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l'orage autour d'elle, et être impassible sur ses siéges. Je pense donc qu'il en est de même aujourd'hui et qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

M. de Clermont-Tonnerre. La conduite du Palais-Royal à cette époque n'était qu'un scandale, et aujourd'hui elle est un attentat à la liberté française. Si, lorsque trente mille hommes armés voulurent nous réduire à l'esclavage, on eût dit qu'il n'y avait lieu à délibérer, qu'auriez-vous pensé? Mais vous avez délibéré, et vous avez, par votre vertu, mis cette armée en fuite. Vous n'avez pas voulu obéir au despotisme armé, obéirez-vous à l'effervescence populaire? L'un commandait des bassesses; l'autre vous commandera des crimes. Vous ne pouvez pas délibérer au milieu de quinze mille hommes armés, dont les projets sont inconnus, et qui sont perdus de réputation. (On applaudit.)

M. Chasset. Voici une lettre que m'a adressée un ecclésiastique, qui n'est, certes, ni modéré ni désintéressé; en un mot, qui déshonore son ordre, et que je dois mépriser.

« Associé à l'horrible conspiration formée contre le roi et la monarchie, vil scélérat, tu m'as dépouillé de tous mes biens. J'avais des pensions, des canonicats, des abbayes; tu m'as privé de tout; je n'ai plus rien qu'un désespoir contre toi. Ne pense pas qu'à mon âge je mourrai de faim sans venger Dieu, les lois, les pauvres, et trois cent mille hommes réduits comme moi à la mendicité.

« Je suis anonyme; tu me connaîtras au moment de la vengeance. >>

J'observe que, s'il est question de faire une liste de proscrits, mon sort est étrange. Si l'on me porte dans celle des proscrits par le Palais-Royal, je reste toujours exposé aux fureurs des ecclésiastiques; si, au contraire, on me met dans celle de l'ecclésiastique, je cesse d'être en butte aux présomptions du Palais-Royal; mais je n'en suis pas moins exposé au courroux du bénéficier dépouillé.

Un membre de la noblesse expose que c'est faire trop d'honneur à de pareilles menaces, que de délibérer sur un semblable objet; que l'on ne doit pas craindre des lettres anonymes, symbole de la crainte de ceux qui veulent en inspirer, et des factieux que le hasard rassemble.

M. Target observe qu'il n'y a pas lieu à délibérer, puisque la dernière lettre annonce que tout est calme.

Enfin il est décidé qu'il n'y a lieu à délibérer.

M. le président annonce qu'on va discuter la question de la sanction royale, après que M. Mounier aura fait le rapport des travaux du comité de constitution.

Paris, 31 août. On rapportait, au Palais-Royal, que la ville avait dit qu'il fallait s'adresser aux districts. « Messieurs, dit un citoyen, tous les partis que j'entends proposer me paraissent déraisonnables ou violents... Il y a, dit-on, plus de quatre cents députés aristocrates; eh bien! messieurs, donnez aux provinces le grand exemple de les punir par une révocation. Mais ce n'est pas au Palais-Royal que vous pouvez énoncer légalement votre opinion sur le veto et examiner si vos députés sont infidèles à leurs mandats : c'est dans les districts. J'entends dire qu'il est difficile d'obtenir une assemblée générale extraordinaire des districts; je crois, messieurs, que si vous vous adressiez à l'assemblée des représentants, pour la prier d'indiquer une assemblée générale de districts, vous l'obtiendriez. Alors vos délibérations seraient très-simples; la commune veut-elle ou ne veut-elle pas accorder au roi le veto, pour la part qu'elle a dans le pouvoir législatif? Quelle plainte a-t-elle à former contre ses députés ? etc. »>-Ce discours fut vivement applaudi.— A la ville! à la ville! pour l'assemblée générale des districts, criait-on, point de veto, à bas les aristocrates, à bas les tyrans! Messieurs, que tous ceux qui sont d'avis d'aller à la ville dans ce but, dit un citoyen, lèvent les mains; et tout le monde leva les mains. - On choisit donc une députation qui se rendit auprès de l'assemblée des représentants.

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Extrait du procès-verbal des représentants de la commune, du 31 août. « M. de Lafayette s'est présenté et a proposé de recevoir une députation de citoyens du Palais-Royal.

L'assemblée, prenant cette demande en considération, a d'abord agité la question de savoir si cette députation serait admise; les circonstances l'ont emporté sur les principes en conséquence les députés ont été admis.

Ces messieurs étant entrés, l'un d'eux a lu une sorte d'adresse conçue en ces termes :

« Nous sommes chargés de la part des citoyens assemblés au Palais-Royal, de demander une assemblée générale des districts pour ce soir à cinq heures, et qu'à cet effet il soit envoyé sur-lechamp l'ordre dans chaque district de battre la caisse pour l'indication de cette assemblée.

« A l'effet de délibérer dans chacun des districts sur les questions suivantes :

<«< 1o L'opinion de la commune assemblée par individus est-elle que le roi doit avoir le veto, c'est-à-dire le droit de refuser ou d'adopter les opérations du corps législatif, et la commune le lui

accorde-t-elle ou le refuse-t-elle, pour la portion qui lui appartient dans le pouvoir législatif?

«< 2o La commune est-elle satisfaite de ses députés à l'assemblée nationale? Les confirme-t-elle?

« 3o Si elle en révoque quelques-uns, qui nomme-t-elle électeurs pour nommer d'autres députés?

« 4o Ne convient-il pas de donner à ces nouveaux députés, on d'accorder aux anciens un mandat exprès pour refuser le veto au roi, et laisser à la nation l'entier exercice du pouvoir législatif?

«< 5° Enfin d'arrêter que l'assemblée nationale suspendra sa délibération sur le veto, jusqu'à ce que les districts, ainsi que les provinces, aient prononcé. »

L'assemblée, après avoir entendu ces propositions, a prié les députés de vouloir bien donner leurs noms. Ils ont dit se nommer Loustalot, avocat; Vaquier de Moutier, Poinsot, Bentabole, avocat; Baillot, homme de lettres; Peyrard, géomètre; Lescot, Collard, négociant.

Ces particuliers s'étant retirés, l'assemblée a délibéré. Chacun des opinants a marqué d'abord son étonnement d'une pareille démarche. Chacun s'est plus ou moins étendu sur la nécessité de ne pas permettre ces assemblées tumultueuses, présidées par l'esprit de discorde. On a répété à cet égard ce qui avait été déjà dit, que les districts étant ouverts aux citoyens pour y aller faire leurs motions, y communiquer leurs idées, y développer leurs sentiments sur la chose publique, c'était intervertir toute espèce d'ordre, que de se porter en foule dans ce jardin où toutes les classes de citoyens se trouvant réunies, les factieux avaient souvent le privilége funeste d'en imposer par leurs demi-connaissances, par leur enthousiasme forcené, à la classe crédule et peu instruite du peuple. Plusieurs membres prétendaient qu'il fallait répondre aux soi-disant députés, qu'il n'y avait pas lieu à délibérer; d'autres que l'assemblée, sur la question importante du veto, s'en rapportait à la sagesse de l'assemblée nationale. Enfin, les avis partagés se sont réunis pour l'arrêté suivant, qui a été prononcé par M. le président à MM. les soi-disant députés, après que l'assemblée les a fait rentrer.

« Messieurs, l'assemblée avait annoncé l'invariable résolution de ne recevoir aucune députation que d'un corps légalement constitué; elle ne vous a reçus que parce qu'on lui avait annoncé, comme de votre part, que vous vouliez proposer des moyens de ramener la paix dans le Palais-Royal. Elle n'a rien de plus à vous répondre... >>

(L'assemblée s'occupe ensuite de diverses questions, de l'affaire

des subsistances, des maisons de jeu. Elle décide qu'autorité est maintenue aux anciens règlements de police sur les jeux de hasard, clandestins, etc.)

L'assemblée allait se séparer, lorsqu'elle a été obligée de recevoir une seconde députation des soi-disant habitués du Palais-Royal, à la tête de laquelle M. Gontran, capitaine de la garde nationale de Saint-Philippe-du-Roule, avait été forcé de se mettre.

M. Gontran était chargé, de la part du Palais-Royal, de réitérer les demandes que les premiers députés avaient faites; il avait, en outre, pour objet personnel, d'informer l'assemblée que les mouvements du Palais-Royal étaient toujours les mêmes.

L'assemblée délibérait sur ce point important, lorsque M. le commandant général, qui avait été appelé pour cet objet, a annoncé une troisième députation, ayant le marquis de Saint-Hurugues en tête.

Cette troisième députation a donné lieu à quelques membres de rappeler la règle qu'on s'était imposée, de ne recevoir de députation que des corps légalement constitués. Malgré la double infraction que cette règle avait reçue dans la soirée, cette observation a prévalu; et il a été arrêté, conformément à l'avis de M. le maire, que la séance serait levée, remise à demain matin à neuf heures, et que la nouvelle députation serait renvoyée devant le comité.

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Nous avons choisi de présenter au lecteur un extrait de cette séance, parce qu'elle nous a paru très-propre à faire connaître l'esprit qui animait l'assemblée des représentants de la commune, et qui lui valut plus tard de nombreuses attaques de la part de la presse révolutionnaire.

La réponse des représentants fut d'ailleurs fort mal reçue du Palais-Royal; mais déjà un grand nombre de patrouilles traversaient et divisaient la foule. « Eh bien donc ! rendons-nous demain, dès quatre heures, dans nos districts! s'écria un orateur; soyons, autant que possible, en uniforme, ou bien mis, afin que l'assemblée sache que ce ne sont point les gens de Montmartre qui s'assemblent et délibèrent au Palais-Royal. »

Paris, 1er septembre. On commença à traiter la question du veto dans les districts. Elle s'agitait encore au Palais-Royal, malgré la désapprobation connue des membres de la commune de nombreuses brochures répandues à profusion, et criées dans les rues, excitaient encore l'ardeur d'une partie de la population.

En conséquence, l'assemblée des représentants de la ville rendit deux décrets, qui furent aussitôt publiés et affichés l'un était

dirigé contre les crieurs publics: il défendait de colporter et de crier aucuns autres écrits imprimés que ceux émanant de l'autorité publique; l'autre était rédigé en ces termes : « L'assemblée des représentants, profondément indignée de ce qui s'est passé au Palais-Royal;

<«< Voyant avec une nouvelle douleur que l'on continue à profaner, par des calomnies atroces et des motions sanguinaires, la demeure d'un prince également chéri et honoré de la nation;

<< Voyant, dans ces mouvements séditieux, les derniers efforts des ennemis de la nation, qui essayent, par une subversion générale, de nous faire regretter l'affreuse paix du despotisme;

<< Sentant combien il importe à la prompte régénération du royaume de s'en rapporter, sur les grandes questions qui s'agitent aujourd'hui dans l'assemblée nationale, aux grands principes qui l'ont dirigée, et au sincère dévouement d'un roi citoyen qui s'honore de concourir au bien général...

« Également d'avoir vu la dignité de la chose pubilque compromise par les menaces et les gestes que se sont permis, jusque dans son sein, des particuliers qui se sont dits députés par les habitués du Palais-Royal, etc., etc. :

« L'assemblée déclare qu'elle persiste invariablement dans ses arrêtés contre les attroupements et les motions du Palais-Royal;

<< En conséquence, elle charge le commandant général de déployer toutes les forces de la commune contre les perturbateurs du repos public, de les arrêter et constituer dans les prisons, pour leur procès être instruit selon la nature des délits, etc. »

Cet arrêté fut connu le jour même. Tout le monde se demandait l'explication de la phrase que nous avons fait imprimer en italique. On répondait que les députés du Palais-Royal avaient, en menaçant les représentants, passé la main sur le cou, pour les effrayer du sort qui leur était promis, s'ils se refusaient à leurs demandes. - « Il ne faut pas le croire ! s'écrie Loustalot : cette assertion est absurde. Sans doute il y a eu, de la part des membres de la commune, méprise; car nous ne voulons pas croire que la ville soit tombée tout à coup dans le machiavélisme, et que tout moyen lui ait paru bon pour rendre odieuses les motions du PalaisRoyal. >>

Néanmoins, l'ordre donné à la garde nationale fut exécuté. « Le soir, le café de Foy était plein de gens qui écoutaient avec avidité la lecture d'une opinion sur le veto. Chaque phrase excitait les plus vifs applaudissements, et ceux qui étaient au dehors demandaient le lecteur. Tout à coup les applaudissements ont changé en cris

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