Page images
PDF
EPUB

un droit civil, ni l'étranger ni l'étrangère ne pourront se marier en France sans avoir été admis préalablement à la jouissance des droits civils, mais, usant du droit naturel d'émigration, un Français ou une Française pourra toujours abandonner sa patrie pour se marier à l'étranger, et sa famille aura ainsi une parenté étrangère qui ne peut sans iniquité être dépouillée en France d'aucune portion de son héritage. Le droit de détraction n'était donc pas moins inique que celui d'aubaine. Ce que l'État peut interdire avec justice à ces parents étrangers, c'est de conserver les immeubles qu'ils ont hérités, car la possession immobilière est un droit civil. Le législateur pourrait donc les forcer à vendre ces immeubles pour en emporter le prix chez eux, et en exerçant de ce droit il agirait sagement, car c'est une chose bonne et même nécessaire que le sol de la patrie soit tout entier dans les mains des citoyens.

La loi du 30 avril 1790 accorde de droit l'exercice des droits politiques, qui est la pleine naturalisation, à tous les étrangers qui ont rempli certaines conditions. La loi du 6 août 1790 accorde de droit l'exercice des droits civils à tous les étrangers sans aucune condition. L'abolition de l'aubaine et de la détraction prononcée par cette loi serait parfaitement compatible avec le système qui n'admet pas l'étranger aux droits civils sans une autorisation préalable et personnelle, mais les considérants de la loi prouvent que la Constituante a entendu ouvrir la France pour l'exercice des droits civils à tous les hommes, sans condition. La loi du 6 août 1790 eût donc été dangereuse pour la nationalité française, si son exécution avait été possible. La Constituante l'écrivit sous l'empire d'un enthousiasme généreux pour le bonheur du genre humain. Elle voulait étendre à toutes les nations le bienfait de la Déclaration des droits.

[blocks in formation]

être concédé à l'avenir d'apanages réels; que pour donner à ces décrets une plus ample exécution, et pour établir l'uniformité qui doit régner en toutes les parties de la même administration, il est indispensable d'ordonner la suppression des apanages anciennement concédés; que cette suppression ne peut être injuste, puisque les concessions obtenues par les apanagistes, ne leur ont transmis aucun droit de propriété, ni même d'usufruit; qu'elles ne contiennent qu'une simple cession de fruits, dont l'effet doit cesser dès que la nation, toujours libre de choisir entre différents modes de paiement, préfère de s'acquitter d'une autre manière; considérant enfin que la composition respective des apanages actuels est d'ailleurs vicieuse et illégale, en ce qu'elle a pour base des évaluations arbitraires et évidernment frauduleuses, et qu'on y a compris plusieurs branches de revenu, que leur nature et la disposition des lois préexistantes ne permettaient pas d'y faire entrer, décrète :

Art. 1er. Il ne sera concédé à l'avenir aucun apanage réel. Les fils puînés de France seront élevés et entretenus aux dépens de la liste civile jusqu'à ce qu'ils se marient ou qu'ils aient atteint l'âge de vingt-cinq ans accomplis: alors il leur sera assigné sur le trésor national des rentes apanagères, dont la quotité sera déterminée à chaque époque par la législature en activité.

2. Toutes concessions d'apanages antérieures à ce jour sont et demeurent révoquées par le présent décret défenses sont faites aux princes apanagistes, à leurs offi

ciers, agents ou régisseurs, de se maintenir ou continuer de s'immiscer dans la jouissance des biens et droits compris auxdites concessions, au delà des termes qui vont être fixés par les articles suivants.

3. La présente révocation aura son effet à l'instant même de la publication du présent décret, pour tous les droits ci-devant dits régaliens, ou qui participent de la nature de l'impôt, comme droits d'aides et autres y joints, contrôle, insinuation, centième denier, droits de nomination et de casualité des offices, amendes, confiscation, greffes et sceaux, et tous autres droits semblables dont les concessionnaires jouissent à titre d'apanage, d'engagement, d'abonnement ou de concession gratuite, sur quelques objets ou territoires qu'ils les

exercent.

4. Les droits utiles mentionnés dans l'article précédent, seront à l'instant même réunis aux finances nationales; et, dès lors, ils seront administrés, régis et perçus selon leur nature, par les commis, agents et préposés des compagnies établies par l'administration actuelle, dans la même forme et à la charge de la même comptabilité que ceux dont la perception, régie et administration leur est respectivement confiée.

5. Les apanagistes continueront de jouir des domaines et droits fonciers compris dans leurs apanages; jusqu'au mois de janvier 1791 ils pourront même faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les portions de bois et futaies dûment aménagées, et dont les coupes étaient affectées à l'année présente par leurs lettres de concession et par les évaluations

faites en conséquence, en se conformant par eux aux procès-verbaux d'aménagement, et aux ordonnances et règlements intervenus sur le fait des eaux et forêts.

6. Les fils puînés de France et leurs enfants et descendants ne pourront, en aucun cas, rien prétendre ni réclamer à titre héréditaire dans les biens meubles ou immeubles laissés par le Roi, la Reine et l'héritier présomptif de la couronne.

7. Les baux à ferme ou à loyer des domaines et droits réels compris aux apanages supprimés, ayant une date antérieure de six mois au moins au présent décret, seront exécutés selon leur forme et teneur; mais les fermages et loyers seront payés à l'avenir aux trésoriers des districts de la situation des objets

compris en iceux, déduction faite de ce qui sera dû à l'apanagiste sur l'année courante, d'après les dispositions de l'art. 3.

8. Les biens ou objets non affermés, ou qui l'auraient été depuis six mois, seront régis et administrés comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiastiques.

9. Les décrets relatifs à la vente des biens nationaux s'étendront et seront appliqués à ceux compris dans les apanages supprimés.

10. Les acquisitions faites par les apanagistes dans l'étendue des domaines, dont ils avaient la jouissance à titre de retrait des domaines tenus en engagement dans l'étendue de leurs apanages, continueront d'être réputés engagements, et seront à ce titre perpétuellement rachetables.

Commentaire. Cette loi fut inspirée par le principe qui avait dicté celle du 2 novembre 1789 sur les biens du clergé. Les princes français pas plus que le clergé ne posséderont plus de biens-fonds nationaux. L'État leur servira comme au clergé une rente proportionnée à leur situation. En effet une loi postérieure du 20 décembre 1790 accorda à chacun des trois princes alors apanagés, qui étaient le comte de Provence et le comte d'Artois, frères du Roi, et le duc d'Orléans, une rente d'un million, réversible par portions égales sur tous leurs descendants mâles jusqu'à extinction: en outre un traitement viager d'un million fut attribué à chacun des deux frères du Roi. L'art. 1er de notre loi dit qu'à l'avenir tous les fils puînés du Roi recevront à l'âge de 25 ans, une dotation en rentes sur le Trésor, fixée à ce moment par le Corps législatif d'une manière irrévocable; la loi donne à cette dotation le nom de rente apanagère. pour indiquer sa réversibilité par portions égales sur les descendants mâles jusqu'à extinction. Aucune jouissance immobilière sur le domaine ne peut y être ajoutée. L'art. 6 avertit les princes

s n'ont pas de droit héréditaire sur la succession du Roi: en effet la loi du 9 mai 1790 a confondu le patrimoine du Roi avec celui de la nation et n'a laissé au Roi qu'un droit de testament. L'art. 6 ajoute que les mêmes princes n'auront non plus aucun droit héréditaire sur la succession de la Reine ni sur celle de l'héritier présomptif.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

TITRE PREMIER. - Des arbitres.

Art. 1er. L'arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourront faire aucune disposition qui tendrait à diminuer, soit la faveur, soit l'efficacité des compromis.

2. Toutes personnes ayant le libre exercice de leurs droits et de leurs actions, pourront nommer un ou plusieurs arbitres pour prononcer sur leurs intérêts privés dans tous les cas et en toutes matières, sans exception.

3. Les compromis qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres devront prononcer, et ceux dont le délai sera expiré, seront néanmoins valables et auront leur exécution, jusqu'à ce qu'une des parties ait fait signifier aux arbitres qu'elle ne veut plus tenir à l'arbitrage.

4. Il ne sera point permis d'appeler des sentences arbitrales, à moins que les parties ne se soient expressément réservé, par le compromis, la faculté de l'appel.

5. Les parties qui conviendront

de se réserver l'appel, seront tenues de convenir également, par le compromis, d'un tribunal entre tous ceux du royaume auquel l'appel sera déféré, faute de quoi l'appel ne sera pas reçu.

6. Les sentences arbitrales dont il n'y aura pas d'appel seront rendues exécutoires par une simple ordonnance du président du tribunal de district, qui sera tenu de la donner au bas ou en marge de l'expédition qui lui sera présentée.

TITRE II. Des juges en général. Art. 1er. La justice sera rendue au nom du Roi.

2. La vénalité des offices de judicature est abolie pour toujours; les juges rendront gratuitement la justice, et seront salariés l'État. par 3. Les juges seront élus par les justiciables.

4. Ils seront élus pour six années; à l'expiration de ce terme, il sera procédé à une élection nouvelle, dans laquelle les mêmes juges pourront être réélus.

5. Il sera nommé aussi des suppléants, qui, selon l'ordre de leur nomination, remplaceront, jusqu'à l'époque de la prochaine élection, les juges dont les places viendront à vaquer dans le cours des six an

[ocr errors]

nées. Une partie sera prise dans la ville même du tribunal, pour servir d'assesseurs en cas d'empêchement momentané de quelques-uns des juges.

6. Les juges élus et les suppléants, lorsqu'ils devront entrer en activité après la mort ou la démission des juges, recevront du Roi des lettrespatentes scellées du sceau de l'Etat, lesquelles ne pourront être refusées, et seront expédiées sans retard et sans frais, sur la seule présentation du procès-verbal d'élection.

7. Les lettres-patentes seront conçues dans les termes suivants :

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

qu'honneur doit lui être porté « en cette qualité, et que la force << publique sera employée, en cas << de nécessité, pour l'exécution des << jugements auxquels il concourra, « après avoir prêté le serment re« quis, et avoir été dûment ins«<tallé. »

8. Les officiers chargés des fonctions du ministère public seront nommés à vie par le Roi, et ne pourront, ainsi que les juges, être destitués que pour forfaiture dûment jugée par juges compétents.

9. Nul ne pourra être élu juge ou suppléant, ou chargé des fonctions du ministère public, s'il n'est âgé de trente ans accomplis, et s'il

n'a été pendant cinq ans juge ou homme de loi, exerçant publiquement auprès d'un tribunal.

10. Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du Corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture.

11. Ils seront tenus de faire transcrire purement et simplement dans un registre particulier, et de publier dans la huitaine, les lois qui leur seront envoyées.

12. Ils ne pourront point faire de règlements, mais ils s'adresseront au Corps législatif toutes les fois qu'ils croiront nécessaire, soit d'interpréter une loi, soit d'en faire une nouvelle.

13. Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.

14. En toute matière civile ou criminelle, les plaidoyers, les rapports et jugements seront publics, et tout citoyen aura le droit de défendre lui-même sa cause soit verbalement, soit par écrit.

15. La procédure par jurés aura lieu en matière criminelle; l'instruction sera faite publiquement, et aura la publicité qui sera déterminée.

16. Tout privilége en matière de juridiction est aboli; tous les citoyens, sans distinction, plaideront en la même forme et devant les mêmes juges, dans les mêmes cas.

« PreviousContinue »