnaire 8 sous du setier de grains, du sac de farine ou du setier d'issues, et 6 sous par chaque baril que ses bateaux amèneront de Corbeil à Paris, à l'effet de quoi il sera obligé d'avoir toujours à la disposition du service des bateaux suffisamment en bon état. Il sera même tenu de faire garnir les bateaux de sous-traits et de couvertures ou bannes, de telle sorte que la denrée ne puisse être avariée dans les bateaux, desquels ledit sieur Malisset sera responsable, comme il le sera aussi desdites marchandises, dans le cas de perte de bateaux, soit qu'ils périssent par la faute des mariniers, par fortune de temps ou autrement, et par quelque cause que ce puisse être, renonçant de la part dudit sieur Malisset aux exceptions portées par les ordonnances, et reconnaissant que le prix fixé pour ses voitures ne l'a été ainsi que sous la condition qu'il rendrait toujours les marchandises à leur destination, ou qu'il en payerait la valeur.

IV. Ledit sieur Malisset, dans les prix ci-dessus convenus, ne sera tenu du payement d'aucun des journaliers qui pourront être employés au chargement et déchargement des bateaux dans les voitures, et des voitures dans les magasins. Il sera pourvu au payement de ces journaliers sur des états détaillés et certifiés qui seront remis tous les mois au directeur caissier, par ledit sieur Malisset, lequel au surplus ne sera chargé que des salaires des mariniers, charretiers et journaliers qui seront employés au criblage.

V. Il sera payé annuellement audit sieur Malisset une somme de 500 liv. au moyen de laquelle il se chargera d'affranchir tous les grains et farines employés dans ladite manutention, du droit de minage pendant la durée du bail actuel du sieur Houillard ou du sieur Malisset, ou du bail qu'il pourrait renouveler.

VI. Il sera alloué audit sieur Malisset dix boisseaux de son par jour, pour lui tenir lieu de reportage des sacs vides de Paris à Corbeil, et de Corbeil à Paris, et autres ustensiles appartenants à la manutention et pour l'entretien des chemins. VII. Enfin, il lui sera passé annuellement une somme de 600 liv. pour lui tenir lieu de ses frais de voyage, même jusqu'à Nogent-sur-Seine, et des dépenses qui peuvent être occasionnées par les différents marchands et commissaires qui vont journellement à Corbeil chez le sieur Malisset. Et dans le cas où il serait obligé de faire quelques voyages au loin, il lui sera tenu compte de ses frais de poste lorsque la distance sera au delà de vingt lieues de Paris.

VIII. Au moyen desquelles conditions le sieur Malisset s'oblige de faire con

pitaux d'armée, et Malisset, ancien boulanger, après avoir été meunier banqueroutier, couvraient de leurs noms cette tourbe de ministres, d'intendants des finances, d'intendants de provinces, de

duire par ses voitures tous les grains qui arriveront à Corbeil pour raison de ladite manutention, et de les faire transporter des bateaux ou voitures dans les magasins près et loin. Il fera aussi faire par les mêmes voitures tous les partages de grains, farines et issues, soit dans les magasins, soit à la mouture, de la mouture dans les magasins, et des magasins aux bateaux on chez les marchands ou boulangers à résidence de deux ou trois lieues de Corbeil. Le sieur Malisset fera cribler tous les blés qui entreront dans les magasins de Corbeil, et fera moudre tous ceux qui sont destinés à la mouture, et il ne lui sera passé pour tout déchet que vingt et demi pour cent, sans toutefois qu'il puisse profiter du déchet, s'il se trouvait moins considérable.

IX. Ledit sieur Malisset voiturera par ses bateaux, de Corbeil à Paris, tous les grains, farines et issues qu'il sera jugé convenable de faire venir à Paris, sans qu'il puisse rien exiger au delà de ce qui a été ci-dessus convenu, sous quelque prétexte que ce puisse être.

X. Ledit sieur Malisset sera tenu des impositions des vingtièmes, des tailles et autres accessoires, sauf à lui à en obtenir la décharge, s'il y a lieu, conformément à son traité avec le roi.

XI. Reconnaît au surplus ledit sieur Malisset, que par l'article XIII de sa soumission du 28 août 1765, il est convenu qu'en cas de mort de sa part, ladite soumission sera résolue de droit par rapport à lui, sans que ses héritiers ou représentants puissent exercer aucuns droits ni prétentions pour raison d'icelle, et que lesdits sieurs le Ray de Chaumont, Rousseau et Perruchot, ses cautions, jouiront de tout l'effet de ladite soumission. En conséquence, en cas de mort dudit Malisset, il sera fait un inventaire signé du caissier et desdits sieurs ses cautions, de l'état et situation de l'entreprise, pour les fonds qui pourraient être dus audit sieur Malisset être remis à ses héritiers, après toutefois que l'inventaire et contre-mesurage des blés du roi auront été faits, pour, dans le cas où les quantités appartenantes au roi ne seraient point entières, lesdites quantités être complétées par les fonds de l'entreprise; ou par ceux provenant de la succession dudit sieur Malisset, si le déficit dans les quantités provenait de son fait. Et ledit sieur Malisset s'oblige, tant pour lui que pour ses représentants, de fournir pendant la durée de douze années, ses moulins, bâtiments et magasins actuellement existants à Corbeil, même ceux qu'il pourra acquérir et faire construire par la suite.

Se soumet aussi ledit sieur Malisset à ne faire aucune mouture de grains, achat de blé ou vente de farine, transport de grains de chez les marchands et des magasins de dépôt à Corbeil ou ailleurs, que du consentement de la pluralité de ses cautions, et à moins que les marchés ne soient passés par le directeur qui sera nommé à cet effet.

Toutes lesquelles clauses et conditions ont été acceptées par le sieur Malisset, et garanties par lesdits sieurs ses cautions.

Et lesdits sieurs ses cautions, voulant pourvoir à la sûreté de ladite entreprise, assurer le progrès du commerce qui en sera le soutien, et le garantir de tous les événements, ont jugé convenable de former un fonds qu'ils augmenteront suivant l'exigence des cas, et à la contribution duquel ils ont trouvé juste de faire participer le sieur Malisset, tant pour lui procurer une portion des bénéfices, si aucuns il y a, que pour le rendre plus attentif et plus vigilant, en le faisant contribuer aux pertes, si les événements en produisent quelques-unes. En conséquence, ledit sieur Malisset et lesdits sieurs ses cautions, sont convenus de ce suit:

présidents et conseillers de cours souveraines, et cette foule de courtisans et de financiers conjurés contre la subsistance d'une nation entière.

Art. Ier. La totalité des fonds d'avance sera distribuée en 18 sous d'intérêt et répartis, savoir:

[blocks in formation]

II. Les fonds convenus pour chaque sou d'intérêts resteront fixés, comme ils ont été faits, à la somme de 10,000 liv., sauf, suivant les circonstances, à les augmenter ou diminuer, ce qui ne pourra être arrêté que par une délibération signée au moins de trois intéressés.

III. Les sieurs le Ray de Chaumont, Rousseau et Perruchot sont convenus, pour exciter davantage l'émulation et le zèle dudit sieur Malisset, de lui donner 2 sous sans fonds, sur les 6 pour lesquels il est compris dans la présente soumission. En conséquence, ledit sieur Malisset ne sera tenu de faire les fonds convenus que pour 4 sous seulement.

IV. Le sieur Gouget a été choisi et nommé pour directeur et caissier de ladite. entreprise, sous le cautionnement du sieur Perruchot, tant pour lui que pour les bureaux de l'entreprise, qui seront établis dans le même lieu.

V. Il sera pourvu incessamment au logement dudit sieur Gouget.

VI. MM. les intéressés tiendront leurs assemblées dans la maison dudit sieur directeur-caissier; et tous les papiers, titres et comptes de l'entreprise y seront déposés sous la garde dudit sieur directeur-caissier.

VII. Il sera pourvu aux appointements, frais de bureau et de loyer dudit sieur Gouget, par une délibération qui sera signée au moins de trois intéressés.

VIII. Les appointements dudit caissier, ceux des autres employés, les frais de bureau et ceux de loyer, seront payés par ledit sieur caissier, sur des états qui seront arrêtés à la fin de chaque mois, et signés au moins par trois intéressés.

IX. Il sera arrêté tous les trois mois un état d'intérêts à raison de dix pour cent des fonds de mise; et tous les ans, après le bilan ou inventaire général de l'entreprise, il sera pris une délibération pour la répartition des bénéfices, si aucuns y a, et le montant desdits intérêts, ainsi que celui de la répartition des bénéfices sera payé par le caissier sur les états qui seront signés au moins de trois intéressés.

X. En conséquence du dernier bilan, clos et arrêté au dernier novembre 1766, il sera réparti provisionnellement à chaque sou d'intérêt la somme de 2,000 livres, qui sera payée par le caissier sur l'état arrêté et signé au moins de trois intéressés.

XI. Toutes les reconnaissances qui ont été fournies jusqu'à présent à chaque intéressé pour les fonds d'avance, résultant de leurs intérêts seront converties en des recépissés du caissier, sous les mêmes dates, et qui seront contrôlés par un intéressé.

XII. Le compte de ladite entreprise sera fait et rendu par le directeur, et arrêté annuellement dans le courant du mois de novembre, signé au moins de trois intéressés, pour servir de base et de compte général aux représentants d'aucuns des intéressés qui pourraient décéder pendant la durée de ladite entreprise, étant convenus respectivement lesdits sieurs Malisset et ses cautions, qu'arrivant

« Quatre intendants des finances, MM. Trudaine de Montigny, Boutin, Langlois et Boullongne, se partagèrent le royaume, se distribuèrent à chacun un nombre égal de provinces à ravager, et

le décès d'aucun intéressé, son intérêt accroîtra aux autres par portion égale ; et ses représentants ne pourront répéter que ses fonds de ladite mise, les intérêts à dix pour cent jusqu'au jour du remboursement de ladite mise, et la portion à lui revenante dans les bénéfices arrêtés par le dernier compte, au moins sur les fonds de mise, s'il se trouvait perte au dernier compte.

La convention portée au présent article n'aura lieu néanmoins qu'autant que le ministère se prêterait à décharger les biens meubles et immeubles de l'intéressé décédé, du cautionnement solidaire; et dans le cas où ledit cautionnement subsisterait, alors les héritiers ou représentants jouiront de l'intérêt en entier pour participer aux pertes et bénéfices; il est seulement convenu que les héritiers ou représentants se contenteront, pour établir leur prétention, de la copie signée et certifiée des autres intéressés, du compte arrêté annuellement, de la situation de l'entreprise et des différentes délibérations, ordres de payement et autres arrêtés faits pendant chacune desdites années, jusqu'à l'expiration de la commission du sieur Malisset, acceptée, au nom du roi, par M. le contrôleur général.

XIII. Aucun intéressé ne pourra céder son intérêt, en tout ou en partie, sans le consentement unanime des autres intéressés; et arrivant qu'il fût fait une cession au préjudice de la présente clause, il est ici expressément convenu que les intéressés auront la faculté de réunir l'intérêt cédé en remboursant seulement au cessionnaire le capital du cédant, et les intérêts à cinq pour cent, du jour de l'acte de cession, et en lui tenant compte des bénéfices, ou lui faisant supporter les pertes depuis le dernier compte, comme il est dit en l'art. XII

XIV. Le directeur sera autorisé à passer des marchés, conformément aux délibérations; il sera tenu d'en faire approuver les clauses et conditions avant la signature par deux intéressés; et aucun d'iceux ne pourra faire de marchés particuliers, à l'exception du sieur Malisset, qui pourra vendre des sons et farines jusqu'à concurrence de 3,000 liv., à charge de faire enregistrer les ventes qu'il aura faites dans le jour.

XV. Aucun des intéressés, directement ou indirectement, ne pourront entrer dans aucune société pour raison du commerce des grains et farines, à Paris, n i sur les rivières de Seine et de Marne, et autres navigables, affluentes en icelles, que de l'agrément par écrit des autres intéressés, sous peine d'être exclu de la présente entreprise, à l'exception de M. de Chaumont, relativement à sa manufacture de Blois ou à son commerce maritime.

XVI. Il sera tenu toutes les semaines, au jour qu'il sera convenu et dans l'appartement qui sera destiné à cet effet dans la maison du caissier, une assemblée pour conférer des affaires de l'entreprise; et pour engager d'autant chaque intéressé à s'y trouver exactement, il sera payé par le caissier, en conséquence de l'état qui sera arrêté à la fin de chaque assemblée, un louis d'or de 24 livres à chaque intéressé présent.

XVII. Chaque jour d'assemblée, le caissier remettra un état de fonds de la caisse, un second état de situation de l'entreprise en actif et passif, et un troisième état des quantités de grains et de farines qui seront dans les différents magasins et entrepôts.

XVIII. Il sera pourvu aux instructions à donner au caissier-directeur, tan pour la comptabilité que pour la correspondance et les autres opérations relatives à ladite entreprise, par des délibérations qui seront signées au moins par trois intéressés.

XIX. Il sera délivré annuellement une somme de 1200 liv. aux pauvres, la

« PreviousContinue »