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Pendant quinze années, le chiffre des naissances n'a été qu'une seule fois inférieur au chiffre des décès; c'est en 1847 on n'a compté que 118,106 naissances, et l'on a constaté 120,168 décès. Cette année est celle où le choléra a particulièrement sévi dans plusieurs de nos provinces.

L'année qui a offert, au contraire, le plus grand excédant des naissances sur les décès est celle de 1841 : il a été de 41,027. Les années 1850 à 1852 ont présenté à peu près le même résultat : chacune d'elles a donné un excédant de près de 40,000 naissances sur les décès.

On pourrait être curieux maintenant de savoir lequel des trois nombres mérite le plus de confiance, celui des naissances, des décès ou des mariages. Or, ces quantités étant estimées en prenant la même base et pendant la même durée de temps, si on leur accorde la même valeur individuelle, le degré de confiance que devront inspirer les résultats sont comme V/150256 : /103165 29603, ou comme 361 321 172, c'est-à-dire comme les racines carrées du nombre des observations.

:

IV.

138135 4138382

et

118106 4338447

9

Si l'on n'accorde pas aux résultats les mêmes valeurs individuelles, il faudra commencer par les rendre comparables. Ainsi, dans l'exemple précédent, les naissances, les décès et les mariages n'étant pas directement comparables entre eux, ils devront être réduits de manière à le devenir. Par exemple, pour les naissances, pendant les quinze années que nous considérons, le plus grand écart supérieur et le plus grand écart inférieur, comparés au chiffre de la population, donnent, pour 1841 et 1847, les nombres ou bien 0,0334 et 0,0272. Pour les décès, on a, comme plus grands écarts pendant les années 1847 et 1850, les nombres 0,0277 et 0,0210. Enfin, pour les mariages, pendant ces mêmes années, qui ont également donné les termes extrêmes, on a 0,0076 et 0,0056. Chacune de ces valeurs, par rapport à la population prise pour unité, exprime le nombre maximum et le nombre minimum observés pendant les quinze années de 1841.à 1855. Les écarts possibles, ou les différences des nombres précédents, divisés par leurs sommes, sont pour les naissances, pour les décès, et pour les mariages. Si l'on réduit ces nombres au même dénominateur, on aura approximativement

62 606

67 487

20 132

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L'année 1847 n'offre pas précisément le maximum des décès, ce serait plutôt l'année 1849; les nombres sont de 1 à 36,10 pour la première année, et de 1 à 36,06 pour la seconde. La différence est très-faible, et l'une peut être considérée comme la continuation de l'autre.

Ce sont les écarts probables pour les naissances, les décès et les mariages, en supposant que, de part et d'autre, le nombre des observations soit le même, ce qui n'est pas.

Si l'on tient compte de la probabilité composée, c'est-à-dire si l'on a égard à ce que, pendant la période de quinze ans, les jugements n'ont pu porter sur un même nombre de naissances, de décès et de mariages d'une part (voyez page précédente); et que, de l'autre, ces trois éléments ne présentent pas la même probabilité (comme nous venons de le voir), il faudra, pour porter un jugement général, avoir égard à ces deux valeurs. On aura ainsi, pour les valeurs comparatives, en omettant le dénominateur commun des trois fractions précédentes,

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D'après la manière dont les résultats ont été recueillis, et d'après les documents des 15 dernières années, il en résulterait donc que les valeurs concernant les naissances méritent plus de confiance que celles relatives aux décès, et surtout que celles relatives aux mariages; les degrés de confiance que l'on peut attacher à ces valeurs sont, dans le rapport des nombres, 9,02; 5,94; 2,92, ou approximativement comme 3: 2: 1.

On voit que, dans ce cas, il faut multiplier entre elles les probabilités simples pour avoir, en produit, la probabilité composée qu'il s'agissait d'obtenir.

La grande anomalie signalée, en 1847, sur le nombre des naissances, des décès et des mariages, provient surtout de l'action du choléra et des craintes que ce fléau avait fait naître. Un effet contraire a été observé dans l'année 1850: les pertes se sont réparées, et les mariages ont été incomparablement plus nombreux. Nous avons considéré jusqu'à présent les changements survenus, en ayant égard aux deux termes extrêmes; mais si on les apprécie par rapport à la moyenne des quinze années 1841 à 1855, on trouve, pour la limite supérieure et la limite inférieure, les valeurs suivantes, d'après les trois dernières colonnes du tableau précédent :

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On voit que le nombre des naissances varie dans les limites les plus étroites, et celui des mariages dans les limites les plus larges: l'étendue des limites est de 0,207 pour les naissances, 0,285 pour les décès, 0,309 pour les mariages. C'est ce que nous avons déjà indiqué précédemment, mais en considérant les choses sous un autre point de vue. Cependant on verra mieux ici que l'excès des décès et le défaut des naissances et des mariages proviennent de l'année désastreuse de 1847.

V.

On peut juger déjà de la nécessité de ne baser le calcul d'une table de mortalité que sur les renseignements recueillis pendant plusieurs années, afin d'éliminer tout ce qui n'est qu'accidentel. Une table pareille ne peut être appliquée, avec quelque chance de succès, qu'à des nombres suffisamment grands: sans cela, on aurait à craindre les discordances les plus fâcheuses entre les prévisions et les résultats. C'est à ce point de vue que nous devons regretter les décisions prises au sujet des caisses de retraite établies en Belgique pour les femmes et les enfants des fonctionnaires publics. A côté d'une caisse du Département des finances, qui avait des devoirs spéciaux à remplir, il s'est formé, sur les lois de la mortalité, plusieurs caisses particulières pour les différents Ministères et pour les différents services, tandis qu'une seule tout au plus offrait les conditions nécessaires pour voir ses calculs établis d'une manière stable. L'une de ces caisses, celle des professeurs de l'enseignement supérieur, formée pour les veuves et orphelins de ces mêmes professeurs, compte à peine cent participants. Il serait difficile, je crois, que le calcul pût s'établir d'une manière plus douteuse et plus contraire à la théorie des probabilités.

1 Les années 1847 et 1849, comme nous l'avons vu, donnent à peu près le même rapport.

DorM

En dehors de toute considération scientifique, c'est déjà un fait regrettable que l'établissement même de deux caisses pour les employés d'un petit État. La similitude des résultats rend cette séparation inutile et augmente les dépenses; la dissimilitude crée des avantages et des pertes, tandis que pareille inégalité ne devrait jamais se produire. Cette multiplicité de caisses, et l'exemple le prouve, les porte, en outre, à abaisser les mises et à vouloir augmenter les bénéfices, sans calculer les dangers futurs auxquels elles s'exposent en procédant de cette façon.

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Je me permettrai de rappeler à ce sujet les paroles d'un honorable administrateur dont j'apprécie autant que personne le zèle et les excellentes intentions, mais de l'opinion duquel je crois devoir m'écarter entièrement dans cette circonstance : voici comment M. Aug. Visschers, alors directeur de l'administration des mines, terminait ses considérations Sur le projet d'une loi sur les pensions des fonctionnaires, de leurs veuves et de leurs orphelins1 : « Il n'y a qu'une seule caisse » de veuves et orphelins pour l'armée; nous avons vu que cette institution était incomplète, puisque tous les officiers mariés n'y participent pas. Il y aura, dans >> l'ordre civil, une ou plusieurs caisses dans chaque Département : il y en aura ›› une pour la magistrature, une pour les universités ou pour l'instruction publique, une pour les fonctionnaires des contributions directes, des douanes et >> des accises, etc. Le Gouvernement déterminera le nombre des caisses à fonder. >> Nous préférons le système de la multiplicité des caisses à celui qui n'en éta>> blirait qu'une seule, parce qu'il convient, pour leur succès, qu'elles soient administrées prudemment par les principaux d'entre les intéressés. Le contrôle » s'établit plus facilement. La proportion entre les charges et les ressources est ›› mieux observée. L'on peut sans risque voter alors la disposition qui interdit >> au trésor de venir au secours de ces caisses. Ce sont de véritables tontines, où » tout a été calculé strictement si l'on est économe en fait de retenues, on le ›› sera tout autant dans la concession des pensions. Les principaux intéressés dirigeant la caisse, on se tient pour assuré de leur bonne gestion; les comptes sont d'ailleurs remis au Ministre pour être approuvés; chacun peut venir en prendre inspection. Avec une caisse unique, chaque administration, en discu>> tant sur la quotité des retenues, réclamerait contre le taux des pensions; d'une >> part, on chercherait à amoindrir les ressources; d'autre part, à augmenter les charges. Avec ce dernier système, plus d'économie, plus de véritable contrôle. » Je ne ferai aucune observation sur ce qui précède; je remarquerai seulement que l'expérience a démenti complétement ces prévisions. Chaque caisse s'est em

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Annales des travaux publics de Belgique, tome II, in-8°, page 440, année 1844.

pressée de diminuer ses charges, et quelques-unes ne payeraient probablement plus rien, si l'administration n'avait porté entrave à ce désir de diminuer graduellement la contribution annuelle '.

Dans le mémoire qu'il vient de publier, M. Visschers a modifié ses premières idées, du moins quant à la caisse des professeurs; cependant nous lisons encore avec regret, dans la conclusion de ce nouveau travail, à la page 263: « La constitution des caisses des professeurs de l'enseignement supérieur me paraît trèsvraisemblablement assurée. »>

Peut-être sera-t-il intéressant de fixer les bases d'après lesquelles ces caisses doivent être établies, bases, il faut bien en convenir, qui ont été complétement méconnues. L'homme du monde ne fait en général aucune différence entre une probabilité et une autre elles sont toutes égales à ses yeux, bien qu'elles puissent varier considérablement entre elles. C'est supposer, en peinture, un tableau sans perspective et placer tous les objets sur un même plan.

Pour se mettre en mesure d'apprécier le danger auquel on s'expose, en substituant ainsi plusieurs caisses à une seule, il suffit de se rappeler que la précision entre les résultats de l'expérience et ceux du calcul croît comme la racine carrée du nombre des assurés, et qu'en général la précision est comme la racine carrée du nombre de chances. D'après ce principe, auquel on n'a pas eu égard, voici quels sont les résultats que présentent les diverses caisses établies en Belgique, à l'exception de celle du Ministère des finances, qui est basée sur d'autres principes et qui satisfait à d'autres besoins :

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Ainsi, en supposant que le nombre total des assurés, qui est ici de 6,028, fùt assez grand pour mettre la théorie complétement d'accord avec l'expérience, ce qui certes n'est point, la probabilité de cet accord ne serait guère que de fonctionnaires du Département de la justice, et elle serait de moins de

pour les pour l'en

La caisse des finances cependant a plutôt augmenté que diminué ses tarifs. 2De la situation et de l'avenir des caisses des veuves et orphelins, t. VIII du Bulletin de la Commission centrale de statistique.

3 Je prends les nombres donnés par les Ministères et tels qu'ils sont rapportés par M. Visschers, dans son Mémoire, pag. 168. J'en fais de même pour le tableau suivant.

TOME VIII.

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