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CAISSES DES VEUVES ET ORPHELINS.

COMPLÉMENT

DU MÉMOIRE SUR LA SITUATION ET L'AVENIR DES CAISSES DES VEUVES ET ORPHELINS, INSTITUÉES PAR LA LOI DU 24 JUILLET 1844;

PAR M. AUG. VISSCHERS,

Membre de la Commission centrale de statistique.

Dans un Mémoire publié récemment, et auquel la Commission centrale de statistique a bien voulu accorder une place dans son recueil 1, j'ai essayé de décrire les progrès et les développements de la législation sur les pensions en Belgique. Après avoir comparé les sytèmes de pensions adoptés en. France et en Prusse, pour les fonctionnaires et employés de l'État, j'ai recherché les dispositions qui y ont été prises en faveur des veuves et des orphelins de ces fonctionnaires.

Comme on a pu en juger par le parallèle que j'ai établi (Introduction, chap. III, pp. 8 et suiv.), la loi du 21 juillet 1844 a fondé en Belgique un système rationnel et complet pour les pensions civiles. Adoptant le principe consacré en France par la loi du 22 août 1790, et dans les Pays-Bas par l'arrêté du Prince souverain du 14 septembre 1814, cette loi a reconnu les droits des fonctionnaires publics à une pension, à titre de rémunération civile, lorsque l'âge ou les infirmités les obligent à la retraite. Mais, faisant un pas de plus, tandis que la loi de 1790 et l'arrêté-loi

Bulletin de la Commission centrale de statistique, tome VIII.

TOME VIII.

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de 1814 n'avaient rien prévu et rien établi en faveur des veuves et des orphelins, le législateur belge s'est montré plus sage et plus prévoyant.

J'ai rappelé, par des exemples et des citations (page 2), la corrélation qui existe dans toutes les législations entre des fonds de retenues et les pensions des veuves et orphelins des fonctionnaires publics. Si l'État doit une pension au fonctionnaire après de longs et loyaux services, nulle législation n'a proclamé le principe que l'État dût également une pension à sa veuve ou à ses orphelins. Si le trésor public paye en France cette pension à titre de réversion seulement, le fonctionnaire subit une retenue de 5 p. c. sur son traitement, etc. (V. page 8); en Prusse, une caisse générale de pensions pour les veuves et les orphelins, qui remonte à l'ordonnance royale du 28 décembre 1775, pourvoit au sort de ces personnes ; les fonctionnaires mariés sont seuls tenus d'y contribuer; on laisse à leur détermination de fixer le montant de la pension pour laquelle ils feront des versements; mais l'on a été obligé d'empêcher, par des mesures réglementaires, les employés inférieurs de faire, en vue de ces pensions, des sacrifices qui dépassent leurs moyens '. (V. pp. 11 et 12.)

Le mérite de la loi belge de 1844 est d'avoir établi une séparation nette entre les pensions des fonctionnaires publics et celles de leurs veuves et orphelins.

Portant sa sollicitude sur le sort de la veuve et de l'orphelin du fonctionnaire, le législateur belge a ordonné l'institution de caisses de pensions au profit des veuves et des orphelins des magistrats, fonctionnaires ou employés rétribués par le trésor public, et des ministres des cultes auxquels le mariage est permis. Ces caisses sont alimentées au moyen de retenues faites sur les traitements et suppléments de traitement. En aucun cas, elles ne pourront être subsidiées par le trésor public.-Art. 29 et 30 de la loi du 21 juillet 1844. (V. pp. 16 et suiv.)

L'article 31 ajoute : « Tous les magistrats, fonctionnaires et employés, rétri>> bués par le trésor public, ainsi que les ministres des cultes désignés à l'article 29. >> contribueront à la caisse qui leur sera assignée. »

La création de ces caisses a donné lieu à des observations consignées, par l'honorable président de la Commission centrale de statistique, dans un écrit qui vient de paraître. Je répondrai plus tard à ces critiques.

↑ La législation de la Grande-Bretagne ne statue rien en faveur des veuves et orphelins des fonctionnaires publics; ils n'y obtiennent de pensions que dans quelques circonstances exceptionnelles. On pourra consulter, relativement à la législation sur les pensions des divers Etats de l'Allemagne, l'article que j'ai inséré dans les Annales des travaux publics (tome II, page 391). 2 De la statistique considérée sous le rapport du physique, du moral et de l'intelligence de l'homme; par M. A. Quetelet, président de la Commission centrale de statistique. (Bulletin de la Commission centrale de statistique, tome VIII, pp. 447 et suiv.)

Tandis que la Prusse ne possède qu'une caisse de pensions en faveur des veuves et orphelins déjà ancienne, et où la contribution des fonctionnaires mariés est seule obligatoire, en Belgique, où les idées de centralisation sont moins facilement admises, la loi a établi plusieurs caisses, en rangeant les fonctionnaires par catégories.

Le principe sur lequel le législateur de 1844 s'est appuyé, c'est la solidarité, la confraternité entre fonctionnaires d'un même ordre ou ressortissant au même Département ministériel. « Il est de la dignité d'un corps,» avons-nous dit (page 13), «< comme du devoir de ses membres, de ne pas laisser dans le besoin » la veuve ou les orphelins de l'un d'entre eux. » C'est donc sur une pensée morale, sur un appel au dévouement, qu'est fondé le système belge des pensions en faveur des veuves et orphelins. Toutefois, nous avons reconnu que l'application de ce principe nécessitait quelques mesures de précaution, qu'il eût été prudent de réduire le nombre des caisses, afin de diminuer les chances défavorables auxquelles sont exposées des associations trop restreintes, et nous avons rendu compte des motifs et des considérations qui ont déterminé la fondation des caisses actuelles. (Chap. III, § 3, pp. 26 et suiv.)

Appelé dès l'origine à prendre part à la discussion d'où sont sortis la loi du 21 juillet 1844 et les statuts des caisses des veuves et orphelins instituées par arrêtés royaux du 29 décembre 1844, l'auteur du Mémoire sur la situation et l'avenir des caisses des veuves et orphelins s'est donné la mission de faire l'historique de la fondation de ces caisses, d'analyser les principales dispositions de leurs statuts, de résumer et d'exposer les comptes de leurs recettes et de leurs dépenses pendant les dix premières années de leur institution (1845 à 1854). Sollicité ensuite d'examiner la situation de ces caisses, surtout en présence de charges toujours croissantes, résultant de l'admission des années de contribution dans le calcul des pensions, il a longtemps hésité : il sentait d'abord son insuffisance; ensuite, bien que ses recherches dussent s'appliquer aux résultats de dix années, il comprenait parfaitement que ces résultats n'offraient encore que des documents trop imparfaits pour servir de base à des appréciations définitives. Aussi a-t-il multiplié, dans son Mémoire, les réserves et les précautions oratoires.

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Après dix années seulement d'observations, » disait-il (page 154),

il y a >> encore, dans les résultats des opérations des caisses, tant d'incertitudes, tant

» de causes de variation ou de doute, qu'il n'y a qu'une chose qui nous paraisse >> réellement essentielle, c'est l'étude des faits. >>

« Nous n'abordons, disions-nous aussi (page 203), <«< ce travail qu'avec >> anxiété. Les nombres sur lesquels vont porter nos évaluations ne sont pas assez

>> élevés pour présenter une base entièrement sûre; les moyens dont nous pou

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vons disposer, la méthode même que nous emploierons, ne peuvent nous con

>> duire qu'à des résultats approximatifs; mais notre but sera atteint si l'on aper

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çoit clairement quelle est l'étendue des charges que chaque année, en moyenne, >> fait peser sur les caisses. »

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Expliquons d'abord,» disions-nous plus loin (page 204), «<les motifs qui nous >> portent à ne présenter nos évaluations qu'avec une grande réserve... On voit >> qu'il est impossible d'établir des évaluations définitives en les fondant sur de >> semblables chiffres... Pour asseoir des calculs avec sûreté, il nous faudrait donc >> observer non-seulement dix années, mais toute une génération de fonction>> naires, c'est-à-dire un ensemble de trente années... Pour remédier en partie à >> l'inconvénient de nombres trop faibles et éviter les variations annuelles, nous >> avons, comme on le sait, recherché, dans toutes les opérations des caisses, la >> moyenne ou le dixième, que nous avons pris comme unité... En outre, en pré>> sence de nombres encore trop faibles, etc. » (V. page 204.)

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Qu'on veuille bien ne pas oublier que, dans notre pensée, il ne s'agit que d'approximations, n'ayant d'autre but que de servir de fanal à l'administration, » pour l'éclairer sur le véritable état des caisses confiées à sa surveillance. >> (Page 205.)

Nous ajoutions en terminant (pages 263 et suiv.): « Quelle que soit l'opinion >> que l'on se forme sur le degré d'approximation des résultats auxquels nous >> sommes parvenu au chapitre précédent, il est une vérité que nous croyons >> avoir démontrée : c'est que chaque année, en moyenne, doit percevoir des >> recettes suffisantes pour couvrir toutes les charges qu'une année moyenne im» pose à une caisse... Nous avons employé malheureusement un temps bien long » pour cet exposé et nos essais de solutions; toutefois, nous ne regretterons pas ce temps si notre œuvre, bien qu'imparfaite, sert plus tard de guide, et doit être >> continuée et améliorée... Espérons que nos essais, nos observations, seront >> accueillis avec bienveillance, puisque nous n'avons eu d'autre vue que le sage développement et la prospérité des caisses. » (Page 269.)

))

>>

Dans notre conclusion, nous avons résumé ainsi le système qui a prévalu, en 1844, pour la fondation des caisses des veuves et orphelins : « Les différents

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systèmes ont été discutés dans le sein de la commission belge qui a préparé le

» projet de loi; on a eu tort, pensons-nous, de tant multiplier le nombre des ›› caisses et d'en ajouter après. Mais, en partant du principe de solidarité qui >> intéresse tout un corps, tout un ordre de fonctionnaires, au soutien des veuves >> et des orphelins délaissés par quelques-uns d'entre eux, on aboutissait néces›› sairement à instituer plus d'une caisse : LE CALCul rigoureux deS PROBABILITÉS

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